Documents confidentiels sur les agissements de la France dans les coulisses de l'ONU pour soutenir le Maroc

Dans une note envoyée le 19 février 2014, Mohammed Loulichki, le Représentant Permanent du Maroc auprès de l’ONU indique que « le Secrétariat (de l’ONU, ndlr) est au fait de la connivence qui existe entre les délégations marocaine et française et que cette dernière nous fait part des informations dont elle dispose ». 
La connivence entre les deux pays dépasse largement un simple échange d’informations faisant de la France véritable porte-parole du Maroc dans les coulisses des Nations Unies. Le compte-rendu de l’entretien de Loulichki avec Mme Mariame Diallo, experte à la Mission française auprès de l’ONU en charge de la question du Sahara Occidental, où celle-ci fait part du contenu de sa réunion avec Mme Susan Allee et Raphaelle Guillom, responsables au Département des Opérations de maintien de la Paix (DOMP) donne une idée de l’intervention française pour influencer le contenu du rapport du Secétaire Général de l’ONU. 
Entre autres, Loulichki, précise dans la même note : 
L’experte française a indiqué avoir passé tous les messages dont cette Mission lui a fait part hier 
– Ella a insisté sur l’importance d’avoir un rapport équilibré et non controversé ; 
– Le rapport doit se focaliser sur la recherche d’une solution politituqe mutuellement acceptable ; 
– Le maintien du cessez-le-feu est une priorité pour la France. La MINURSO assure bien son rôle dans ce domaine ; 
– La question « des plaques d’immatriculation » doit être réglée en concertation avec les autorités marocaines ; 
– S’agissant de la question des droits de l’homme, les efforts consentis par le Maroc depuis plusieurs années doivent être dûment reflétés dans le rapport. Il n’est pas admis que le rapport commence à zéro chaque année, comme si rien n’a été fait ; 
– Le Conseil de Sécurité demande depuis 3 ans, l’enregistrement des populations des camps de Tindouf, mais rien n’a été fait dans ce sens : 
– Le rapport de cette année ne peut pas passer cette question sous silence. Il doit indiquer clairement pourquoi la demande du Conseil n’a pas été suivie d’effet. Là encore, il ne faut pas remettre le compteur à zéro ; 
– Pour la France, la question du recensement est fondamentale à plusieurs titres : humain, humanitaire et budgétaire ; 
– Sur ce dernier point, alors que l’Europe est en crise financière, les payeus de taxes européens doivent connaître le nombre de bénéficiaires de leur aide et s’assurer de sa livraison à ses destinataires : 
– Le DOMP aurait reconnu qu’il s’agit d’une question très politique ; 
– Mme Diallo a rappelé l’opposition catégorique du Maroc à une quelconque implication de l’Union Africaine dans le dossier du Sahara et que toute référence à cet aspect dans le rapport sera rejetée par le Maroc ; 
– Sur cette question, les représentants du DOMP ont indiqué qu’ils connaissaient la position du Maroc, qu’il s’agit d’une question controversée et « qu’ils ne prévoyaient pas d’ajouter quelque chose sur l’Union Africaine dans le rapport ». 
Dans une autre note envoyée le 26 mars 2014, Mme Diallo fait part du déroulement d’une réunion du Grupe d’Amis du Sahara Occidental (Etats-Unis, France, Royaume Uni, Russie, Espagne) avec l’Envoyé Personnel du SG de l’ONU pour le Sahara Occidental, M. Christopher Ross. Ci-après, le contenu intégral de la note : 
MONSIEUR LE MINISTRE DES AFFAIRES ETRANGERES ET DE LA COOPERATION 
DATE: 26 Mars 2014 
OBJET : Question nationale/Réunion du Groupe des Amis avec l’Envoyé Personnel. 
Faisant suite à ma correspondance citée en référence, j’ai l’honneur de vous communiquer les informations recueillies auprès de l’experte française, sur le déroulement de la réunion qui a eu lieu en début d’après-midi, entre le Groupe de Amis, au niveau des Représentants Permanents Adjoints et M. Ross, qui était accompagné de Mmes Denise O’Brien, Maria Solis (DPA) et Raphaëlle Guillon 
(DOMP) : 
I.- Propos de l’Envoyé Personnel : 
Le processus politique: 
Ross a commencé à mettre en place sa nouvelle approche ; 
Après Avril dernier, il y a eu un délai dans la reprise des visites car il fallait temporiser après l’adoption de la résolution 2099, tenir compte de la maladie du Président Algérien ainsi que des changements dans les gouvernements marocain et mauritanien ; 
– Il avait profité de cette période pour visiter les capitales du Groupe des Amis pour demander leur soutien à sa médiation ; 
Il leur avait également demandé de lui faire part d’idées sur la substance d’une solution politique de compromis et sur les moyens par lesquels l’autodétermination peut se réaliser ; 
II a sollicité leur appui pour faire pression sur les parties en vue de les inviter à faire preuve de créativité et à sortir de leurs positions (autonomie pour le Maroc et référendum à trois options pour le polisario) ; 
Il est retourné dans la région en Octobre et il a rencontré de nouveaux interlocuteurs à Rabat et ceux habituels à Tindouf. A tous, il a passé le message que les membres du Groupe des Amis sont frustrés par l’absence de progrès ; 
Pour le Maroc, c’est l’autonomie qui prime et la question de l’autodétermination est secondaire ; 
A l’inverse, pour le polisario, le principal c’est l’autodétermination, au point que la nécessité de négocier pour trouver une solution politique est secondaire ; 
Durant ses dernières visites dans la région, il a posé des questions aux parties et s’est rendu en Algérie ; 
Ross a estimé qu’il est encourageant que Laamamra, tout en insistant sur le fait que l’Algérie n’était pas partie, a indiqué la disponibilité de son pays à aider les Nations Unies à trouver une solution qui réponde à l’autodétermination ; 
– La conclusion qu’il a tirée de ses dernières visites et des réponses qu’il a reçues à ces questions est que les parties collent à leurs positions ; 
II estime qu’il aura besoin de beaucoup de travail et que les résultats seront lents à venir ; 
Il compte intensifier la cadence des visites dans la région. 11 veut maintenir la pression sur les parties et compte faire un voyage par mois ; 
En Mai prochain, il organisera un nouveau round, durant lequel il va soumettre un large éventail de solutions et de cas possibles de la mise en oeuvre de l’autodétermination ; 
Après la visite de Mai ou celle qui la suivra, il reviendra au Groupe des Amis avec des choses concrètes (jusqu’à présent, il n’a fait que demander leur appui) ; 
En Octobre prochain, il pourra dire devant le Conseil si la nouvelle approche a permis des avancées ou non, si elle marche ou non ; 
En Avril 2015, s’il n’y a pas de progrès, il faudra en tirer les conséquences, faire des ajustements et changer le cadre de la médiation ; 
Si tout ce qui a été essayé ne marche pas, qu’est ce qui peut marcher ? 
Le contexte du processus politique : 
Les relations entre le Maroc et l’Algérie sont au plus bas ; 
II y a des insultes quotidiennes et une guerre de mots sur tous les sujets (Mali, drogues…) ; 
II a eu quelques succès avec les visites techniques, mais tout cela est tombé à l’eau ; 
En Algérie, on commence à dire que peut être les bons offices des Nations Unies ne sont plus nécessaires entre les deux pays, parce que le Maroc n’a pas envie d’améliorer les relations ; 
Selon Ross, c’est le Maroc qui est demandeur (ouverture des frontières, changement de position sur le Sahara) et ce serait bien qu’il arrête les insultes contre l’Algérie. Il faut que les Marocains arrêtent les excès verbaux ; 
Les algériens disent que l’amélioration des relations avec le Maroc n’est pas une priorité pour eux. Ils ont l’argent et ils ont mis un caillou dans les chaussures des Marocains ; 
Donc, puisque le Maroc a plus d’intérêt que l’Algérie, il faut qu’il fasse plus d’efforts pour arrêter les insultes et améliorer les relations ; 
Les Marocains doivent donner quelque chose à l’Algérie. Dans cette région, rien n’est gratuit ; 
II faut encourager les deux pays à baisser le ton des insultes verbales. Ce serait bien de proposer une date pour les arrêter ; 
Le polisario est au plus mal pour plusieurs raisons : 
• La direction du polisario est sous une grande pression de la population des camps qui demande des résultats et il y a des appels au retour aux armes ; 
• La détérioration des conditions économiques et sociales dans les camps, à cause de la baisse de l’assistance internationale, d’autant plus que l’Algérie a mis un terme à la contrebande. Ils ont besoin de plus d’argent. A cet effet, Ross s’est demandé si une partie des fonds réservés aux mesures de confiance, pourrait être allouée à des projets socio-économiques ; 
• La campagne d’humiliation du polisario à New York (faisant référence aux démarches par cette Mission pour limiter l’action des séparatistes au siège de l’ONU). On revient sur des droits qui étaient acquis dans le passé. Le polisario ne peut plus venir dans l’anti-chambre du Conseil, ni parler au stakeout, ni faire circuler ses lettres facilement aux membres du Conseil. Boukhari se sent humilié ; 
• S’il y a un processus de négociation, il faut respecter les deux parties et pas une seule ; 
• II faut redonner les mêmes privilèges qu’avant au polisario. Il ne faut pas qu’il se sente humilié (Ross se porte avocat du polisario). 
L ‘échéance d’Avril : 
– Le rapport est prévu pour le dix Avril ; 
– Il y a déjà énormément de pression le concernant, y compris de la part de l’Algérie ; 
Dans ses contacts, Ross a constaté que tout le monde veut, cette année, éviter le drame, mais que les amis de l’Algérie et du polisario au Conseil (allusion au Nigeria) pourraient faire quelque chose sur les droits de l’Homme. 
• Recensement : 
II y a eu quelques progrès sur cette question ; 
A Genève, l’Algérie et le polisario ont accepté de discuter des modalités de mise en oeuvre du recensement (même s’il s’agit d’une manoeuvre, nous devrions en prendre note dans la résolution et demander de connaître la suite qui lui sera réservée) ; 
II y aura un expert du HCR qui se déplacera à Tindouf pour discuter de cette question (ce n’est pas la première fois et l’Algérie a toujours lié le recensement au référendum). 
Etats Unis (l’Ambassadeur Rosemarie DiCarlo/DPR) : 
Elle a demandé laquelle des deux parties était un peu moins accrochée à sa position ; 
Ross a répondu qu’il n’y avait pas de différence et qu’après « 40 ans de propagande », il était difficile de leur faire changer de position ; 
II a ajouté que l’ONU a fait tout ce qu’elle pouvait, mais que le résultat était frustrant. 
Russie (M. Petr Ilichev/2éme DPR) : 
A posé la question sur la direction que prenait l’Algérie avec les prochaines élections ; 
Ross a répondu que Bouteflika allait être réélu, mais que ça ne changera rien ; 
II a ajouté que les Marocains doivent arrêter d’espérer un changement de la position de l’Algérie sur le Sahara avec le changement de Gouvernements ; 
II faut que les Marocains fassent quelque chose eux-mêmes. 
4; Royaume Uni (l’Ambassadeur Michael Tatham/Coordonnateur politique) ; 
II a posé la question de savoir si les investissements étrangers au Sahara, constituent un élément facilitateur ou de complication pour le processus politique (le Royaume Uni irai-t-il jusqu’à inspirer ou proposer quelque chose sur ce point ?) ; 
Ross a répondu que sur l’aspect juridique, il y a l’avis de Hans Corell de 2002, qui est clair. A tous ceux qui lui posent cette question, il ne fait que les référer à cet avis ; 
Sur le plan de la négociation politique, Ross considère que cela n’aide pas et complique les choses entre les parties ; 
Le britannique a repris la parole pour dire qu’ils ont pris note de la lettre de Monsieur le Ministre au Secrétaire Général. Le Maroc a pris des mesures positives. Il a posé la question de savoir si ces mesures étaient réelles ou s’il s’agissait d’une tactique d’avant Avril ; 
Ross a répondu que ces mesures étaient positives : 
• La mise en oeuvre des recommandations du CNDH dans un délai de trois mois est positive. Il faut voir si c’est mis en oeuvre après Avril ; 
• La nouvelle loi sur le Tribunal militaire est une action concrète ; 
• Les procédures spéciales : II y en a beaucoup qui vont visiter, mais elles ne vont pas toutes au Sahara ; 
• On n’est intéressé que par celles qui vont au Sahara et elles ne restent pas longtemps. 
France (Mme Béatrice Lefrapper Du Hélène/Conseiller juridique, en l’absence du DPR): 
– M. Ross a visité le Sahara assez souvent. C’est un signe positif qui indique que le Sahara n’est pas fermé ; 
Concernant les relations entre l’Algérie et le Maroc : c’est une dimension importante. A New York, on a l’impression que c’est l’Algérie qui attaque le Maroc, qui ne fait que répondre. L’Algérie évoque la MINURSO à toutes les occasions ; 
Ross a dit que l’Algérie réagit aux actions du Maroc (il se positionne comme défenseur 
de l’Algérie) ; 
Mme Le Frapper a mis en exergue l’importance des mesures de confiance (en allusion aux ressources qui leurs sont allouées et qui ne doivent pas être utilisées pour d’autres domaines) ; 
Le rapport du Conseil Economique, Social et Environnemental est excellent et a touché à des questions très pertinentes et importantes ; 
Ross a reconnu l’importance de ce travail du CESE qui est révolutionnaire ; 
II a parlé de trois familles au Sahara qui contrôlent tout et qui iront jusqu’au bout contre la mise en oeuvre de ce rapport ; 
II a indiqué que le polisario n’a rien fait dans ce domaine ; 
– La diplomate française a mis en relief les efforts du Maroc en matière de gouvernance sécuritaire et l’intégration d’un grand nombre de sahraouis dans les forces de sécurité ; 
Concernant les droits de l’Homme, elle a considéré que ce que fait le Maroc est impressionnant. Elle ne partage pas l’avis de Ross sur les procédures spéciales qui sont très importantes, et dont des poids lourds (torture, détention arbitraire, disparitions forcées, exécutions extrajudiciaires…) ont été invitées par le Maroc ; 
II y a également un suivi et M. Mendez a été invité à retourner au Maroc ; 
Elle a ajouté que les procédures spéciales doivent être autorisées à visiter les camps de Tindouf; 
– De même, la visite de Mme Pillay est très importante ; 
Concernant le Tribunal militaire, elle a mis en valeur la réforme qui prévoit des degrés de recours et qui est conforme aux standards internationaux des droits de l’Homme ; 
– Elle a demandé qu’il y ait des avancées pour ce qui est du recensement ; 
Ross a signalé que Mme Pillay ne veut pas que sa visite soit mentionnée dans le rapport du Secrétaire Général ; 
Mme Denise O’brien a demandé si une équipe du HCDH allait visiter nos provinces du Sud. 
Espagne (l’Ambassadeur Juan Manuel Gonzalez De Linares Palou/DPR) : 
L’Espagne soutient Ross ; 
II rejoint tout ce qu’a dit la France sur les avancées du Maroc en matière des droits de l’Homme. Il a mis un accent particulier sur le Tribunal militaire et le suivi de la visite de M. Mendez ; 
II a fait état d’une rencontre fructueuse entre Mme la Ministre déléguée et son Vice-Ministre des Affaires Etrangères en marge de la réunion sur la médiation en Slovénie. 
7- Royaume Uni (M. Muneo Woodefield/expert sur le Sahara) 
– Il a lancé l’idée que la réunion sur le Sahara se tienne sous le format de briefing, suivi de consultations et que durant le briefmg public le Maroc et le polisario pourraient s’exprimer ; 
– Ross a répondu que c’est une idée intéressante mais pas pour cette année ; 
Les Etats Unis ont eu la même réaction ; 
Cet aspect n’a pas été discuté plus avant (cette Mission a suivi de très prés et informé le Ministère sur l’élaboration du programme de travail pour le mois d’Avril par le Nigeria. 
La question du Sahara est inscrite dans le cadre de consultations privées, le 17 Avril. Durant le déjeuner des coordonnateurs politiques qui examine le programme de travail, aucun changement ou proposition n’ont concerné le format ou les dates de l’examen de la question nationale. Cette Mission continuera de suivre, jusqu’à son adoption, le programme de travail). 
A la fin de la réunion, Mme DiCarlo a souligné que : 
le projet de résolution sera circulé au Groupe des Amis après la sortie du rapport ; 
II n’y aura pas de surprise ; 
Washington ne veut pas de difficultés. 
Le déroulement de cette réunion du Groupe des Amis nous permet : 
A- S’agissant de M. Ross : de confirmer les préjugés négatifs qu’il a envers le Maroc, et son appui, sur plusieurs aspects, à l’Algérie et au polisario. Ainsi pour M. Ross : 
– La mise en oeuvre des mesures concrètes prises par le Maroc en matière des droits de l’Homme doit encore être confirmée ; 
L’engagement public et solennel du Gouvernement de mettre en oeuvre les recommandations et d’assurer le suivi des plaintes du CNDH doit encore se concrétiser ; 
Les visites des procédures spéciales ne sont pas si importantes. Elles ne restent pas longtemps et elles ne visitent pas toutes, les provinces du sud ; 
C’est le Maroc qui provoque l’Algérie et cette dernière ne fait que répondre ; 
– Il appartient au Maroc de faire l’effort d’améliorer les relations entre les deux pays et de trouver les solutions aux problèmes; 
Les investissements étrangers au Sahara sont une source de complication pour le processus politique, alors que rien n’est dit sur les efforts colossaux du Maroc pour promouvoir le développement économique et social des provinces du sud. 
Par Contre, M. Ross : 
Estime très importante que l’Algérie veuille aider l’ONU à trouver une solution, même si ce soi-disant engagement reste formel et sans effet ; 
Pense que le polisario est humilié. Il « faut le laisser faire ce qu’il veut au siège des Nations Unies ; 
Considère la manoeuvre sans signification de l’Algérie sur le recensement, comme étant un progrès. 
B- Concernant le Royaume Uni : il convient de relever les références vicieuses aux ressources naturelles, à la crédibilité de nos mesures sur les droits de l’Homme et à la visibilité du polisario. 
Haute Considération 
L’Ambassadeur, Représentant Permanent 
Mohammed Loulichki

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