BRUXELLES – Le Parlement européen a réitéré son appel pour l’extension du mandat de la Mission des Nations unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara Occidental (MINURSO) à la surveillance du respect des droits de l’homme comme c’est d’usage pour des missions de maintien de la paix.
Dans un rapport publié mercredi, le Parlement européen a exprimé son étonnement que la MINURSO reste « la seule mission des Nations unies en Afrique dépourvue d’un mandat de surveillance du respect des droits de l’homme », ce qui « ne permet pas d’avoir un mécanisme pour la déclaration des violations des droits de l’homme ».
Un amendement portant sur l’extension du mandat de la MINURSO à la surveillance et la protection des droits de l’Homme au Sahara occidental, occupé par le Maroc, proposé par le groupe confédéral de la Gauche unitaire européenne/Gauche verte nordique (GUE/NGL) au Parlement européen, a été adopté en décembre.
Cet amendement a été approuvé à l’issue du vote de la résolution du Parlement sur le rapport annuel 2014 sur les droits de l’Homme et la démocratie dans le monde ainsi que sur la politique de l’Union européenne en la matière.
Après un long débat, le Parlement européen a fini par adopter, par 258 voix contre 251, un amendement de députés qui exhortent les Nations unies à doter la MINURSO d’un mandat de surveillance des droits de l’Homme.
L’introduction d’une « composante droits de l’homme » dans le mandat de la MINURSO pourrait non seulement permettre au Conseil de sécurité de recevoir des informations fiables et rapides sur la situation des droits de l’homme au Sahara occidental, mais aussi de désamorcer les campagnes de désinformation menées par les autorités marocaines.
Bien que certains progrès dans le domaine des droits de l’homme ont été relevés, dans la pratique ils sont soumis à des restrictions inquiétantes, déplore le Parlement européen qui relève que des restrictions à la liberté religieuse, d’expression, de réunion et de manifestation continuent d’être imposées.
Les lois qui criminalisent des actes considérés comme portant atteinte au roi, à la monarchie, à l’islam, ou à la revendication de souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental ont limité les droits à l’expression, la réunion et l’association pacifiques, estiment les eurodéputés dans leur rapport.
Le Parlement européen s’inquiète de l’utilisation de la torture par le Maroc
Les citoyens marocains n’ont pas le droit de critiquer la légitimité de la royauté, contester la prétendue souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental, ou dénoncer la corruption, souligne dans son rapport le Parlement européen qui regrette, particulièrement, le comportement des forces de sécurité.
Le Parlement européen fait état de préoccupations « graves » et « justifiées » quant à un « mépris généralisé » par les forces de l’ordre marocaines de la primauté de la loi, affirmant que les autorités marocaines répriment violemment « ceux (…) qui contestent la souveraineté marocanité sur le Sahara occidental ».
« Les tribunaux marocains auraient ignoré les plaintes déposées par les avocats de la défense au sujet de violations de procédures pénales, invoqués sur des aveux qui auraient été obtenus sous la torture alors que les accusés ont été placés en détention provisoire », relève dans son rapport le Parlement européen qui ajoute que ces tribunaux « auraient refusé de permettre aux avocats de la défense de contre-interroger les témoins à charge ou de convoquer d’autres à la défense ».
Selon les parlementaires européens, même des experts de l’ONU ont exprimé leurs inquiétudes à ce sujet notamment sur « l’utilisation avérée de la torture pour obtenir des aveux dans les affaires pénales ».
Après s’être rendu au Maroc et au Sahara occidental en décembre 2013, un groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire a conclu que « le système judiciaire marocain pénal repose largement sur les aveux en tant que principale source de preuve à conviction ».
« Les plaintes reçues par le groupe de travail indiquent l’utilisation de la torture par des agents de l’Etat pour obtenir des preuves ou des aveux pendant la phase initiale des interrogatoires (…) Les tribunaux et les procureurs ne respectent pas l’obligation d’ouvrir d’office une enquête lorsqu’il y a des motifs raisonnables de croire que des aveux avaient été obtenus par la torture et des mauvais traitements », affirme ce groupe de travail dans son rapport.
Sur le plan social, le Parlement européen a relevé le fossé entre riches et pauvres, soulignant la nécessité pour les autorités marocaines de lutter contre la corruption et la fraude.
En dépit de la réforme constitutionnelle engagée dès 2011 avec l’adoption d’une nouvelle constitution et la ratification par le royaume chérifien de nombreuses conventions internationales, de nombreuses dispositions constitutionnelles ne sont toujours pas appliquées, que ce soit dans la législation ou dans la pratique, déplore le Parlement européen.
Au cours de l’année 2015, un ralentissement relatif du processus de réformes en matière des droits de l’Homme et libertés fondamentales a été remarqué, a affirmé en décembre dernier l’Union européenne dans sa déclaration publiée suite à la tenue du conseil d’association UE-Maroc.
APS, 14/01/2016