« Il y a un embargo médiatique franco-marocain »

Algérie News : Des manifestants sahraouis ont été violemment réprimés, vendredi, à El-Ayoun occupée, par les forces de l’occupation. Comment qualifiez-vous cette énième agression contre des citoyens qui protestent pacifiquement ?
Saïd Ayachi : Ce que je peux vous dire à ce sujet, c’est que le peuple sahraoui est victime de l’administration marocaine qui use de tous les moyens pour étouffer la résistance. Ces agressions deviennent répétitives, et de surcroît contre des manifestants pacifistes qui n’ont fait que faire valoir leur droit à la liberté d’expression qui leur est reconnue et à l’autodétermination. Force est de constater que le Maroc persiste dans son entêtement à recourir aux moyens les plus féroces. Je cite la répression policière , les passages à tabac et les agressions qui confirment la tradition de l’administration marocaine dans son traitement violent de la question sahraouie.
Ne pensez-vous pas que les violations en matière des droits de l’homme se banalisent désormais au Sahara occidental, puisqu’à chaque fois qu’il y a manifestation, il y a soit des arrestations, soit des blessés ?
Non ! Je ne suis pas de cet avis. Ce que je pense par contre, c’est qu’il est maintenant établi de façon affirmative, et au niveau de toute la communauté internationale, que le Maroc viole quotidiennement les droits de l’homme dans les territoires sahraouis. Tous les rapports d’ONG internationales de droits humains, le Parlement européen récemment et le Département d’Etat américain dans ses rapports de 2012 et de 2013, les juristes et les observateurs dépêchés dans la région plaident en faveur du même constat. Il n’y a rien de nouveau en la matière. Le deuxième point qui mérite d’être soulevé, c’est cet embargo médiatique minutieusement planifié par l’administration marocaine, avec la complicité de l’Espagne et de la France plus particulièrement, qui ne rapportent pas d’informations qui puissent nuire à l’image du Maroc. C’est ce que nous dénonçons au sein de notre comité de soutien au peuple sahraoui.
Pourtant, l’élargissement de la mission de la Minurso pour la surveillance des droits de l’homme, n’a pas eu lieu comme voulu par les ONG et autres membres de l’ONU qui soutenaient la proposition.
Effectivement, la Minurso qui s’est installée en 1993 avait pour but d’organiser le référendum sur l’autodétermination, mais aussi pour surveiller la violation des droits de l’homme. Hélas, la France s’est prêtée lors du dernier vote à un jeu de coulisses qui a fait que la mission n’est pas élargie à la surveillance des droits de l’homme, après avoir usé, l’an dernier, de son véto pour rejeter la proposition au sein du Conseil de sécurité de l’ONU.
Propos recueillis par Aïssa Moussi 
Encore une fois, les forces de l’occupation marocaines sur les territoires sahraouis usent de violence pour disperser une manifestation pacifique. 19 blessés, c’est le bilan de la répression marocaine, vendredi, contre des citoyens sahraouis dans la ville d’El-Ayoun.
Selon l’agence de presse sahraouie (SPS), citant une source du ministère des Territoires occupés et de la Communauté, les manifestants ont marché pour revendiquer la libération de tous les détenus politiques sahraouis dans les prisons marocaines, avant que les forces de l’occupant n’interviennent violemment, faisant 19 blessés parmi les Sahraouis. Les manifestants ont arboré le drapeau sahraoui et scandé des slogans réclamant l’autodétermination et l’indépendance du Sahara occidental, ajoute la même agence, qui décrit l’intervention marocaine de « sauvage ». Ce n’est pas la première fois que les forces du Makhzen agissent de la sorte contre les militants pacifistes sahraouis. Une situation qui s’est banalisée depuis que la crise de l’an dernier entre le Maroc et les Etats-Unis avait dû être réglée directement entre le roi Mohamed VI et Barack Obama ; ce dernier voulant instaurer un mécanisme de surveillance des droits de l’homme dans la mission de l’ONU. Ainsi, à la fin du mois d’avril dernier, le Conseil de sécurité avait renouvelé le mandat de la mission de l’ONU au Sahara occidental, faisant l’impasse sur la question des droits de l’homme. Le texte présenté par les Etats-Unis s’est contenté « d’encourager le respect des droits de l’homme ». Le Maroc promet par exemple de ne plus traduire les civils sahraouis devant des tribunaux militaires. Mais le Conseil de sécurité a ignoré les recommandations du secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon qui voulait demander au Maroc un engagement à tenir ses promesses. C’est ainsi, donc, que le non-respect des droits de l’homme s’est banalisé en territoires occupés. Preuve en est que, jusqu’à l’heure où nous mettons sous presse, la répression de vendredi n’a suscité aucune réaction de la part de la communauté internationale. Par ailleurs, et selon la SPS, une association des droits de l’homme au Maroc, très active en Ile-de-France, a fait état, samedi, d’informations « préoccupantes » sur des arrestations politiques au Maroc ayant ciblé dernièrement tant des militants activistes que des résistants sahraouis. « Le mois dernier (mai) était très dense en informations provenant du Maroc relativement aux atteintes aux droits et aux libertés, toutes aussi préoccupantes les unes que les autres », a dénoncé l’Association de défense des droits de l’homme au Maroc (Asdhom) dans un point sur sa campagne de parrainage des prisonniers politiques au Maroc, lancé en novembre 2012 depuis Paris. Evoquant le cas du Groupe Sahraoui Guelmim-Aït Melloul, l’Asdhom signale l’arrestation, le 27 mai, de six militants sahraouis qui ont été condamnés par la cour d’appel d’Agadir à des peines allant d’un an à trois ans de prison ferme. Placés en détention préventive à la prison d’In Zegane puis d’Aït Melloul, leur procès a été reporté à plusieurs reprises. Avant eux, un jeune prisonnier politique (Abdallah Boukayoud) avait été condamné, le 23 mai, par la même cour d’appel, à quatre ans de prison ferme après avoir été placé en détention préventive à la prison d’Aït Melloul depuis sept mois. Il s’est présenté à la cour en étant en grève de la faim, entamée le 20 mai, pour protester contre les mauvais traitements dont il a fait l’objet. Il a été arrêté entre El Ayoun et Smara occupées pour avoir participé aux manifestations à Guelmim après la mort en septembre 2013 à Assa du jeune sahraoui Rachid Echine.
Aïssa Moussi/Agences
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