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Par Ali Oussi
Finalement, et comme il fallait le craindre, le dialogue inclusif intermalien, dans sa troisième phase, vient d’être interrompu à peine deux jours après son entame. Il avait également été retardé de plusieurs jours à cause du retard pris par les représentants de plusieurs groupes armés pour arriver à Alger. Si, officiellement, cette » suspension » aurait été décidée afin que tous les participants puissent aller consulter qui leurs mandants et qui leurs bases à propos du document de synthèse qui a fini par se cristalliser après les deux premières phases de ce dialogue afin que chaque partie soit parfaitement bien fixée sur sa marge de manœuvre et ses lignes rouges à ne pas franchir, la situation reste quand même autrement moins rose et optimiste qu’on n’essaie de nous le faire accroire.
Certes, l’Algérie garde son indétrônable statut de » puissance régionale « , sans laquelle aucune solution viable et durable ne saurait être entreprise. Il n’en demeure pas moins qu’Alger donne carrément l’air d’être très largement débordée sur les flancs dans le cas présent. Comme nous l’avons maintes fois écrit dans ces mêmes colonnes, la situation est particulièrement compliquée cette fois. Elle n’a aucun commun accord avec celle qui avait suivi les deux guerres civiles maliennes, la médiation algérienne et la conclusion d’accords de paix que Bamako, soutenue et encouragée en cela par la France, n’a jamais voulu mettre en application sur le terrain.
Aujourd’hui, outre le fait que la France a réussi à bien avancer ses pions en posant le pied guerrier au Mali via l’opération Serval, suivie de près par une autre plus large, Barkhane, des acteurs de moindre envergure mais tout aussi nuisibles œuvrent également à parasiter la médiation algérienne. Il en est ainsi pour le Burkina Faso, pays où » séjournent » souvent des délégations invitées à Alger quelques jours avant la reprise des pourparlers et dont le président, Blaise Compaoré, est connu pour ses » accointances » avec des groupes djihadistes sévissant dans le Sahel. (J’ouvre ici une parenthèse pour dire que les pays d’Afrique de l’Ouest, à commencer par le Burkina Faso, pourraient être touchés à leur tour par une » déferlante printanière « , comme l’explique mon ami Ali Zaoui, passé maître dans l’analyse de ce genre de situations).
Le Maroc, loin d’être en reste, tente de profiter au maximum de cette situation conflictuelle et inédite afin d’étendre le conflit jusqu’en Mauritanie et, pourquoi pas, une partie des territoires sahraouis libérés afin de » gêner » le Front Polisario. Rabat, qui a déjà eu à libérer des terroristes notoires sous la ferme condition qu’ils tentent d’infiltrer les troupes sahraouies, a opéré un bien curieux et inquiétant rapprochement avec les responsables du MNLA (mouvement national pour la libération de l’Azawad) qui, eux aussi, sont systématiquement » invités » par de très hauts responsables makhzéniens à la veille de la reprise de chaque manche algéroise.
Ce qui complique encore les choses, c’est que les groupes armés, sur lesquels Alger ne peut avoir une totale influence, occupent le terrain, c’est-à-dire toute la partie septentrionale du Mali. Ils disposent, dès lors, de tous les moyens pour taper sur la table et faire monter les enchères, comme l’avait déjà rapporté notre journal dans une précédente édition en faisant état en exclusivité d’une plate-forme dans laquelle l’autonomie et/ou le fédéralisme étaient évoqués de manière explicite.
Bamako, qui ne peut s’y résoudre, et qui jouit en cela du soutien de la France, ne peut donc que se braquer. En parallèle, la reprise de la violence vient compliquer encore les choses et faire dire à l’actuel président malien, Ibrahim Boubakar Keïta (IBK) qu’elle y aurait partie liée. Si tel était vraiment le cas, la poudrière sahélienne se serait » enrichie » d’un nouveau groupe armé en sus d’Ançar Charia, l’AQMI (Al-Qaïda au Maghreb Islamique) et le MUJAO (mouvement pour l’unicité et le Jihad en Afrique de l’Ouest), réputé pour être la » créature » des services secrets marocains. Bref, cela viendrait confirmer ce que nous n’avons eu de cesse de répéter, et conforter Alger dans son refus catégorique de l’intervention militaire française au Mali.
Alors qu’il était encore possible de dialoguer, de trouver des terrains d’entente et d’isoler les éléments radicaux afin de les éradiquer facilement, l’intervention française a éparpillé tout ce beau monde dans le Sahel, surtout en Libye (pays aux mains des terroristes, là encore, à cause de l’assassinat de Kadhafi sur instigation directe de Paris), rendant au passage ses coups tout aussi imprévisibles que de plus en plus douloureux…
A. O.
Tribune des lecteurs, 30/10/2014
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