La presse marocaine, que je consulte au quotidien pour d’évidentes raisons que je n’ai pas besoin de détailler ici, s’en est donné à cœur joie hier. Mue par cette haine farouche envers les dirigeants algériens, elle a cru trouver la parade idoine au énième scandale qui a éclaboussé les Autorités marocaines. Il s’agit des graves atteintes aux libertés et droits des citoyens sahraouis ayant participé à l’université d’été du Front Polisario de Boumerdes, et qui devait renter chez eux, dans les territoires occupés, en transitant par l’aéroport Mohamed V.
Ces citoyens, on s’en souvient, avaient été violentés, humiliés, fait l’objet d’interrogatoires dignes de la Gestapo de la seconde guerre mondiale (pour ne pas dire, simplement, des actuelles prisons secrètes de la CIA présente au Maroc, au sein desquelles Rabat » sous-traite » la torture et les interrogatoires musclés pour le compte des Américains).
Le Maroc, faisant office d’Etat voyou aux yeux de la communauté internationale, n’en finit plus d’accumuler les reproches, les écarts de conduite et les bavures. Sans doute est-ce la raison pour laquelle il a tenté de trouver une parade à cet énième scandale. Et il faut dire, sourire aux lèvres, que celle-ci est aussi minable que toutes les attitudes et prises de position du Makhzen depuis quelques années déjà. Il est prétendu, photos à l’appui, que ces » séparatistes » avaient dans leurs bagages des tenues militaires, des drapeaux algériens et sahraouis, de l’argent liquide en dollars, ainsi que des tenues de sport algériennes. Procédons calmement pour décortiquer des » trouvailles » tout aussi hétéroclites qu’insolites. D’abord, si ces saisies avaient été vraiment opérées chez ces » séparatistes « , il ne fait absolument pas de doute que l’information aurait été rendue publique le même jour, c’est-à-dire il y a une semaine de cela, afin de stopper nette l’indignation internationale qu’avait suscité la maltraitance de ces militants sahraouis, dont le grand tort est de croire et de défendre la nécessité de décider librement et souverainement de leur sort, via une consultation référendaire. Il est donc certain que la parade a été » imaginée » et mise en branle plusieurs jours plus tard. Par contre, il est à peu près certain que, l’idée est venue sur la base de saisies réelles opérées, auxquelles on en a ajouté d’autres. Les tenues de sport algériennes sont forcément authentiques.
L’hospitalité de notre pays a sans doute poussé les hôtes de nos amis sahraouis à leurs faire cadeaux des survêtements de l’EN de foot, entrée dans la légende, fierté des mondes arabe et musulman, lors du dernier Mondial brésilien. Leur saisie par le Maroc trahit cette indicible jalousie qui a dû être celle des gens du Makhzen, face au retour en force de l’Algérie sur les devants de la scène internationale, et pas seulement via le sport, étant entendu et admis par tous que la diplomatie n’est pas du tout en reste. Les drapeaux, aussi, peuvent être authentiques. Et nul n’a le droit d’interdire à un autre d’avoir es drapeaux dans ses bagages. On peut, en revanche, regretter qu’un minable Marocain escalade le toit de notre consulat à Casablanca, afin d’y enlever notre emblème national aux fins de le profaner. Et après cela, Rabat lui fout la paix en invoquant des prétextes tout aussi fallacieux, que fielleux. Mais, puisque le Maroc parle de saisie de produits subversifs, et d’encouragement apportés par l’Algérie à ces » dangereux séparatistes « , il fallait bien ajouter quelques produits, comme les treillis militaires, ou même l’argent liquide. Ce grossier montage trahit, si besoin en était encore, la grande panique du Makhzen depuis que les masques sont tombés et que la planète entière a découvert la véritable nature de cette monarchie absolue, dont les dirigeants pillent allègrement le royaume, tout en maintenant en l’état l’ultime colonie au niveau de l’Afrique. La fin du statut quo et de la politique du fait accompli approche à très grands pas…
M. A.
La Tribune des Lecteurs, 02/09/2014