Par Maâmar Farah
maamarfarah20@yahoo.fr
La question est posée par plusieurs observateurs : à qui profite la déconfiture actuelle de la Libye ? Certainement pas aux Libyens. Et d’ailleurs, on voudrait bien entendre ces faiseurs de guerres qui nous promettaient monts et merveilles, à commencer par le sinistre Nicolas Sarkozy et son acolyte de philosophe, chantre de la démocratie à dos de Rafales, soldat-troubadour, semant son venin au gré des missions commandées par le Mossad. A l’époque, les plumes qui se taisent aujourd’hui, pour ne pas dire qui se contredisent publiquement, saluaient sans vergogne ce qu’elles avaient appelé « Révolution », comme elles s’étaient évertuées à nous promettre les fleurs d’un nouveau printemps repoussant sur les décombres de la Jamahiriya de Kadhafi. D’autres, ne remarquant pas, au passage, que le fameux CNT était déjà miné par les extrémistes religieux, le taxaient d’emblème de la nouvelle démocratie libyenne… Pourtant, tout était clair !
De notre modeste poste d’observation, nous avions tout prévu car il faut être aveugle ou manipulé pour ne pas voir, dans cet épisode libyen, la poursuite d’un plan machiavélique qui, sous couvert de chasse aux dictateurs et de démocratisation, pousse les pays de la région, un à un, dans l’enfer de la déstabilisation et de la guerre civile. Et ceux qui se taisent aujourd’hui savent qu’il n’y a plus rien à faire et que leur rôle est terminé. Ils sont satisfaits car leur mission a été couronnée de succès. Maintenant, tels des loups affamés à la recherche d’une nouvelle victime, ils détournent les yeux des corps déchirés, déchiquetés, de ces anciennes nations qui, bon an mal an, arrivaient à maintenir debout l’Etat et assuraient un minimum de cohésion sociale. Les gens vivaient normalement, à défaut de vivre bien ou très bien. Ils mangeaient à leur faim, scolarisaient leurs enfants, avaient des maisons, du travail, des loisirs, des rêves. Aujourd’hui que les bombes pleuvent sur leurs têtes, ils doivent regretter le temps béni de la paix, avec ou sans… dictateur !
N’y allons pas par quatre chemins : le danger le plus grave pour nos pays est bel et bien l’intégrisme qui ne lâche rien pour s’imposer ; ni les maquis, ni le Parlement. Son objectif : appliquer la Charia, dominer la société en lui imposant l’arriération culturelle, la régression sociale et le recul dans tous les domaines. Son ennemi principal n’est pas la démocratie, car il peut l’utiliser pour accéder au pouvoir, mais bel et bien la modernité. Sans modernité, nous ne pourrons jamais avancer. La modernité, c’est ce qui permet à l’individu d’accéder au rang de citoyen. La modernité, c’est ce qui donne à la démocratie son sens véritable car, avec des électeurs bornés, persuadés qu’ils ont à choisir entre Dieu et le quidam du coin, il est évident que ce sera toujours le parti religieux qui l’emportera.
Nous le vécûmes en 1991 et nous avons, depuis, découvert les autres «formes» du combat islamiste. D’ailleurs, les cicatrices ne se sont pas toutes refermées. Ce plan sioniste de déstabilisation, facilité par le manque de vigilance de nos gouvernants, avait commencé par l’Algérie et l’Irak. Les djihadistes ici et l’armée US là-bas. Un jour, on écrira toute la vérité sur cet épisode sanglant et on verra que le Maroc, plus tard le Qatar, les démocrates américains et les socialistes français ont été, avec le sionisme, les artisans principaux de la déstabilisation de nos pays. Feu Hassan II regrettait que l’expérience «démocratique» avec le FIS n’ait pas été jusqu’au bout. Plus tard, d’importantes armes et des troupes entières de terroristes sont entrées par la frontière Ouest. Mme Albright, quant à elle, déclarait publiquement que les groupuscules armés étaient des résistants contre un pouvoir qui avait usurpé leur parti d’une victoire manifeste aux législatives. L’Amérique accueillait des représentants du FIS qui «oubliaient» de condamner l’attentat de l’aéroport. La France de Mitterrand était contre l’arrêt du processus électoral. Il a fallu attendre la mort de 3 000 Américains dans les attentats de Manhattan pour que le monde se réveille. Puis ce fut l’Irak, un pays totalement détruit par la Nouvelle Droite qui exécutait les plans concoctés par les cabinets noirs, conglomérats d’intégristes chrétiens et de sionistes notoires.
Dès l’arrivée des démocrates et le départ de Bush, la méthode d’intervention directe est abandonnée au profit d’un large plan de déstabilisation qui va mobiliser les milieux politiques, intellectuels et journalistiques, ainsi que les cinquièmes colonnes, formées par la CIA. Objectif : détruire toutes les républiques arabes, du Yémen à la Tunisie. Ce qui se passe aujourd’hui en Libye est l’aboutissement logique d’un vaste complot et, pour y échapper, il faut savoir naviguer dans les eaux troubles d’une époque pourrie qui s’ouvre sur un monde incertain, flou où tous les repères ont été effacés. Mais il ne faut pas perdre espoir : notre pays, qui a été le premier visé, a résisté grâce au sacrifice de ses enfants et à la mobilisation du peuple autour de ses forces vives. Malheureusement, cette victoire de la république n’a pas débouché sur la modernité et, partant, la véritable démocratie. Il nous faudra lutter encore, nous adapter aux nouvelles réalités, semer les graines de l’espoir chez nos jeunes et patienter.
Les forces démocratiques capables de renverser la vapeur sont trop peu nombreuses et divisées. Sur 5 millions d’Algérois, Barakat n’a pu rassembler que quelques dizaines de personnes qui tenaient à peine sur un bout de trottoir. Les gens qui les entouraient ne s’étaient même pas sentis concernés par le mouvement. C’est dire que la tâche risque d’être longue.
Une chose est sûre : les forces du mal n’auront pas toujours raison. Leur fameux printemps brinquebalant s’essouffle sur les monts verdoyants de la Syrie où une coalition infestée par les djihadistes a tenté de morceler le pays, appuyée financièrement et logistiquement par l’Arabie Saoudite et le Qatar. On sait maintenant que ce dernier roule pour Israël. De Russie, la voix de la raison par la force ou de la force par la raison est venue calmer les ardeurs d’un Occident qui rêve de conquérir de nouveaux espaces pour son enfant gâté : Israël. Le chemin de Damas ne sera pas celui de Téhéran : Dieu merci, il y a partout des patriotes. Bachar El Assad sera toujours un moindre mal face aux Talibans intolérants et sanguinaires.
En attendant, bien sûr, qu’une réelle perspective démocratique s’offre à la Syrie et à tous nos pays. Le moment n’est pas encore venu, me semble-t-il et je n’ai qu’à convoquer encore les événements libyens pour soutenir mes propos : c’est un militaire qui est peut-être en train de sauver le pays, en unifiant les forces armées contre les milices islamistes. Le nouveau conflit ouvert a un nom : «Bataille pour la dignité». Kadhafi était aussi un militaire et son entreprise s’appelait Révolution… pour la «dignité» du peuple libyen.
M. F.
http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2014/05/22/article.php?sid=163812&cid=8
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