Quarante ans. C’est l’âge de la RASD, la République arabe sahraouie démocratique. C’est aussi celui du plus ancien et unique problème de décolonisation que la «Communauté internationale» n’a pas encore pu ou voulu résoudre. Il s’agit, et on le devine bien, de l’occupation du Sahara occidental par une puissance étrangère, le Maroc voisin.
Quarante après, le fait accompli colonial perdure. Certes, le droit international ne reconnait pas la souveraineté du Maroc sur les territoires sahraouis. Mais l’état de fait annexionniste est là. Et il est bien là malgré les impuissantes tentatives onusiennes d’y organiser un référendum d’autodétermination. Un insoutenable statu quo encouragé d’une manière ou d’une autre par certaines puissances détentrices du droit de véto au Conseil de sécurité de l’ONU, la France au premier chef.
Dans la réalité, au plan de paix onusien fondé sur le libre choix d’avenir des Sahraouis, le Maroc oppose un intransigeant plan d’autonomie sous entière souveraineté chérifienne. Un plan appuyé de manière claire par la France qui contribue ainsi à l’enlisement du conflit consécutif à l’évacuation en 1976 de la Saguia El Hamra et de Rio de Oro par l’Espagne coloniale.
Il est clair que le Maroc, appuyé solidement par la France, et à un degré moindre par les Etats-Unis, est encouragé dans sa politique de fait accompli annexionniste et de fuite en avant diplomatique.
Quarante ans après, le conflit est donc dans une impasse historique. Un cul-de-sac stratégique qui ouvre sur le meilleur comme sur le pire. Le meilleur serait évidemment de permettre au peuple sahraoui le choix sans entraves de son destin. Le pire serait le retour aux armes qui serait le recours du désespoir historique des Sahraouis qui auront longtemps éprouvé les voies de la patience et de la sagesse.
Les Sahraouis y sont préparés comme vient de le rappeler leur leader historique Mohamed Abdelaziz, président de la RASD et SG du Front Polisario, le fer de lance de son combat anticolonial : «Les combattants de l’armée de libération populaire sahraouie (…) sont prêt à faire face, à toutes les éventualités et les défis». Ce retour au pire militaire, Mohamed Abdelaziz l’appelle métaphoriquement «la liste du sacrifice, de la gloire et du martyre (qui) demeure ouverte aussi longtemps que nous ne n’aurons pas atteint notre objectif, à savoir la liberté et l’indépendance». En clair, si le Maroc persistait toujours dans sa politique de fait accompli colonial, «nous reprendrons la lutte armée légale».
Par conséquent, l’option militaire n’est jamais à exclure. Elle pourrait même être la clé du problème. L’ultime solution. Mais, fort heureusement, on n’y est pas encore et la voie diplomatique est encore possible. Et sous l’égide de l’ONU comme vient de le rappeler le président Abdelaziz Bouteflika. Selon le chef de l’Etat, l’Algérie, pays géopolitiquement concerné par le conflit mais qui n’y a jamais été partie prenante, «ne ménagera aucun effort» pour apporter son soutien à la proposition de Ban Ki-moon visant à relancer les négociations directes entre le Maroc et le Polisario pour parvenir à une solution «juste et durable» garantissant au peuple sahraoui son droit à l’autodétermination.
Ce quarantième anniversaire de la RASD fut ainsi propice au président de la République pour réitérer la position de principe de l’Algérie pour l’autodétermination des Sahraouis. Une position qui procède de son constant attachement doctrinal au respect du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Strictement dans la ligne des Nations unies et dans la lignée de l’Afrique qui a placé le parachèvement de la décolonisation en tête des priorités de son organisation continentale depuis sa création.
Le conflit du Sahara occidental porte d’autre part une autre vérité : Le Maghreb en construction ne saurait faire l’économie de réalités historiques fondant l’autodétermination légitime du peuple sahraoui.
Depuis le départ des Espagnols en 1976, les territoires sahraouis sont, selon l’ONU, sans administration. En 2002, un avis de droit de Hans Corell, vice-SG de l’ONU, conclut que le Maroc n’est pas une puissance administrante du Sahara occidental. Et même si la formule «autorité administrante» est quelque peu ambiguë, rien dans l’histoire des anciens territoires de Saguia El Hamra et de Rio De Oro, encore plus dans les liens d’allégeance intermittents entre des tribus sahraouies et le royaume alaouite, notamment sous les rois Saadiens, n’est de nature à empêcher un référendum d’autodétermination. Les 266 000 km2 du Sahara occidental, dont le Maroc contrôle seulement 80% à l’intérieur de murs de séparation, n’ont jamais été une terra nullius, pas plus qu’ils ne furent sous souveraineté reconnue du Palais royal.
A ce jour, ces territoires sont considérés comme non autonomes, l’ONU appelant déjà en 1965 l’Espagne, puissance occupante, à les décoloniser. En avril 2007, elle a engagé le Maroc et le Polisario (résolution 1754) à négocier«en vue de parvenir à une solution politique juste, durable et mutuellement acceptable qui permette l’autodétermination du peuple du Sahara occidental.» Il y a depuis le processus de Manhasset aux USA.
L’Union africaine et la Ligue arabe, même si elles ont des positions différentes, considèrent finalement que la question relève fondamentalement de l’ONU. C’est tout cela que le président Bouteflika a sans doute voulu rappeler dans son récent message. Enfin, ne jamais oublier que les Sahraouis sont les descendants directs des Almoravides qui furent à l’origine de la première construction maghrébine.
N. K.