Les documents confidentiels révélés par le mystérieux hacker Chris Coleman ont mis en évidence une réalité déjà connue de tous : ce sont les copains de collège de Mohammed VI qui tirent les ficelles au Maroc. Une génération qui constitue un pur produit du Makhzen et dont il a hérité des méthodes de répression. Fouad Ali El-Himma, né le 6 décembre 1962 à Marrakech, ami intime du roi Mohammed VI, est son conseiller depuis décembre 2011. C’est lui le ministre de l’Intérieur dans l’ombre. C’est un grand connaisseur des rouages de la politique interne du Maroc grâce aux nombreuses fonctions qu’il a assumées au sein de ce ministère. Mohamed Mounir El-Majidi, né le 19 janvier 1965 à Rabat, homme d’affaires marocain, secrétaire particulier du roi Mohammed VI depuis 2000 et président de la Siger, la holding royale, depuis 2002. Il est le gardien de la fortune de Mohammed VI et ministre de l’Economie dans l’ombre. Abdellatif Hammouchi, né à Fès en 1966, actuel directeur général de la Direction générale de la sûreté nationale (DGSN) et directeur de la Direction générale de la surveillance du territoire (DGST). Yassine Mansouri, né le 2 avril 1962 à Boujad, directeur du service de contre-espionnage (DGED) et véritable patron de la diplomatie marocaine. En 2010, El-Majidi et El-Himma ont été cités par Wikileaks dans des scandales de corruption, un phénomène qui «s’est institutionnalisé sous le règne de Mohammed VI». Un télégramme du consulat américain à Casablanca évoque «l’avidité consternante de ceux qui sont proches du roi Mohammed VI». En 2014, le nom d’El-Majidi est cité dans l’affaire de la banque HSBC, appelée Swissleaks, et, en 2016, dans les «Panama Papers». El-Himma et El-Majidi ont été aussi visés par le Mouvement 20-Février en 2011. Ils sont intouchables.
Ceux qui ont osé s’en prendre aux amis du roi ont été malmenés par le Makhzen. En 2011, le quotidien arabophone Al-Massae révèle que Fouad Ali El-Himma serait impliqué dans une affaire de corruption et de violation des règles d’octroi des marchés publics. Son directeur, Rachid Niny, a été condamné le 9 juin 2011 par le tribunal de première instance à Casablanca, à un an de prison ferme et une amende de 1 000 dirhams pour «atteinte à la sécurité du pays et des citoyens». Le 27 avril 2011, Rachid Niny a été arrêté par la police marocaine après que le procureur général du roi à Casablanca l’eut accusé d’«atteinte à la sécurité du pays et des citoyens», suite, notamment, à des publications mettant directement en cause le directeur des services de renseignement marocains, Abdellatif Hammouchi, au sujet de l’existence d’un camp de détention et de torture secret basé dans la région de la ville de Témara. L’existence de cette prison est un tabou pour le régime de Mohammed VI, à cause du scandale des tortures perpétrées par la CIA contre des musulmans soupçonnés d’appartenir à Al-Qaïda. La CIA a, d’ailleurs, confirmé l’existence de ce centre de torture dans un rapport de 6 600 pages, rendu public en mai 2014. En janvier 2014, Abdellatif Hammouchi est convoqué par la justice française lors d’un séjour à Paris avec le ministre de l’Intérieur marocain, suite à une plainte déposée par le citoyen franco-marocain Zakaria Moumni, pour séquestration et torture à la prison secrète de Témara. Parmi ses bourreaux, il a déclaré avoir reconnu le patron de la DGST. Pour manifester son mécontentement, le Maroc a convoqué l’ambassadeur de France à Rabat, Charles Fries, et suspendu quelques jours plus tard la coopération judiciaire avec la France.
Une «nouvelle doctrine diplomatique»
Les membres de l’équipe du roi Mohammed VI sont tous de la génération des années 1960, à l’instar de la nouvelle «star» de la diplomatie marocaine, Nasser Bourita, un pur produit des services de Sidi Yassine, comme ils appellent Yassine Mansouri, le patron de la DGED, dans les documents confidentiels dévoilés par le dénommé Chris Coleman. Nasser Bourita est né le 27 mai 1969 à Taounate. Après avoir exercé depuis 2011 la fonction de secrétaire général du ministère des Affaires étrangères et de la Coopération, il a été nommé en février 2016 ministre délégué auprès du ministre des Affaires étrangères et de la Coopération. L’équipe de Mohammed VI a fait du Sahara Occidental une cause sacrée au détriment de la légalité et de la raison, faisant du Maroc un Etat hors-la-loi. Dans le but d’accaparer d’alléchantes ressources naturelles de l’ancienne colonie espagnole, ils vont mener ce qu’un journal marocain, se disant indépendant, a appelé, non sans fierté, «nouvelle doctrine diplomatique». Pour lui donner un caractère offensif, la nouvelle diplomatie se base sur une stratégie de tension comme arme principale de lutte pour imposer la pseudo-solution d’autonomie pour le conflit du Sahara Occidental. Sa première cible est l’Algérie que Rabat accuse d’être l’obstacle à ses desseins expansionnistes. Dans ce contexte, il y a lieu de citer :
– Les attaques verbales du roi du Maroc en personne contre l’Algérie dans chacun de ses discours officiels ;
– La profanation du drapeau algérien au consulat algérien de Casablanca le 1er novembre 2013 par un nervi aux ordres du palais ;
– La multiplication d’incidents frontaliers ;
– L’agitation de la menace d’une confrontation armée avec l’Algérie pour impressionner la communauté internationale ;
– L’inondation du territoire algérien par des milliers de tonnes de cannabis produit dans la région marocaine du Rif ;
– La création de sites hostiles tels qu’Algeria Times ;
– La création et le financement du mouvement autonomiste de Ferhat Mehenni ;
– La manipulation d’un mouvement terroriste (Mujao) pour attaquer des objectifs algériens et enlever, en 2011, les trois coopérants étrangers qui travaillaient à Tindouf ;
– La manipulation des incidents de la communauté du M’zab à Ghardaïa ;
– La multiplication des attaques cybernétiques ;
– La distillation de messages accusant l’Algérie de manipuler Al-Qaïda en vue de s’attaquer au Maroc (emails envoyés à Hillary Clinton et dévoilés par Wikileaks), des publications hostiles parues aux Etats-Unis via des lobbies financés par le Maroc (le Centre d’études stratégiques et internationales (CSIS), think tank républicain (Center for the National Interest, Foreign Policy Research Institute) ;
– Le financement de lobbies en France (les journalistes Vincent Hervouet, Mireille Duteil, José Garçon, Dominique Lagarde, etc.).
Au niveau régional
Les conseillers de Mohammed VI sont derrière :
– L’idée répandue chez l’opinion publique américaine selon laquelle le Front Polisario aurait des connexions avec le «terrorisme djihadiste. Le journaliste américain Richard Miniter a reçu la faramineuse somme de 60 000 dollars pour un article dans ce sens paru dans The New York Times ;
– Les faux reportages de Vincent Hervouet sur TF1 et iTélé ;
– Le recrutement de collaborateurs dans les médias mauritaniens pour dénigrer le Front Polisario et l’Algérie. A leur tête, Abdallahy Ould Mohamedi, directeur du groupe mauritanien Sahara Media ;
– Le recrutement de Serge Daniel, correspondant de l’AFP et RFI à Bamako pour accuser le mouvement sahraoui d’accointances avec le mouvement de l’Azawad ;
– L’accusation visant le Front Polisario, selon laquelle il fournirait des combattants pour défendre Kadhafi, et l’Algérie qui mettrait à leur disposition les moyens de transport ;
– Le recrutement d’un ancien policier sahraoui, Moustpha Selma, pour semer la confusion ;
– L’accusation proférée contre le mouvement sahraoui qui aurait détourné les aides humanitaires ;
– L’envoi de centaines de ressortissants marocains en Libye pour rallier Daech et dont le transit se faisait par l’Algérie ;
– Le financement du terrorisme avec l’argent de la drogue qui provient
du Maroc (haschich) ou transite par le Maroc (cocaïne provenant d’Amérique latine) ;
– La formation de 5 000 jeunes Marocains pour mener le cyberterrorisme contre le Polisario et l’Algérie.
Au niveau international
Les conseillers de Mohammed VI ont planifié :
– Le recrutement de journalistes et personnalités qui agissent pour donner une fausse image du Maroc ;
– La confrontation directe avec les anciens alliés du Maroc : la France, les Etats-Unis, et l’Union européenne ;
– La confrontation avec l’ONU : attaques contre le secrétaire général de
l’ONU et son envoyé personnel pour le Sahara Occidental, Christopher Ross ;
– La manipulation de la communauté marocaine en Europe en vue de s’imposer comme allié indispensable dans la lutte contre le terrorisme ;
– L’encouragement des salafistes marocains à rejoindre les rangs de Daech ;
– La corruption de fonctionnaires de l’ONU dans le but d’empêcher la rédaction de son rapport accablant sur la situation des droits de l’Homme au Sahara Occidental et dans les camps des réfugiés sahraouis à Tindouf ;
– Les attaques contre les journalistes français Eric Laurent et Catherine Graciet pour empêcher leur nouvelle publication sur le roi du Maroc et venger le régime de leurs anciens ouvrages sur le royaume alaouite.
Au niveau interne
Les conseillers de Mohammed VI sont les instigateurs des faits suivants :
– L’entretien à l’intérieur du pays d’une tension de faible intensité mais permanente afin de justifier le maintien du régime en place ;
– Les représailles contre un certain nombre d’opposants pour faire peur aux autres et les contraindre à rentrer dans les rangs (Rachid Nini, l’historien et journaliste marocain Maâti Monjib, etc.) ;
– Le harcèlement et la punition des opposants au roi : de nombreux militants du Mouvement 20-Février ont été assassinés. Khalid Gueddar a échappé de justesse à une agression au couteau près de son domicile à Rabat, le local de l’AMDH a été saccagé et cambriolé, l’actrice Loubna Abidar a été lynchée, des étudiants sahraouis ont été agressés dans l’enceinte de l’université ;
– La barbouzerie : menaces et insultes téléphoniques en pleine nuit,
intimidations, etc. ;
– L’élimination de tout soutien à la presse réellement indépendante ;
– Le travestissement de la vérité avec l’adoption de la mythomanie comme stratégie
permanente aux niveaux intérieur et extérieur.
Mohamed Mahamud Embarec