Abdelhamid Benhamla
La désignation par l’Union Africaine de M. Joaquim Chissano, en qualité d’envoyé spécial pour le Sahara Occidental, semble surprendre le palais royal au point d’ameuter le troupier de service du moment pour vilipender l’Algérie. Peut-être que le Maroc s’attendait-il à ce que la diplomatie algérienne s’opposât à cette désignation ou qu’elle proposât, contre ses profondes convictions et celles de la communauté internationale, d’autres voies qui conforteraient le Maroc voisin dans sa politique expansionniste, au profit, bien sûr, des seuls intérêts du Makhzen.
Lorsque, en 1982, la République Arabe Sahraouie Démocratique intégra l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA), l’ancêtre de l’Union Africaine actuelle, ce nouveau pays, la RASD, avait répondu aux conditions statutaires qui respectaient les règles de fonctionnement. L’organisation africaine avait ainsi réitéré son intransigeance quand à l’intangibilité des frontières héritées de la colonisation.
Ce matin-là, le Roi Hassan II avait traité avec mépris cette organisation dont il était encore membre. Il disait que c’est une Conférence TAM TAM. Après cette grave défaite, il a bien cherché le soutien des européens en vain. Il s’est tourné vers les Etats Unis, encore rien. Kissinger, celui qui lui avait donné l’idée, à Paris, d’organiser une marche pacifique sur les territoires convoités, lui dira que, sans armes, nous et nos alliés ne dirons rien.
C’est ainsi que fut pondu la marche verte, conduite à l’époque, non pas par le Roi, mais par le premier ministre et gendre du Roi, Ahmed Osman. En occupant le sud et en y investissant massivement, le royaume perd chaque jour un peu plus le nord du pays. Des tribus dans ces contrées nordiques n’auraient pas encore fait acte d’allégeance au Roi Mohamed 6.
Pour l’histoire, un haut responsable sahraoui, toujours en poste, m’avait affirmé qu’après l’échec du plan Baker, devant l’intransigeance du Maroc, l’ancien Secrétaire d’Etat américain et envoyé spécial de l’ONU, avait suggéré, en privé, à la délégation sahraouie, reçue par lui à Houston, de reprendre les armes pour faire valoir les droits du peuple sahraoui.
La désignation de Joaquim Chissano, l’ancien ministre des Affaires Etrangères du Mozambique de Samora Machel, devenu président du pays, suite au décès accidentel (?) de son prédécesseur n’a pas été du goût des marocains. Et pour cause, Chissano avait été dans la guérilla contre le colon portugais, c’était le marxiste convaincu des idéaux de liberté, un farouche indépendantiste. Il est membre du comité d’honneur de la Fondation Chirac pour agir en faveur de la paix dans le monde. En tant que Président du Mozambique, son pays a toujours reconnu la RASD. Il avait fait ses études de médecine à Paris. Son portefeuille relationnel est très diversifié dans les zones d’influence du Maroc en France et en Europe. Le mozambicain est à l’intérieur des remparts des intérêts du Makhzen. C’est cette mouche-là qui a piqué sa Majesté, pas l’Algérie.
Source : Yagool.dz, 19/07/2014