Monsieur le Ministre des Affaires Etrangères et de la Coopération
Objet: Sahara/Rencontre avec la Sous-Secrétaire générale et Chef de Cabinet du SG de l’ONU.
J’ai l’honneur de vous informer que suite à l’accord de M. le Ministre, j’ai rencontré, cet après-midi, à sa demande, Mme Susana Malcorra, Sous-Secrétaire générale et Chef de Cabinet du SG de l’ONU. L’entretien a porté essentiellement sur le cas de la Représentante spécial du SG au Sahara, Mme Kim Bolduc.
A cet égard, j’ai indiqué à Mme Malcorra ce qui suit :
* Mme Bolduc peut se rendre au Maroc dès demain, à condition de recevoir les garanties nécessaires sur le respect scrupuleux du mandat de la Minurso et le maintien des règles et pratiques suivies depuis 24 ans.
* Le Maroc ne peut accepter la politique du fait accompli, ni l’instrumentalisation des droits de l’Homme ou les tentatives visant l’extension du mandat de la Minurso.
* Depuis le dernier rapport du SG de l’ONU, certains membres du Secrétariat veulent donner à la Minurso un rôle de monitoring de facto des droits de l’Homme.
* Le Maroc ne demande rien d’autre que le respect des trois piliers du mandat de la Minurso : la surveillance du cessez-le-feu, la contribution au déminage et le soutien logistique aux CBM.
* Si dans un geste de bonne volonté, le problème de la nomination de Mme Bolduc est mis de côté, suite aux 3 lettres du Secrétariat, le Maroc éprouve des préoccupations au sujet des dérapages passés ou futurs de la Minurso, dont ci-après quelques exemples :
* l’insistance par la Minurso pour que les rencontres de la mission technique du HCDH au Sahara en avril dernier avec les ONG marocaines se tiennent dans son siège. Ainsi que les instructions qui auraient été données à la Minurso et au HCDH pour que toutes les réunions futures des Procédures spéciales avec les ONG se tiennent également dans le siège de la Minurso.
* les tentatives d’imposer un traitement égal entre le Maroc et le polisario en ce qui concerne les tampons sur les documents de voyage du personnel de l’ONU.
* les contacts de Mme Bolduc avec le polisario avant la prise de ses fonctions et ses intentions de prendre en charge les droits de l’Homme en déclarant qu’elle compte s’occuper de ces questions « dès qu’elle est bien installée ».
Mme Malcorra m’a répondu ce qui suit :
* Elle a contacté M. Hervé Ladsous, SG adjoint au DPKO, et M. Edmond Mulet, Sous-SG au DPKO, qui lui ont donné les assurances que « le mandat de la Représentante Spéciale du SG sera celui de la Minurso » et qu’ils travaillent sur la base des piliers du mandat que j’ai souligné.
* M. Ladsous est disposé à se déplacer à Rabat pour rassurer les autorités marocaines et dissiper tous les doutes sur les inquiétudes du Maroc à l’égard du non respect du mandat de la Minurso. Mme Bolduc pourrait l’y accompagner.
* Elle n’est pas au courant des déclarations ou des contacts de Mme Bolduc. Cependant, elle va s’assurer elle-même de la compréhension totale par Mme Bolduc des limites du mandat de la Minurso.
* Elle va s’enquérir auprès de M. Ladsous et M. Mulet au sujet des instructions données au personnel de la Minurso concernant leur accès au Sahara via les aéroports du nord du Maroc afin d’éviter les tampons des autorités marocaines à l’aéroport de Laâyoune. Ajoutant que cette question doit être réglée de manière conforme au mandat de la Minurso.
* Mme Bolduc a le profile d’une personne disposée à collaborer, à écouter et à discuter de tous les problèmes. Elle n’a pas d’agenda caché. C’est une femme de terrain qui a plusieurs années d’expérience et qui a travaillé dans des environnements difficiles.
* Elle estime qu’il est temps de travailler ensemble et d’entamer « une phase prospective » qui permettra d’arriver à une vision partagée des défis et des opportunités communs, sur la base du principe de « non surprise » et dans le cadre du mandat de la Minurso tel qu’établi par le Conseil de Sécurité. Tout en mettant l’accent sur l’importance de discuter de tous les problèmes et essayer de les résoudre avant qu’ils ne deviennent publics. Je lui ai répondu en précisant ce qui suit :
* Le Maroc ne met pas en doute l’honnêteté de Mme Bolduc. Cependant, certaines sphères du Secrétariat font pressions sur elle pour qu’elle outrepasse le mandat de la Minurso.
* Le Maroc a l’impression qu’il traite avec « plusieurs secrétariats de l’ONU », dont le but est d’exercer des pressions sur lui. Les droits de l’Homme relève de la responsabilité de l’Office du HCDH à Genève. Le Maroc exige que le Secrétariat à New York n’interfère pas dans le mandat de l’Office.
* Le Maroc n’a pas peur de discuter des droits de l’Homme. Cette question est traitée régulièrement et dans la sérénité et la coopération, avec le HCDH et les procédures spéciales.
* Personne n’ira à Rabat pour discuter du problème de Mme Bolduc ou des dérapages de la Minurso. Le Maroc veut régler ces questions avec Mme Malcorra en personne, car il a pleinement confiance en elle.
* Mme Malcorra doit être la garante de rengagement de Mme Bolduc à respecter scrupuleusement le mandat de la Minurso.
* A cet effet, je lui ai proposé d’organiser une réunion à trois -elle, Mme Bolduc et moi-même-, dans son bureau, pour s’assurer qu’elle comprenne les enjeux de sa mission, l’impératif de se conformer au mandat de la Minurso et d’évit
er de prétendre à l’avenir qu’elle n’est pas au courant d’engagements de non ingérence de la Minurso dans les droits de l’Homme.
er de prétendre à l’avenir qu’elle n’est pas au courant d’engagements de non ingérence de la Minurso dans les droits de l’Homme.
* Sans clarifications et garanties sur ces points, Mme Bolduc ne pourra pas se rendre au Maroc. Mme Malcorra a accepté avec plaisir ma proposition. Elle m’a promis d’organiser cette rencontre dans les meilleurs délais possibles. Préalablement, elle rencontrera séparément M. Ladsous et M. Mulet, ainsi que Mme Bolduc afin de clarifier toutes les questions soulevées.
Conclusions :
A la lumière de ce qui précède, il convient de faire les observations suivantes :
* II est permis d’entrevoir une issue à notre avantage en ce qui concerne la crise qui a entouré la nomination de Mme Bolduc.
* L’exposé des dérapages passées et des dépassements futurs de la Minurso devant Mme Malcorra a permis au Maroc de mettre le Secrétariat de l’ONU et ses différents étages devant leurs responsabilités et les risques qu’ils font encourir à la Minurso.
* L’exigence du Maroc qu’il n’y ait pas de surprises dans les rapports et les relations avec le secrétariat est appliqué par le Maroc en ce qui le concerne, en exposant ses griefs et en mettant en garde le Secrétariat sur les conséquences du non respect du mandat de la Minurso.
* L’affaire Bolduc aura permis de montrer au Secrétariat la fermeté inébranlable du Maroc et de gagner progressivement respect de la part de certains et amitiés de la part d’autres, en particulier Mme Malcorra. L’aboutissement heureux dans son bureau de cette affaire constitue un excellent investissement diplomatique du Maroc en sa personne.
Haute Considération
L’Ambassadeur, Représentant Permanent
Non Paper
* Les récents dérapages de la MINURSO violent son mandat et portent atteinte à son impartialité.
* Le mandat de la MINURSO consiste, exclusivement, à : 1. surveiller le cessez-le-feu; 2. Contribuer au déminage; 3. soutenir logistiquement les mesures de confiance.
* La MINURSO ne respecte pas ce mandat, dont les contours sont clairement définis et déterminés. En témoignent, notamment, ces récents incidents:
/. Ingérence de la MINURSO dans les questions des droits de l’Homme:
1. Insistance pour abriter les réunions des ONG’s avec la Mission technique du Haut-Commissariat aux Droits de l’Homme, qui s’est rendue au Sahara du 27 Avril au 2 Mai 2014.
2. Des instructions auraient été données, à partir de New York, au HCDH et à la MINURSO, pour que cette dernière abrite toutes les réunions futures des procédures spéciales qui visiteront le Sahara. Cette ingérence dans les questions des droits de l’Homme, pour lesquelles la MINURSO n’a aucun mandat, est inacceptable car elle démontre un parti pris flagrant contre le Maroc. Elle doit cesser. Les questions des droits de l’Homme sont gérées par les mécanismes nationaux. Parallèlement, le Maroc coopère étroitement, dans ce domaine, avec le HCDH et les procédures spéciales du Conseil des Droits de l’Homme.
//. Tentatives de la MINURSO et du Secrétariat d’altérer les Accords et pratiques existants:
1. Le Maroc a, à maintes reprises, attiré l’attention du Secrétariat au sujet des manouvres du « polisario » de violer les Accords et pratiques existants et de porter atteinte à l’intégrité des Nations Unies, en imposant des tampons sur les documents de voyage du personnel de la MINURSO et des Nations Unies en général.
2. Malgré les avertissements du Maroc, le Secrétariat aurait cédé au chantage du « polisario » en lui concédant que le personnel de la MINURSO va, désormais, se déplacer au Sahara à travers des villes du nord du Maroc, pour que ses documents de voyage ne soient plus tamponnés au Sahara. Ce serait un développement gravissime de la part du Secrétariat. Le Maroc n’acceptera pas de fait accompli ou de changement dans les règles et pratiques régissant le mouvement du personnel de la MINURSO au Sahara. Le Maroc s’oppose à la volonté manifeste et inexplicable du Secrétariat et de la MINURSO de créer une prétendue « égalité de traitement » entre le Maroc et le « polisario », qui est une entité non étatique. Cette attitude viole, en outre, la nature, les règles et les pratiques qui président à la présence des Nations Unies au Sahara depuis 1991. Toute tentative de changer les règles de jeu, 23 ans après la mise en place de la MINURSO, aura des répercussions néfastes sur la présence de cette dernière au Sahara.
///. Déclarations confirmées de Mme Bolduc:
1. Mme Bolduc aurait déclaré qu’elle compte, une fois qu’elle se serait installée, s’occuper des questions des droits de l’Homme, en collaboration avec les ONG’s.
2. Mme Bolduc n’a aucun mandat pour traiter des questions des droits de l’Homme.
3. Ces déclarations sont d’une grande gravité et ne peuvent être acceptées par le Maroc.
La Mission de Mme Bolduc reste tributaire des garanties confirmant le respect du mandat de la MINURSO et l’engagement de ne pas l’outrepasser.