L’implantation contestée de Total au Sahara Occidental

Bordé par le Maroc, l’Algérie et la Mauritanie, le Sahara occidental est une ancienne colonie espagnole. En 1975, ce territoire fait l’objet d’un conflit militaire entre le Maroc et le Front Polisario indépendantiste. Le Maroc en revendique la souveraineté tandis que le Front Polisario, soutenu par l’Algérie au nom des droits des peuples à l’autodétermination et l’inviolabilité des frontières coloniales, souhaite l’indépendance totale.
Les Nations Unies ont imposé un cessez-le-feu en 1991 et ont établi la Mission des Nations Unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental (MINURSO) afin de « surveiller le cessez-le-feu et d´organiser un référendum qui permettrait aux habitants du Sahara occidental, habilités à voter, de décider du statut futur de ce territoire ». Le peuple du Sahara occidental choisirait entre l’indépendance et l’intégration au Maroc. A ce jour le référendum n’a pas eu lieu.
Le Maroc contrôle et administre environ 80 % du territoire, tandis que la République Arabe Sahraouie Démocratique (RASD) proclamée par le Front Polisario en 1976 en contrôle 20 %.
Depuis 1963, l’ONU a classé le Sahara occidental comme territoire non-autonome. L’ONU ne reconnaît ni la RASD ni la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental.
Tous ces éléments laissent présager de nombreux conflits d’intérêts notamment d’ordre économiques.

Les ressources naturelles du Sahara occidental, objet de convoitises et de débats
En plus de ses ressources halieutiques, le Sahara occidental dispose d’un sous-sol riche en minerais, phosphates et hydrocarbures qui suscite l’intérêt des entreprises étrangères comme en témoigne le rapport annuel 2012 de l’ONHYM.
En 2001, le Maroc octroie aux sociétés Kerr McGee et Total des licences de prospection pétrolière au large des côtes du Sahara occidental. Se posent alors les questions de la légalité des décisions marocaines concernant ces contrats et des conditions contestables du point de vue de la consultation des populations locales. Les Nations Unies publient, en réponse, un avis qualifié d’ambigüe, dit « Opinion Corell ». Ce dernier reconnaît l’autorité administrative de fait du Maroc et conclut que les contrats ne sont pas illégaux mais que « si des activités de prospection et d’exploitation devaient être entreprises au mépris des intérêts et de la volonté du peuple du Sahara occidental, elles contreviendraient aux principes de droit international applicables aux activités touchant aux ressources minérales des territoires non autonomes. » Total met alors en avant les retombées économiques positives pour la population sahraouie.
Malgré les efforts de communication des compagnies pétrolières, les questions d’éthiques subsistent ce qui entraîne des conséquences économiques.
Ainsi, en 2005, le fonds souverain norvégien vend sa participation dans la compagnie pétrolière Kerr McGeeconsidérant que les travaux d’exploration offshore de cette dernière au Sahara occidental appuyaient les revendications marocaine sur la souveraineté du territoire. En 2011, toujours pour des questions d’éthiques, il cède ses parts dans Potash Corporation of Sasktchewan et dans FMC Corporation. Le fonds souverain norvégien est le quatrième actionnaire de Total…
La compagnie française a, à cette période, mis fin à ses activités de prospection au Sahara Occidental.

L’éthique de Total de plus en plus mise à mal
En 2011, l’ONHYM établit de nouveau blocs pétroliers au Sahara occidental. Total obtient une autorisation de reconnaissance au large des côtes sahraouies, sur le bloc Anzarane Offshore. La société française fait alors l’objet de différentes attaques. Le gouvernement sahraoui dénonce ses activités et lui demande d’obtenir l’approbation des sahraouis. En France, différentes associations soutenant le peuple sahraoui dénoncentl’implantation illégale de la compagnie. L’ONG Western Sahara Resource Watch (WSRW), proche du Polisario, lui demande de reconsidérer son contrat. En septembre 2013, l’ONG WSRW enfonce le clou en publiant un rapport extrêmement critique à l’encontre des activités de Total au Sahara occidental. En outre, en juin 2013, considérant que les activités de Total au Sahara Occidental sont contraires à l’éthique, le fond de pension norvégien KLP décide de supprimer le groupe pétrolier français de son portefeuille de placement.
En réponse à cela, lorsque son autorisation est prorogée en décembre 2013, Total signe avec l’ONHYM unedéclaration conjointe publique et un protocole d’accord sur sa responsabilité sociale d’entreprise. Total conforte ses actions en déclarant à Reuters « nos activités offshore au Sahara occidental, comme dans d’autres régions où nous opérons, sont en ligne avec le droit et les standards internationaux applicables figurant dans notre Code de conduite, en particulier ceux liés aux droits humains ». Malgré cela, le fonds souverain norvégien, qui a réaffirmé dans un rapport sa volonté de réaliser des investissements responsables, a quant à lui déclaré dernièrement qu’il allait se pencher sur les activités de Total au Sahara occidental afin de vérifier leur conformité avec son code éthique.
La société civile s’empare également du sujet. Des manifestations ont eu lieu en février dernier contre les plans pétroliers de Kosmos Energy au Sahara Occidental occupé.
Par ailleurs, dans un rapport datant du 10 avril 2014, le Secrétaire général des Nations unies indique « vu l’intérêt croissant qu’éveillent les ressources naturelles du Sahara occidental, il est opportun d’inviter tous les acteurs pertinents à reconnaître le principe de la primauté des intérêts des habitants de ces territoires ». A noter que le Conseil de sécurité de l’ONU doit examiner le 23 avril prochain la reconduction de la mission de maintien de la paix au Sahara (MINURSO).

Sources complémentaires :
http://ceriscope.sciences-po.fr/content/part3/frontieres-et-nationalisme-autour-du-sahara-occidental?page=show
http://www.medea.be/fr/pays/sahara-occidental/sahara-occidental/
http://www.arso.org/ressnat4.html
http://www.sahara-online.net/Default.aspx?tabid=118
http://www.agenceecofin.com/hydrocarbures/1706-11763-le-fonds-norvegien-klp-exclu-total-de-son-portefeuille-a-cause-de-son-activite-au-sahara-occidental
http://www.agenceecofin.com/investissement/0112-7845-maroc-total-aurait-negocie-un-immense-bloc-petrolier-au-sahara-occidental
http://www.wsrw.org/a111×2604
http://multinationales.org/Que-fait-Total-au-Sahara
http://newz.ma/article/1875/hydrocarbures___total_et_le_fonds_norvegien_en_desaccord
http://www.maghrebemergent.com/actualite/maghrebine/item/35661-le-fonds-souverain-norvegien-veut-s-assurer-du-caractere-ethique-des-activites-de-total-au-sahara-occidental.html
http://www.cese.ma/Documents/PDF/Web-Rapport-NMDPSR-FR.pdf
http://www.spsrasd.info/fr/content/hans-corell-pr%C3%A9occup%C3%A9-par-labus-de-lavis-juridique
http://www.amnesty.org/fr/for-media/press-releases/un-peacekeeping-force-western-sahara-must-monitor-human-rights-2014-04-11
http://www.dknews-dz.com/article/3204-negociations-pour-la-decolonisation-du-sahara-occidental-m-christopher-ross-attendu-dans-la-region-fin-fevrier.html

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