Maroc Leaks : Evaluation du désavouement de M. Ross

Royaume du Maroc
Ministère des Affaires Etrangères
et de la Coopération
Direction des Affaires Américaines
DG/7/6/N° /2014 Rabat, le 02 octobre 2014
Note à Monsieur le Ministre
Objet :
M. Christopher Ross a été nommé Envoyé personnel du Secrétaire Général des Nations Unies pour le Sahara Occidental, le 06 janvier 2009 avec le mandat de travailler avec les parties et les États voisins sur la base de la résolution 1813 du Conseil de Sécurité et les précédentes résolutions.
Sa nomination est survenue après la tenue à Manhasset de quatre rounds de négociations qui avaient débuté en juin 2007 et ce conformément à la résolution 1754 du Conseil de Sécurité.
Après avoir effectué deux visites au Maroc, M. Ross a lancé des réunions informelles de négociations. Toutefois, et après neuf round, dont le dernier sest tenu en mars 2012, le processus a connu un enlisement en labsence de toute perspective de progrès.
Les tensions entre les autorités marocaines et lEnvoyé Personnel du Secrétaire Général se sont amplifiées vers le début de lannée 2012, le Maroc ayant auparavant exprimé, à plusieurs reprises, des préoccupations sérieuses quant à lintégrité du mandat de lEnvoyé personnel du Secrétaire Général, la pertinence de son approche et lobjectivité de sa démarche.
Le Royaume, et suite au rapport sur le Sahara du Secrétaire Général davril 2012, décida, le 17 mai 2012, de retirer sa confiance à M. Ross en qualifiant son travail de « partial et déséquilibré ». Décision, rappelons le, réfutée aussi bien par le Secrétaire Général des Nations Unies que par Washington.
A ce niveau les autorités marocaines avait considéré que M. Ross, nayant pas été capable de réaliser des avancées sur le plan politique, sétait permis de simpliquer dans des affaires qui ne font pas partie du mandat que lui avait confié le Secrétaire Général des Nations Unies
Toutefois, les inquiétudes du Maroc vis-à-vis de la démarche de M. Ross navaient, à lépoque, pas été prises en compte par la partie américaine qui sétait sentie personnellement visée par la position de notre pays et avait fortement appuyé le « retour » de ce dernier.
En effet, et déjà lors des tensions survenues en janvier 2012, suite à des déclarations de M. Christopher Ross qui avait tenu le Maroc responsable du report jusquau mois de juin, de sa visite prévue initialement en mai 2012, lAmbassade américaine à Rabat avait exprimé les inquiétudes de certains responsables à Washington qui avaient considéré quà travers cette attitude, « le Maroc était contre les Etats-Unis » et quil « bloquait sciemment la visite de M. Ross ».
La polémique créée autour de lEnvoyé Personnel du Secrétaire Général des Nations Unies a eu des répercussions directes sur les relations entre le Maroc et les Etats-Unis, Washington ayant une sensibilité particulière à tout ce qui touche à ce diplomate américain dont la longue carrière au sein du Département dÉtat a porté essentiellement sur les questions du Moyen-Orient et dAfrique du Nord. Il sied de rappeler quil a été Ambassadeur des États-Unis en Syrie et en Algérie et puis Conseiller principal de la Mission des États-Unis auprès des Nations Unies pour les questions du Moyen-Orient et dAfrique du Nord. Il a également contribué à la coordination de la diplomatie américaine dans le monde arabo-musulman, de 2001 à 2003.
Les divergences entre le Maroc et les Etats-Unis sur cette question ont connu leur apogée au sein du Conseil de sécurité, en avril 2013, avec la tentative de Washington, contrée de justesse par le Maroc, détendre le mandat de la Minurso à la question des Droits de lHomme.
Au niveau onusien, la crise déclenchée autour de M. Christopher Ross, avait été dépassée suite à lentretien téléphonique du 25 août 2012 entre Sa Majesté Le Roi, Mohammed VI, Que Dieu lAssiste, et M. Ban Ki-Moon, Secrétaire Général des Nations Unies, qui avait permis de recadrer la médiation onusienne et de relancer le processus politique. Cet entretien téléphonique avait également facilité le « retour » de M. Ross qui avait été reçu en Audience Royale, le 29 octobre 2012.
Au niveau des relations maroco-américaines, les répercussions de la crise ont perduré jusquau 9 mai 2013, date à laquelle un entretien téléphonique entre Sa Majesté Le Roi, Mohammed VI, Que Dieu lAssiste, et le Président Barack Obama a permis de dépasser les tensions et de préparer le terrain pour la visite Royal à Washington en novembre 2013.
Toutefois, les prémices dune deuxième crise avec lAdministration Obama commencent déjà à se dessiner et portent encore une fois sur la démarche de M. Ross ainsi que sur sa visite au Maroc.
Cest ainsi que lAmbassadeur américain à Rabat a exprimé lors dune réunion tenue avec Monsieur le Ministre, le 31 juillet dernier au sein de ce Département, des interrogations sur la « capacité » de lEnvoyé Spécial du Secrétaire Général des Nations Unies, M. Christopher Ross « à effectuer une nouvelle visite au Maroc et faire en sorte quil puisse jouer son rôle », tout en précisant quil « nagissait pas en tant que porte parole de ce dernier ».
Cette position américaine, à savoir que M. Ross « doit revenir » et « que le Maroc doit le laisser faire son travail » a été réitérée par la Sous Secrétaire dEtat Anne Patterson, lors dun entretien téléphonique avec Mme la Ministre Déléguée ainsi que par la Sous Secrétaire dEtat aux Affaires politiques Wendy Sherman, en marge des travaux de la 69ième session de lAssemblée Générale de lONU.
La position du Maroc a été clairement exposée et porte essentiellement sur le droit du Royaume dobtenir des clarifications sur la démarche de lEnvoyé Personnel et sur la nécessité que son action soit conforme à son mandat et à la mission qui lui a été dévolue.
En effet, et tout dabord, le Maroc na pas obtenu de réponse à trois questions concernant la miss
ion de M. Ross, réponse qui devait intervenir en 48 heures, et qui est toujours attendue depuis le 18 juin dernier. Ensuite, ce dernier préfère passer par dautres canaux plutôt que dapporter des réponses claires et directes. Enfin, les déclarations de même que le rapport de M. Ross ne reflètent pas les conclusions telles quexposées aux responsables marocains lors de sa visite dans le Royaume.
Il y a lieu de souligner, à cet égard, que la dernière visite au Maroc de M. Ross na pas été médiatisée par le Royaume et que ce dernier na pas non plus été reçu en Audience Royale.
La situation dans son ensemble interpelle, suscite plusieurs interrogations et laisse présager des périodes difficiles aussi bien au sein des Nations Unies quavec nos partenaires américains.
En effet, notre pays est présenté par M. Ross comme responsable du blocage en cours dans le processus politique, une idée véhiculée dans les couloirs des Nations Unies et auprès des membres Permanent du Conseil de Sécurité. Aussi, serait-il judicieux, pour évaluer nos appuis, de prévoir une démarche dexplication et danticipation auprès de ces derniers, en portant une attention particulière à la Chine et la Russie, dans la mesure où les relations avec la France sont actuellement tendues et que la Grande Bretagne salignera probablement sur la position des Etats-Unis qui elle, apporte un soutien inconditionnel à M. Ross.
Sagissant des conséquences de cette crise sur les relations avec lAdministration Obama, il y a lieu de sattendre à une conjoncture difficile. Certes, la période fin 2013- 2014 a connu une nette évolution dans ces relations avec un agenda bilatéral chargé et prometteur. Toutefois, il y a lieu de ne pas sous-estimer les capacités de manoeuvre de nos adversaires pour tirer profit des tensions en cours dautant plus que le Ministre des Affaires Etrangères algérien M. Ramtane Lamamra a effectué, du 18 au 20 septembre 2014, une visite à Washington où il a été reçu par le Secrétaire dEtat John Kerry et la Conseillère à la Sécurité Nationale, Mme Susan Rice.
Il y a lieu de signaler, à ce niveau, que Washington a, dores et déjà, commencé à introduire des changements dans sa position au sein de lONU. En effet, lors de lexamen du rapport annuel du Conseil de Sécurité à lAssemblée Général pour la période 1er août 2013-31 juillet 2014, la délégation américaine a introduit des amendements dans la partie sur le Sahara dudit rapport en supprimant toute référence « aux Etats voisins » ce qui reviendrait à dédouaner complètement lAlgérie de sa responsabilité dans le conflit autour de notre Question Nationale.
Il sagirait donc, au stade actuel, dévaluer la situation dans son ensemble et de mesurer le prix politique des événements à venir en considérant éventuellement, la possibilité pour notre pays de désavouer lactuel Envoyé Personnel du Secrétaire Général comme lavait fait lAlgérie dans son temps avec son prédécesseur, M. Van Walsum, et ce, au vu des tensions à répétitions quil suscite, qui affectent lévolution de Notre Question Nationale au sein du Conseil de Sécurité et qui se répercutent sur nos relations avec lun de nos plus importants partenaires.
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