Chaque fois que les pieds d’un représentant diplomatique d’une puissance foule le sol d’Alger, les soldats du Makhzen opèrent des razzias pour s’en convaincre d’une fausse cause. C’est aussi des messages codés pour réitérer l’entêtement du royaume a ne croire qu’à sa propre histoire. Si la France s’allie toujours du côté des rois, la position des Américains demeure ambiguë et changent au gré d’un agenda, dont seul l’Oncle Sam connaît les secrets. Ce ne sont pas aussi les changements de la position américaine qui surprend, mais c’est surtout la célérité par laquelle elles s’opèrent. Tantôt soutenant la proposition d’autonomie que propose le Maroc, en contradiction avec le droit international, tantôt soutenant l’autodétermination du Sahara.
L’attitude de la Maison-Blanche change sous l’influence des lobbies israélo-américains et de l’évolution des rapports géopolitiques. Sinon comment expliquer le paradoxe, dans la politique extérieure de la Maison-Blanche sous Obama, qui, à la faveur du Printemps arabe, déclare haut et fort qu’elle soutient les peuples contre des dirigeants « tyranniques », et dénie ce même droit à un peuple toujours colonisé, aspirant à la liberté et à l’autodétermination. Le 21 mai 2013, L’ambassadeur des Etats-Unis à Alger a affirmé que le département d’Etat américain apporte son soutien à Christopher Ross, que le Royaume a renvoyé cinq jours plus tôt. Une position qui suscite des interrogations. La rétrospective renseigne si besoin est de cette ambivalence. Dans l’une de ses virées au Maghreb, l’ancienne secrétaire d’État américain, Hillary Clinton, après une escale à Alger a déclaré que « l’autonomie du Sahara est une proposition « réaliste », indiquant que les États-Unis d’Amérique soutiennent les efforts visant à trouver une solution mutuellement acceptable à la question du Sahara ». En 2009, Washington s’est démarqué de la position marocaine.
Le président américain n’a pas mentionné dans sa lettre envoyée au Roi Mohamed VI, l’offre d’autonomie pour le Sahara occidental. Diplomatiquement cela signifie, qu’Obama n’a pas soutenu la proposition marocaine. Une attitude confirmée à cette époque par les interventions publiques, l’ambassadrice américaine à l’ONU, Susan Rice, qui s’est toujours référé au Conseil de sécurité pour le règlement du conflit. Dans la nouvelle approche américaine, visant l’instauration d’un nouvel ordre, le Maroc semble faire l’exception ? Pourtant historiquement les Américains n’étaient pas toujours du côté des Marocains. À la fin des années 1980, ils n’étaient pas défavorables à l’émergence d’un Etat sahraoui indépendant. Une thèse défendue également en 2003 quand l’Oncle Sam a soutenu le Plan Baker II, par lequel les Sahraouis auraient bénéficié d’une autonomie, pendant une période de cinq ans, avant la tenue d’un référendum d’autodétermination incluant l’indépendance parmi les trois options soumises. L’Administration Bush avait même promis au Front Polisario d’appuyer cette proposition au Conseil de sécurité. Mais c’était compter sans l’aval de la France qui brandissait le véto, en se rangeant du côté du Royaume chérifien qui s’est opposé farouchement. Ne voulant pas perdre deux partenaires précieux, la France et le Maroc, l’administration Bush a fini par se soutenir la proposition faite par le Maroc en 2007, consistant à promettre aux Sahraouis l’octroi d’une « autonomie ». Depuis, les rounds se succèdent et se ressemblent. Le Maroc fait montre d’un paradoxe inédit. D’un côté, on parle de négociations et de l’autre on impose une seule vision. Car le Royaume alaouite refuse que la contre-proposition sahraouie soit mise sur la table des négociations avec toutes les options. La diplomatie marocaine met en avant le soutien de la France et des Etats-Unis contre les résolutions onusiennes, qui insistent pourtant sur des négociations « sans conditions préalables et de bonne foi… en vue de parvenir à une solution politique juste, durable et mutuellement acceptable, qui pourvoit à l’autodétermination du peuple du Sahara occidental ». Le comité des Nations unies contre la torture a appelé, dans un rapport contre la torture au Sahara occidental, l’État marocain à prendre des mesures « urgentes et concrètes » pour prévenir les actes de torture et les mauvais traitements à l’encontre des Sahraouis. Mais ce qui est sûr aussi dans la question du Sahara occidental, c’est que les Sahraouis sont plus que jamais convaincus qu’ils ne peuvent compter que sur eux-mêmes en tant que peuple opprimée pour se libérer du joug colonial.
Yanis Ramy
http://www.algerienews.info/lambivalence-dune-position/