par Moncef Wafi
Twitter@chris_coleman 24 est le compte qui fait trembler le Makhzen. Depuis le 3 octobre dernier, le compte Twitter de celui qu’on présente comme le «Snowden» marocain révèle des documents présentés comme confidentiels, visant notamment des responsables de la diplomatie marocaine et la DGED (Direction générale des études et de la documentation), les services de renseignement marocains, notamment sur le dossier sensible du Sahara occidental. Si dans un premier temps, le gouvernement marocain s’est contenté, du bout des lèvres, de démentir ce flux d’informations en provenance d’un compte dont le propriétaire reste encore inconnu, il est passé à la contre-offensive, ce jeudi, en accusant, comme à son habitude, l’Algérie d’être derrière cette «campagne enragée». Ainsi, et hormis la ministre déléguée aux Affaires étrangères, M’barka Bouaïda, qui a accusé des «éléments pro-Polisario» d’être derrière la divulgation de ces centaines de documents de la diplomatie marocaine et aussi des courriels où apparaissent des think tanks, des sociétés de relations publiques, des journalistes, marocains et étrangers, et des collaborateurs de la DGED, avec l’appui de l’Algérie, aucune partie officielle marocaine n’avait réagi. Il n’y a eu, par ailleurs, aucun démenti de l’authenticité des câbles.
Interrogé jeudi sur ces fuites, le porte-parole du gouvernement, Mustapha Khalfi, a déclaré que cette «vaine tentative», évoquant les informations parues sur le web, «n’empêchera pas le Maroc de défendre la patrie et ses institutions». 24 heures auparavant, le quotidien marocain Akhbar al-Yaoum avait rapporté des déclarations imputées au ministre des Affaires étrangères, Salaheddine Mezouar, qui accusait ouvertement une «opération des services algériens», un Salaheddine Mezouar connu pour ses positions hostiles contre Alger. Le chef de la diplomatie marocaine reste nommément cité par ces révélations puisqu’il y est accusé de «trafic d’influence», car il aurait «engagé la société McKinsey pour réaliser une étude destinée à relancer l’économie marocaine». Le cabinet de conseil américain emploie, selon Coleman, la fille du responsable de la diplomatie marocaine, ce qui permettrait «des versements de commissions». Le MAE marocain dira même qu’il est en possession des preuves de l’implication de l’Algérie dans cette opération. Le Maroc «n’aura de cesse de présenter les preuves attestant que le voisin de l’Est nourrit le conflit autour du Sahara», ajoutera-t-il devant une commission des Affaires étrangères au Parlement. La DGED est également dans le viseur du «Snowden» qui accuse le service dirigé par Yassine Mansouri de collaborer avec les services secrets israéliens.
Pour preuves, Chris Coleman, qui a revendiqué avoir eu accès aux emails du directeur de cabinet de Yassine Mansouri, a notamment publié un email, daté du 16 avril 2010, dans lequel le chef du renseignement marocain se faisait inviter par l’American Jewish Committee (AJC) au congrès annuel de cette organisation sioniste américaine. L’email, signé Jason F. Isaacson, alors directeur des affaires internationales de l’organisation, se termine par un rappel du soutien de l’AJC à la marocanité du Sahara : «Enfin, je voulais que vous sachiez à quel point j’ai été ravi d’avoir l’occasion de travailler avec l’ambassadeur Mekouar (ambassadeur du Maroc aux Etats-Unis) -comme avec mon très cher ami l’ambassadeur Serge Berdugo (secrétaire général du Conseil de la communauté israélite du Maroc)- pour Suvrer à une plus grande implication des Etats-Unis dans la poursuite d’une résolution juste et pragmatique concernant le litige sur le Sahara occidental, tel que vous me l’avez si soigneusement exposé. C’était un honneur pour mon organisation de jouer un rôle dans la récente lettre de soutien à la position marocaine adressée au Sénat des Etats-Unis, dans le cadre des efforts continus d’AJC pour faire progresser la stabilité, la paix et la coopération en Afrique du Nord et au Moyen-Orient». Les fuites révèlent également de prétendues commissions versées à des journalistes étrangers pour nuire à l’image de l’Algérie. Pourtant, cette sortie médiatique du gouvernement marocain dénote avec sa première attitude de réserve et l’on suppose que le Makhzen n’arrive plus à occulter son «Wikileaks» alors qu’au tout début des fuites, il n’y a eu que de très rares sites spécialisés en France (Arrêt sur images) et aux États-Unis (Inner City Press), ainsi que le quotidien espagnol El Mundo, qui l’ont évoqué.
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