par Halim Midouni
Le Maroc a décidé de ne pas organiser la Coupe d’Afrique des Nations. Ce pays a fait valoir l’argument, sans doute recevable, que les risques liés à l’épidémie Ebola sont réels. Et qu’il n’est pas en mesure, à moins d’un report du prestigieux tournoi panafricain, de les assumer à l’heure actuelle.
Son choix est à la fois audacieux et dange- reux. Audacieux, parce qu’il a délibérément faussé le plus grand rendez-vous footballistique et sportif africain avec toutes les conséquences auxquelles on assiste : tractations diplomatico- sportives et recherche des candidats de der- nière minute dans un contexte d’anxiété qui n’encourage pas beaucoup les sponsors, dont beaucoup risquent de revenir sur les investisse- ments qu’ils ont annoncés.
Dangereux, parce que l’option qu’il a prise coûte déjà à l’équipe nationale marocaine d’être disqualifi ée de la CAN 2015. Et que, outre l’exclusion de la compétition, le Royaume s’expose à d’autres sanc- tions, peut-être fi nancières, comme l’a laissé entendre la CAF dans son communiqué.
La Confédération a prévenu, en eff et, qu’elle «appliquerait ultérieurement les dispositions règlementaires qui s’imposent, suite au non- respect par la Fédération royale marocaine de football des clauses règlementaires et contractuelles » liées à l’organisation de la compétition. L’avertissement de la CAF rappelle le point important que la CAN n’est pas qu’un grand rendez-vous de football africain, mais qu’elle est aussi le prétexte au marché impor- tant du sponsoring et du marketing dont, bien entendu, elle tire des ressources sans équivalent.
En 2004, rappelons-nous, la CAF avait conclu avec le téléphoniste sud-africain MTN un contrat de sponsoring de 25 millions de dol- lars pour une durée de quatre ans. Orange, dont le logo est associé depuis 2009 et pour une période de huit années à celui de la CAF, peut ne peut pas apprécier la mauvaise publi- cité faite à la compétition. Lui qui rêve de conquérir le marché de la téléphonie mobile et de la communication dans plusieurs pays africains.
Plus largement, dans un monde où le football est devenu aussi un instrument d’infl uence et de « soft power », le fait que le Maroc refuse d’organiser la CAN 2015 chez lui et dans ses stades en janvier prochain représente un choix politique dont il convient d’évaluer l’eff et à l’échelle africaine. Certes, la CAF n’est pas la FIFA, mais elle travaille sous son égide et le point de vue de ses dirigeants, s’il vient à s’exprimer, serait très intéressant à analyser. Le plus sûr est que le Royaume a raté une occasion d’assumer son africanité au moment où l’Afri- que a le plus besoin, par le biais du football, de montrer un autre visage que celui portant les aff res du terrorisme de Boko Haram au Nigeria et du djihadisme des islamo-gangsters du Sahel et du Maghreb. En cela, Rabat confirme au moins, une nouvelle fois, que ses relations avec l’Afrique des organisations et des institutions ont toujours été problématiques.
En novembre 1984, il quittait l’organisation panafricaine, UA aujourd’hui, pour protester contre la recon- naissance de la cause indépendantiste sahraouie. En novembre 2014, trente ans après, il se met à dos la très consensuelle Confédération africaine de football dans un nouveau scénario géopolitique qui le voit perdre l’occasion de faire du football un atout d’ambition et d’influence et le faire passer pour un adepte d’un nationalisme à rebours, peu solidaire quand l’Ebola exige de l’entraide (et quoi de plus caractéristique à ce sujet que la fraternité par le football et le sport), et surtout anti-africain. Rappelons que la CAN opposera 16 équipes (15 pays qualifi és plus le pays-hôte). Les derniers qualifiés seront connus après les ultimes journées des matches éliminatoires, les 14/15 et 19 novembre.
Reportes, 12/11/2014
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