Des informations faisant état de l’existence de tractations secrètes entre l’administration américaine et les plus hautes autorités marocaines concernant le retour de la Minurso au Sahara occidental circulent avec insistance ces derniers jours. L’objectif de ces pourparlers est de trouver un terrain d’entente pour tenter de désamorcer une crise aux prolongements incertains…
Abla Chérif – Alger (Le Soir) – Il y a près de deux mois éclatait une guerre ouverte entre Mohammed VI et Ban Ki-moon violemment pris à partie pour avoir réussi à détourner une manœuvre marocaine visant à faire capoter sa visite dans la région.
Désireux de gagner du temps jusqu’au départ du secrétaire général de l’ONU (son mandat expire à la fin de l’été), le souverain avait, on s’en souvient, tout tenté afin d’obtenir l’annulation d’une tournée, ce qui aurait vidé le rapport annuellement soumis par l’institution au Conseil de sécurité de tout son contenu et surtout déchargé de toute nouvelle avancée pour la résolution du conflit. Pour ce, Mohammed VI avait adressé des lettres, certaines secrètes, d’autres publiques, à un Ban Ki-moon qui les a poliment ignorées, provoquant ainsi le courroux d’un jeune roi qui décide alors de croiser le fer en refusant de le recevoir à Rabat, prétextant un voyage à l’étranger puis en faisant la sourde oreille à une demande d’atterrissage de l’avion onusien à El-Ayoun, capitale du Sahara occidental occupé où éclatent fréquemment des révoltes durement réprimées par l’occupant. Ban Ki-moon maintient sa décision et se rend (en mars dernier) à Alger, dans les camps de réfugiés sahraouis puis en Mauritanie et présente au Conseil de sécurité (en avril) un rapport contenant des recommandations qui enfoncent davantage Mohammed VI.
De son côté, le roi soulève les foules contre Ban Ki-moon à Rabat, l’attaque en des termes peu diplomatiques, l’accuse de partialité, renvoie 83 membres de la Minurso (Mission des Nations-Unies pour le Sahara occidental), convoque par deux fois l’ambassadeur US après la promulgation d’un rapport défavorable par le département d’Etat.
Mohammed VI fait aussi acquisition de nouvelles armes financées par l’Arabie Saoudite. De son côté, le Front Polisario, usé par des années d’attente et des conditions de vie pénibles, menace de reprendre les armes. Les frontières Ouest de l’Algérie sont sous haute tension, incitant le vice-ministre de la Défense à se déplacer sur les lieux et alerter sur les dangers en cours. Le roi du Maroc se dit prêt à aller jusqu’au bout et refuse de se plier aux injonctions du Conseil de sécurité concernant le retour de la Minurso et le retour à des négociations sans préalable pour l’organisation d’un référendum d’autodétermination.
Le renvoi des 83 membres de la mission onusienne et la fermeture des bases de la Minurso dans les territoires occupés ont été très mal perçus par les Nations-Unies qui y voient un précédent et un mauvais exemple pour d’autres pays en conflit à travers le monde, mais aussi comme étant une porte ouverte à toutes les dérives au Sahara occidental. Ban Ki-moon qualifie la situation d’explosive et appelle les Nations-Unies à agir au plus vite. En dépit des pressions américaines, Mohammed VI refuse d’obtempérer.
Pour tenter de désamorcer la crise, avons-nous appris, des tractations ont été entreprises ces derniers jours par les Américains dans le but de trouver un terrain d’entente avec les Marocains. Le premier point concerne, évidemment, le retour de la Minurso. Le Maroc a quatre mois pour permettre aux militaires de l’ONU de rejoindre les bases de Dakhla et toutes celles vidées le mois passé, mais un retour dans les formes édictées par les Nations-Unies est refusé par le roi.
Les informations en cours laissent cependant entendre que Mohammed VI, qui s’est mis à dos une bonne partie de la communauté internationale, aurait donné son accord pour le retour de la mission onusienne à condition qu’elle se limite à un rôle d’observation du cessez-le-feu (entré en vigueur en 1991).
Dans sa dernière recommandation, Ban Ki-moon avait préconisé l’élargissement des prérogatives de l’ONU de façon à ce qu’elle s’implique dans l’organisation du référendum d’autodétermination.
L’option n’a cependant pas été tranchée à ce stade. Vider la mission de l’ONU de ses prérogatives reviendrait à désavouer Ban Ki-moon, ce qui est très peu probable compte tenu du soutien inconditionnel qu’affiche le Conseil de sécurité face au SG des Nations-Unies.
Une telle décision jetterait aussi et surtout le discrédit sur l’institution et servirait de mauvais exemple pour tous les autres conflits dans le monde. Pour ce, les Américains ont, semble-t-il, décidé de s’engager dans une tout autre voie. Il semblerait que ces derniers aient décidé de remettre sur le tapis le fameux plan de l’ancien SG de l’ONU, James Baker.
Le plan était le suivant : octroyer aux Sahraouis une autonomie sous contrôle marocain durant cinq années au bout desquelles serait organisé un référendum d’autodétermination à travers lequel les Sahraouis décideraient de leur sort.
Ce plan avait alors été perçu par la communauté internationale comme étant une solution merveilleuse passible de débloquer une situation sans issue apparente. Malheureusement, le plan Baker n’avait trouvé aucun écho favorable chez les deux parties.
Les Sahraouis étaient restés mitigés, une position tout à fait compréhensible, mais elle avait été, par contre, rejetée par Hassan II. Aujourd’hui, les Américains tentent apparemment de persuader son fils d’accepter une proposition à même d’éviter l’éclatement d’un nouveau conflit dans une région déjà en ébullition…
A. C.