Tournis
Par Mohamed Abdoun
Les chiffres ont de quoi donner le tournis. Vous procurer force hallucinations sans que vous n’ayez besoin de toucher aucune drogue. L’Algérie, objet d’un complot, et de menaces diverses à ses frontières, a ainsi réussi l’exploit de saisir la bagatelle de 200 tonnes de résine de cannabis durant l’année écoulée. Vous avez bien lu : 200 tonnes. Et 59 autres, rien que pour les quatre premiers mois du début de cette année. Il va sans dire que ces quantités saisies ne sont que la partie émergée d’un gigantesque iceberg. Pour s’en convaincre, il suffit de jeter un coup d’œil lucide sur la société algérienne pour voir de quelle manière la consommation de la résine de cannabis, chez nous, s’est » démocratisée « , et combien il est devenu facile de s’en procurer. Qui plus est, à des tarifs relativement modiques. Il va sans dire, aussi, que la totalité de ce poison, en train de détruire la société algérienne, nous provient de chez nos chers voisins marocains. Et l’ironie voudra que lorsque les grands dealers, qui s’approvisionnent à coups de quintaux et de tonnes, procèdent souvent à du troc au lieu de payer leurs marchandises en argent liquide.
Tout en empoisonnant la population algérienne, donc, ces dealers contribuent volontairement à saigner à blanc l’économie et les finances de notre pays. Une bonne partie de nos produits subventionnés de large consommation, pour lesquels l’Algérie dépense chaque année plusieurs milliards de dollars, se retrouve en effet chez nos amis et voisins marocains. Tout cela se produit alors que nos frontières terrestres avec le Royaume chérifien sont encore fermées depuis 1994. Qu’arriverait-il, dès lors, si celles-ci devaient être rouvertes, comme souhaité par Rabat, sans que cette demande ne fasse préalablement l’objet d’un traitement global, comme l’exige Alger ? On ose à peine imaginer le résultat, tant la réponse parait évidente.
Le Maroc, en effet, ne se contente pas de vivre aux crochets de notre pays, comme un véritable parasite. Il s’adonne à un très large trafic de drogue à l’échelle planétaire, si bien que plusieurs institutions internationales, à commencer par l’ONU elle-même, l’épinglent régulièrement en relevant que le Royaume chérifien est devenu le premier Etat producteur et exportateur de cannabis dans le monde. Et, comme une pareille culture, qui se pratique sur des milliers d’hectares, ne peut forcément pas se faire de manière clandestine, il devient axiomatique de relever que de hauts responsables marocains, aussi bien civils que militaires, ont partie liée avec ces pratiques délictueuses. Voilà qui en explique en grande partie pourquoi l’Algérie a parfaitement raison de refuser catégoriquement que ses frontières ne soient rouvertes, avant que des solutions concertées et viables n’aient été trouvées au trafic de drogue transfrontalier, mais aussi à la lutte contre le terrorisme (car le Maroc, là encore, serait derrière la création du MUJAO -Mouvement pour l’unicité et le Jihad en Afrique de l’Ouest- auteur de divers attentats contre les intérêts algériens et sahraouis), à la question sahraouie et au processus d’édification de l’UMA (Union du Maghreb Arabe). Autant dire que cela ne se fera jamais. Et c’est tant mieux, étant entendu que c’est le Maroc, qui se trouve encore dans la position du quémandeur alors que c’était lui qui, en 1994, avait décidé, de manière unilatérale, de fermer ses frontières avec notre pays, et même d’instaurer un visa d’entrée. Cela se passait, il faut le rappeler, avec toute la force voulue, en plus de notre guerre sans merci contre l’hydre terroriste. A cette époque, l’Algérie faisait face à un embargo cruel et criminel qui ne disait pas son nom. Elle avait, dès lors, le plus grand besoin de ses voisins immédiats. Or, non seulement le Maroc n’a pas trouvé mieux que de lui tourner le dos, mais en plus, (et cela se passait du vivant de Hassan II), ce dernier avait osé déclarer qu’il voulait faire de notre pays un » laboratoire à ciel ouvert « , en matière d’intégrisme et d’islamisme politique. Il était allé jusqu’à accorder asile aux criminels du GIA et à recevoir en ses palais, en présence de son âme damnée Driss Basri, l’émir créateur de ce groupe criminel, Abdelhak Layada. C’est lui-même qui nous en a fait la révélation en nous recevant chez lui, il y a de cela quelques temps. C’est dire que ce retour de flamme est, on ne peut plus mérité. D’autant que les choses sérieuses ne font que commencer…
M. A.
La Tribune des Lecteurs, 06/07/2014