Un droit international à l'aune des intérêts occidentaux

Ainsi, ce qui a pu être réalisé dans le cas – identique – du Timor oriental, pris également en charge par l’ONU, n’a pu jusqu’ici aboutir au Sahara occidental. 


Par Karim MOHSEN
La démocratie, les droits de l’homme et, d’une manière générale, le droit international, se révèlent à l’usage des notions galvaudées sans constance et sans sens pour les peuples opprimés. En effet, le droit international et, singulièrement, le droit à l’autodétermination, n’ont pas la même application dès lors que le peuple concerné est, ou n’est pas, allié, proche ou protégé par l’Occident. Et c’est cet Occident qui décide de la faisabilité ou non du droit international tel que pourtant proclamé par l’article 1 (alinéa 2) et l’article 55 de la Charte des Nations unies sur le «principe de l’égalité des droits des peuples et de leur droit à disposer d’eux-mêmes». 
L’ONU n’a pas cependant défini ou pu en définir – sans doute du fait de l’opposition des détenteurs du pouvoir de décision – les paramètres. Or, ce droit est constamment foulé aux pieds par ses promoteurs qui parlent de démocratie et droit international, dont l’application est toutefois sélective ne s’appliquant pas de la même façon à tous les peuples. Ainsi, tous, y compris l’Occident, sont d’accord sur les droits du peuple sahraoui à l’autodétermination. Mais, sa mise en oeuvre se heurte à leurs intérêts au Maroc. Alors ils louvoient quand ils ne mettent pas des obstacles – c’est le cas de la France – à l’organisation d’un référendum au Sahara occidental dont le conflit est entré dans sa quarantième année. Ainsi, ce qui a pu être réalisé dans le cas – identique – du Timor oriental, pris également en charge par l’ONU, n’a pu jusqu’ici aboutir au Sahara occidental. 
Dans les territoires palestiniens occupés, il n’est pas question d’autodétermination – l’Etat palestinien est la résultante du partage de la Palestine historique – mais de l’application de la résolution 181 II de 1947 à laquelle s’oppose Israël, mais aussi aux faux-fuyants de l’ONU incapable de faire appliquer ses résolutions, parasitées par les soutiens d’Israël à leur tête les Etats-Unis. Ce qui fait, que les peuples sahraoui et palestinien sont, à l’aube du troisième millénaire, les seuls peuples à rester sous le joug de la domination de forces étrangères. 
Si les cas du Sahara occidental et des territoires palestiniens apparaissent comme des faits coloniaux dont la résolution s’est heurtée au veto – veto qui ne dit pas son nom – de l’Occident, ce dernier s’est, en revanche, totalement impliqué dans l’accélération de la sécession – un fait très rare à l’ère moderne – de la province serbe du Kosovo, dont il s’est empressé de reconnaître (en 2008) l’indépendance autoproclamée. A mettre en parallèle avec les menaces de la part de la Maison-Blanche qu’a essuyées l’Autorité palestinienne qui envisageait de proclamer l’indépendance de l’Etat palestinien. 
Comment donc comprendre cette dichotomie dans l’évaluation de faits analogues par l’Occident dont les décisions prennent à l’évidence ses intérêts propres au détriment d’un droit international, prétendument s’appliquer à tous et dont il se veut l’héraut. Il n’en est rien en fait et les ingérences de l’Union européenne et des Etats-Unis dans la tournure qu’a pris la crise kosovare obéissaient d’abord aux intérêts géostratégiques de ces pays qui regardaient le Kosovo comme la clé de leur mainmise sur les Balkans. Mais l’Union européenne, poussée par l’Allemagne, en reconnaissant le Kosovo, aura surtout ouvert la boîte de Pandore en exacerbant les nationalismes quand sa fondation était censée les dépasser. 
Que dire du cas du Kurdistan, dont l’inextricable imbroglio est du seul fait des puissances impériales française et britannique vainqueurs de la Grande Guerre? Ecartelé entre la Turquie, l’Irak, la Syrie et l’Iran, le Kurdistan n’a, semble-t-il, aucune chance de se réaliser en tant qu’Etat. Toutefois, dans cette confusion, l’Union européenne trouve encore le moyen d’en mettre une couche favorisant quasiment le Kurdistan irakien, devenu un Etat – avec toutes les institutions de souveraineté – dans l’Etat irakien. Tout en refusant aux Kurdes turcs, syriens et iraniens ce privilège, Français et Britanniques envoient des armes sophistiquées aux Kurdes irakiens. Ainsi, outre d’accentuer la fracture entre le gouvernement irakien et sa région kurde, les Européens créent un dangereux précédent par rapport aux autres entités kurdes de la région. Revenant d’un voyage en Irak, le chef de la diplomatie allemande, Frank-Walter Steinmeier, expliquait au quotidien Bild qu’«un Etat indépendant des Kurdes déstabiliserait un peu plus la région et ferait naître de nouvelles tensions, possiblement avec l’Etat voisin irakien aussi». Or, c’est bien l’Allemagne qui a porté à bout de bras la scission du Kosovo bouleversant la donne géopolitique régionale dans les Balkans. Faut-il noter aussi que l’Occident a été derrière la séparation du Soudan du Sud avec le Soudan, avec les résultats meurtriers que l’on connaît. Et c’est encore cet Occident qui nous bassine avec ses droits de l’homme et sa démocratie!!??
L’Expression, 19 Aout 2014

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