Nordine Mzalla
Voilà des mois que l’actualité glisse dans ses pages le plus anodines les bilans quotidiens des saisies de drogue en provenance de la frontière ouest du pays. Lorsqu’on additionne ces chiffres affolants, on obtient un décompte à la fois criminel et politique.
En effet, personne n’ignore que l’exportation massive de drogue du Maroc vers le territoire algérien participe d’un plan silencieux et machiavélique contre le peuple algérien orchestrée par le makhzen.
La méthode d’intoxication insidieuse de pans entiers de la société a été expérimentée d’abord du temps de Hassan II, le souverain ayant eu cette idée terrible d’endormir ses sujets quand il ne les enfermait pas dans les cellules barbares de Tazmamart ou d’autres sinistres prisons du royaume chérifien.
Depuis quelques années, tandis que les menaces verbales, les manœuvres militaires aux frontières, les petits coups bas dans les coulisses des institutions internationales, le lobbying auprès du Congrès américain n’ont pas réussi à déstabiliser l’Algérie, les stratèges de Mohammed VI, le digne héritier de son père en matière d’intrigues, ont opté pour la tactique de l’empoisonnement des Algériens, à grande échelle.
Le mobile du crime étant toujours lié aux penchants expansionnistes du « Grand Maroc » fantasmé qui revendique des territoires algériens avec une audace éhontée, en plus de l’occupation de type coloniale du Sahara occidental au détriment d’un peuple subissant sa tyrannie.
Hostilité flagrante
L’Algérie a beau chercher des voies de réconciliation pour ramener les dirigeants marocains à la raison- les peuples marocain et algérien entretenant dans l’absolu des relations d’amitié et de respect basées sur une histoire et un socle culturel communs- le palais royal fomente chaque jour que Dieu fait un nouveau complot visant l’Algérie.
En l’occurrence, les officiels zélés ne s’en cachent plus puisque le MAE actuel, Salah Eddine Mezouar, n’a pas trouvé mieux, pour plaire à Sa Majesté sans doute, que de déclarer publiquement que l’action de l’appareil diplomatique de son pays serait encore plus agressive désormais et qu’il faudra s’attendre en 2015 à encore plus de férocité.
Nonobstant l’aspect risible de pareilles paroles de la bouche d’un diplomate, la virulence des attaques de la part du représentant d’un Etat voisin et théoriquement « frère » a de quoi inquiéter.
Surtout dans un contexte d’instabilité régionale où l’Algérie, par sa vocation de leader au service des bonnes causes, a d’autres chats à fouetter que les sbires d’un monarque belliqueux.
Félonie et aliénation
A moins que cette guerre par déclarations désobligeantes et par la drogue ciblant l’Algérie ne fasse justement partie du scénario de déstabilisation de la région pour lequel le Maroc se complaît à verser dans la félonie.
Autoexclu de l’Union africaine parce que l’institution panafricaine refuse de cautionner la colonisation du Sahara occidental, le royaume alaouite n’a évidemment jamais adhéré aux positions de principe anticoloniales de l’UA que Hassan II désignait avec mépris comme « une organisation tam-tam ».
Le régime marocain s’accommoderait donc d’un retour des maîtres d’hier qui ont asservi le continent pendant des siècles de barbarie. On a vu ces dernières décennies comment les troupes de l’armée royale ont été réquisitionnées pour prendre part à des opérations lointaines motivées par des desseins à peine dissimulés du néocolonialisme.
Le cas de la guerre du Golfe a été édifiant pour démontrer l’aliénation des dirigeants du makhzen qui ont livré leur pays clés en mains à des cercles d’intérêts étrangers, comme l’illustre la mise sous tutelle occidentale des biens immobiliers des Marocains à Marrakech, par exemple. Nous éviterons de citer ici d’autres actes de complaisance contre les bonnes mœurs au bénéfice d’alliés pervers du makhzen, parce qu’ils touchent à la dignité de sujets mineurs dont la souffrance défraye parfois la chronique judiciaire.
On peut ainsi s’attendre à tout de la part d’une gouvernance aussi dépravée et capable de vendre l’âme de son peuple contre la protection des métropoles du passé. Cependant, si le Maroc se veut protectorat ad vitam aeternam, il doit savoir que l’Algérie restera résolument indépendante et souveraine et qu’il ne sert à rien de vouloir porter atteinte à sa stabilité. Les maîtres occidentaux l’ont compris, il n’y a pas de raison que leurs sous-traitants l’ignorent.
Le Jeune Indépendant, 16/12/2014