L'UE détient la clé de la solution du conflit du Sahara occidental

Aliyen Habib Kentaoui

En décembre dernier, par un vote à une étroite majorité, le Parlement européen, dans une démarche surprise, a tordu le cou à la justice et à la légalité internationale en ratifiant le protocole de l’Accord de partenariat de pêche UE-Maroc, qui permet à des bateaux européens de se livrer à une pêche illégale dans les eaux territoriales du Sahara occidental occupé par le Maroc.
Cette interprétation étonnante de la législation internationale est allée à contre-courant d’une décision précédente du même parlement en 2011, qui avait rejeté à juste titre la ratification du même accord du fait de son caractère illégal.
L'accord de pêche est présentée comme une «victoire» de la diplomatie marocaine, après le rejet de l'ancien protocole en décembre 2011. ©DR
Cette nouvelle décision a balayé les espoirs des peuples de la région et réduit les perspectives de paix à un mirage trompeur dans le désert.

L’approbation de l’accord mentionné a de nouveau mis en lumière le rôle de l’UE dans ce conflit. Il ne fait aucun doute que les décisions de l’UE pèsent lourd dans la recherche d’un règlement au conflit saharo-marocain, soit pour y contribuer soit pour la compliquer. En acceptant de se livrer à de tels arrangements douteux avec le Maroc, l’UE dessert la cause de la paix et trahit ses propres principes fondateurs. Mais l’effet le plus alarmant de ce genre d’accords, ce sont les signaux erronés envoyés à la région. Le Maroc ne se prive pas d’interpréter chaque accord avec l’UE, ou avec toute autre institution, comme un certificat de légalisation de son occupation illégale et cela encourage donc son sentiment débridé d’impunité et de mépris pour les normes internationales.

Pendant de longues années, le bouclier offert au Maroc contre les conséquences de ses violations de la législation internationale a fait avorter toutes tentatives d’aboutir à une solution équitable et pacifique au conflit, a prolongé celui-ci indéfiniment et a forcé de nombreux médiateurs à démissionner, exaspérés qu’ils ont été d’être pris entre l’intransigeance marocaine et l’attitude erronée de certains pays européens. Aussi bien les conseillers juridiques du Conseil de sécurité que ceux du Parlement européen sont tombés d’accord sur le fait qu’avant toute exploitation des ressources naturelles sahraouies, des principes de base devraient être respectés : le consentement du peuple sahraoui, qu’elle bénéficie à la population sahraouie, qu’elle respecte l’environnement et les droits humains. Aucune de ces conditions sine qua non de base n’a été respectée.
Toutes les tentatives de bloquer l’accord ont été mises en échec par des arguments spécieux de lobbys puissants, sans égard pour les conséquences dévastatrices pour la recherche d’un règlement pacifique indispensable. Des manifestations répétées dans les camps de réfugiés sahraouis et dans les territoires occupés du Sahara occidental pour demander l’annulation de l’accord ont été souverainement ignorées. Les appels d’organisations régionales comme l’Union Africaine sont aussi restés lettre morte. Permettre au conflit de s’éterniser en alimentant constamment les rêves marocains d’un empire chimérique a été et reste une erreur fatale.

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Le Maghreb, aux portes de l’Europe, est une zone vitale pour la prospérité et la sécurité de l’UE. Aussi bien le Maghreb que l’Europe récolte les fruits de 40 ans de stratégie moralement et légalement erronée. Quatre décennies passées à faire obstruction au processus de décolonisation du Sahara occidental ont amené la région à la situation déplorable d’aujourd’hui : des ressources précieuses ont été détournées pour l’effort de guerre et le renforcement de l’appareil sécuritaire afin de soutenir l’entreprise coloniale. Cela a saigné inutilement l’économie marocaine, poussant des millions de personnes au désespoir, avec des milliers d’émigrants affluant vers l’Europe et le spectre du terrorisme devenant un élément du paysage.

L’intégration régionale, dont l’absence se fait cruellement sentir et la coopération en matière de politique, d’économie et de sécurité est presque inexistante. La panique suscitée par la pratique marocaine des frontières élastiques a renforcé la méfiance des pays voisins et empêche d’affronter les problèmes de la région. Et pourtant, les choses continuent imperturbablement à suivre la même logique. Encouragé par le dernier accord de pêche et l’indifférence à ses violations des droits humains au Sahara occidental, le Maroc n’au aucune intention de changer de cours. Au contraire, dans une course contre le temps, le Maroc est en train d’essayer d’attirer des entreprises étrangères en leur proposant des contrats lucratifs pour partager le pillage des ressources sahraouies, tout en continuant à expulser sans autre forme de procès les observateurs internationaux du Sahara occidental, y compris des parlementaires européens.

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Melilla, frontière Maroc-Espagne
Mais ce qui est encore plus stupéfiant et incompréhensible, ce sont les discussions en cours au sein de l’UE sur la manière de récompenser le Maroc en lui offrant une aide plus généreuse et un statut encore plus privilégié de membre associé. Cette fois-ci, le sérieux de la situation régionale exigerait une conditionnalité dans l’intérêt de la paix et de la sécurité. Les leçons du passé devraient guider la future relation. En toute connaissance de cause ou à son insu, l’UE est en train d’aggraver encore plus la situation déjà dangereuse ans laquelle se trouve la question du Sahara occidental. Des cohortes de propagandistes et d’apologues de l’injustice continuent à annoncer de manière tonitruante une soudaine transformation miraculeuse – qui n’arrive jamais – du Maroc, d’État expansionniste et répressif, en paradis idyllique de démocratie et de tolérance. En même temps, ils ne relâchent pas leurs efforts pour diaboliser de manière impitoyable la cause sahraouie. C’est une manœuvre astucieuse pour rendre plus acceptable le soutien généreux de l’UE et pour exonérer le Maroc en lui permettant de continuer impunément sa politique agressive.

L’histoire récente européenne a montré que le respect mutuel et la coexistence pacifique sont les garants de la stabilité et du progrès. Aucune dose de camouflage, aucune présentation fantasmagorique ne peut changer le caractère du conflit. C’est simplement la sage d’un petit peuple qui désire vivre libre et en paix dans le pays de ses ancêtres en harmonie avec ses voisins. Mais le Maroc attend de l’UE qu’elle soit complice de ses crimes.


Heureusement, le tableau n’est pas entièrement sombre : des voix au sein de l’UE commencent à exprimer de l’inquiétude et à injecter de l’éthique et de la moralité dans leur approche du conflit sahraoui. Et, rayon d’espoir, des investisseurs sont en train désinvestir, retirant leurs capitaux d’entreprises investissant illégalement dans le vol et le pillage des ressources naturelles sahraouies. Chaque jour un nombre croissant de pays de l’UE, de parlements nationaux, d’ONG et d’organisations de défense des droits humains font entendre leur voix pour rectifier l’attitude de l’UE face à ce conflit prolongé. Ce n’est pas par désir de punir le Maroc, mais probablement pour le sauver de lui-même, pour restaurer la justice et apporter stabilité et sécurité à la fois à la région Maghreb et à l’Europe. Une tâche immense, mais une démarche prometteuse qui mérite d’être encouragée à aller de l’avant.

http://tlaxcala-int.org/article.asp?reference=13095

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