Maroc – UE : L'exercice d'auto-suggestion pratiqué par Rabat a atteint ses limites

Les gesticulations marocaines face à l’UE 
Par : Afrique Asie
Comment expliquer la décision « spectaculaire » du Maroc de suspendre ses relations avec l’Union européenne (UE) alors que le Conseil européen a interjeté appel pour suspendre l’annulation par la Cour européenne de justice de l’accord agricole entre le Maroc et l’UE ?
Cela fait partie de la dramatisation paroxystique et de la théâtralisation qui sont une composante essentielle de la stratégie de la tension que ce pays a érigée en norme de fonctionnement pour gérer des situations de crise (d’ailleurs, très souvent artificielles) comme ce fut le cas avec les USA, la France, l’Espagne, la Mauritanie ou l’Algérie.
Dans le cas présent, et après avoir claironné qu’il s’agissait avant tout d’une » affaire euro-européenne » (Mezouar) puis annoncé un « recadrage » et une « canalisation » des relations avec l’UE (porte-parole du gouvernement) et enfin, soutenu crânement que « Nous ne sommes pas dans une situation de rupture avec l’Union européenne comme cela a pu être dit ici et là » (Ambassadeur du Maroc à Bruxelles), le Maroc a envoyé en mission « d’urgence » à Bruxelles, le tout nouveau ministre délégué aux Affaires étrangères, Nacer Bourita dans une tentative visant à forcer la main des services juridiques européens pour « dicter » les termes du mémoire devant accompagner la requête de pourvoi en appel.
Les responsables européens ont, bien entendu, refusé de se plier à cette manœuvre dont l’objectif principal est de politiser la requête dans le but d’obtenir, par voie judiciaire, la disqualification du Polisario en tant que personnalité morale pouvant ester le Conseil européen en justice. C’est ce manque de « répondant » comme le soulignait, si benoîtement, l’ambassadeur du Maroc à Bruxelles et le fait que le ministre Bourita ait été ballotté en vain entre plusieurs services européens qui ont poussé les plus hautes autorités du pays à annoncer cette décision dépitée de rupture des contacts avec l’UE.
Les responsables européens, pour leur part, ont vivement déploré le fait que la partie marocaine ait voulu politiser une procédure judiciaire et le fait, également, que cette même partie marocaine refuse de prendre acte de la séparation des pouvoirs et de l’indépendance de l’instance judiciaire européenne. Une des conclusions qui s’imposent est que l’UE fera tout pour réchauffer ses relations avec le Maroc mais que ce dernier doit définitivement comprendre les contraintes juridiques qui s’imposent à l’exécutif européen et qu’il doit surtout admettre que l’exercice d’auto-suggestion nourri tout au long de ces dernières années par le mythe du « partenaire supposé être le plus important dans la région » a atteint ses limites.
Quelles pourraient être les suites du pourvoi en appel ?
Cette question a fait l’objet de débats au sein de la commission du commerce international du Parlement européen, le 15 février, et il ressort des positions présentées par les responsables des différents services juridiques (Conseil, Commission et Parlement) que, compte tenu du statut des territoires du Sahara occidental, en tant que territoire non autonome, les options sont au nombre de trois, si le tribunal devait confirmer son jugement :
– Le Maroc accepte, à son corps défendant, un mécanisme intrusif par lequel le Conseil va « s’assurer par lui-même qu’il n’existait pas d’indices d’une exploitation des ressources naturelles du territoire du Sahara occidental sous contrôle marocain susceptible de se faire au détriment de ses habitants et de porter atteinte à leurs droits fondamentaux ». Ceci ferait imploser la fiction de la prétendue souveraineté marocaine sur les territoires sahraouis occupés. Cette disposition ne manquera pas de s’imposer pour l’accord sur la pêche, dont est saisi la CJUE, car dans ce cas précis et malgré une disposition de monitoring de l’impact sur les populations locales, le Maroc n’a jamais daigné donner des informations à la partie européenne, de l’aveu des responsables du Service européen de l’action extérieure.
– Négocier un nouvel accord qui prenne clairement en compte les intérêts du peuple sahraoui.
– Enfin, carrément exclure le Sahara occidental de l’accord. Comme ce fut le cas de l’accord de libre-échange signé avec les États Unis.

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