UN JUGEMENT DE LA COUR DE JUSTICE DE L’UNION EUROPÉENNE MET À MAL LES ACCORDS COMMERCIAUX ENTRE L’UE ET LE MAROC SIGNÉS EN 2012.
La Cour de justice de l’Union européenne a annulé, le 10 décembre dernier, un accord commercial entre le Royaume du Maroc et l’UE. Un accord controversé signé en mars 2012 qui portait sur la libéralisation des échanges de produits agricoles et des produits provenant de la pêche entre le royaume chérifien et l’Union. La justice européenne a tranché en faveur des indépendantistes du Front Polisario actifs au Sahara occidental, qui estimaient que l’application de cet accord sur leur territoire violait le droit international et les engagements de l’UE.
ANNULATION DE L’ACCORD
Selon le jugement rendu le 10 décembre dernier, « L’accord euro-méditerranéen établissant une association entre les communautés européennes et leurs Etats membres et le royaume du Maroc est annulée »[1].
La décision ne précise pas encore si cette annulation sera rétroactive, c’est-à-dire si elle affectera une série de réductions de droits de douane acquises pour certains produits marocains, notamment les fruits, les légumes et les produits de pêche. Lors de la procédure juridique, le Front Polisario du Sahara occidental a réclamé seulement l’annulation de l’accord et non, comme elle avait songé à exiger dans un premier temps, une nullité de l’accord qui aurait impliqué des dédommagements financiers.
UN CONFLIT DIPLOMATIQUE ET JURIDIQUE POUR LE SAHARA OCCIDENTAL
La Cour de justice de l’Union européenne a rendu une décision marquante dans le conflit diplomatique et désormais juridique auquel se livrent le Maroc et un Front Polisario, lequel revendique l’indépendance du Sahara depuis des décennies. La signature d’un accord de cessez-le-feu en 1991 entre les deux parties, après quinze années de conflit armé, a ouvert la voie à la création d’une mission de contrôle onusienne, la Minurso, pour l’organisation d’un référendum d’autodétermination dans l’ancien Sahara espagnol, que le Maroc avait annexé en 1975.
Peu de réactions officielles ont filtré au Maroc, où un lobbying soutenu entoure la question du développement économique de ces régions sahariennes sous administration marocaine. Seul un conseiller du roi Mohamed VI, s’est exprimé : « Cette décision valide l’idée absurde qu’un producteur local de Dakhla se verrait interdire d’exporter ses produits en Europe, et donc de jouir des bénéfices de sa propre production, au motif que l’importateur n’a pas consulté le Front Polisario installé à Tindouf » . Il a appelé le Royaume à revoir tous les accords le liant à l’UE, jusqu’à lui tourner le dos.
QUELS RECOURS POUR L’UNION EUROPÉENNE ?
Le Conseil européen, qui réunit les chefs d’Etats et les gouvernements de l’Union, et la Commission européenne n’ont pas immédiatement souhaité faire appel de la décision. « C’est une décision juridique que nous considérons avec attention avant de procéder plus en avant, y compris sur la possibilité d’un appel », a affirmé une porte-parole de la Commission européenne. Les juges reprochent au Conseil de n’avoir pas fait correctement son travail de vérifier si l’exploitation des ressources naturelles du Sahara occidental sous contrôle du Maroc profitait ou non à la population de ce territoire.
La représentante de la diplomatie européenne a rencontré le ministre marocain des Affaires étrangères, Federica Mogherini, quelques jours après la décision afin de rediscuter des termes de l’accord. Ils ont conjointement décidés que l’annulation de l’accord commercial fera l’objet d’un recours de ses homologues européens. La diplomate européenne s’est engagée à « l’introduction de mesures temporaires, sous la forme d’une suspension de l’exécution de l’arrêt, afin d’assurer la sécurité juridique qui entoure les effets de l’accord signé avec le Maroc » .
VERS UNE SOLUTION NÉGOCIÉE ENTRE LES DEUX PARTIES ?
L’annulation de l’accord demeure uniquement pour l’exportation des produits de la région du Sahara jusqu’au réexamen par la Cour de justice de l’Union européenne des mesures provisoires proposées par le Conseil de l’Union. Le recours devra être introduit auprès de la Cour de justice dans un délai de deux mois, pour ensuite être examiné dans les 14 mois suivants. Le tribunal de l’UE devra trancher la question de savoir si l’exploitation des ressources naturelles du Sahara occidental profite à la population de ce territoire qui revendique son indépendance du royaume du Maroc.
Fin janvier, l’ambassadeur la Mission du Maroc auprès de l’Union Européenne a réaffirmé la position du royaume, tout en assurant que les relations entre les deux parties n’étaient pas suspendues. Il a toutefois souligné la nécessité pour le Maroc de faire « une pause dans l’agenda bilatéral, jusqu’à ce que le Maroc ait une visibilité quant à la sécurité juridique de la relation qui le lie à l’Union européenne »[2]. Une déclaration qui n’augure pas la résolution prochaine de l’état de l’accord commercial Maroc-UE.
[1] Communiqué officiel de La Cour de Justice de l’Union Européenne.
[2] Déclaration de Menouar Alem, ambassadeur de la Mission du Maroc auprès de l’Union Européenne (25 janvier 2016)
BUSINESS HERALD, 27/01/2016