Jaafar, Sahraoui torturé de manière ignoble à El AAIUN dans la nuit du 9 au 10/4/2014

Ce genre d’épisodes se produit régulièrement au Sahara Occidental occupé.

À cinq jours du renouvellement du mandat de la MINURSO, le gouvernement marocain continue de torturer. Ils se savent à l’abri. Les Nations Unies renouvelleront une autre fois le mandat sans l’élargir à la surveillance des droits humains, avec un petit mot demandant au Maroc de mieux se tenir. On voit bien que le Maroc a tout ficelé et bien ficelé.

Tous les pays des Nations Unies savent ce qui se passe au Maroc où l’on torture les Sahraouis pour s’exprimer. Mais c’est honteux qu’un organisme supranational qui dit défendre les méthodes pacifiques appuie sans gêne un Maroc qui torture et qui occupe une nation, pour servir les intérêts économiques ou stratégiques de certains pays.


Par Claude Mangin, recueilli par Crisrina Martinez Benitez de Lugo 10/4/2014
Jaafar Carcoub Hmad, Sahraoui, a été arrêté à minuit dans la nuit du 9 au 10 avril 2014, quand il se promenait dans le port de El Aaiun, près d’un magasin de sardines.
Jaafar est neveu de l’activiste des droits de l’homme, Hmad Hammad, très connu. Hmad connaît bien les tortures marocaines et la persécution systématique. Encore aujourd’hui, il traîne les séquelles des tortures qu’on lui infligea. Il a été opéré des vertèbres, il a de terribles douleurs. Être neveu de Hmad n’est pas une bonne carte de visite.
Jaafar fut attrapé par cinq ou six gendarmes marocains. Ils disaient qu’il essayait de brûler les magasins. Ils sentirent ses mains et dirent qu’elles sentaient l’essence.
Ils l’emmenèrent au Commissariat de la plage. Tout de suite arrivés, ils l’assommèrent avec une brique sur la tête, et il perdit connaissance. Ensuite il l’enfermèrent dans des toilettes répugnantes. Là, il fut rossé de coups et de coups de pied. Ce fut un assaut organisé, collectif. On le battit sur le visage avec des tennis. On lui asséna des coups de pied sur la tête avec la pointe des bottes et on marcha sur sa tête. Ils le mirent par terre et ils sautaient sur son dos comme s’ils étaient sur un matelas. Ils se relayaient. Ensuite, quelqu’un donna l’ordre de le retourner, et ils continuèrent à sauter sur sa poitrine. Il avait des menottes aux mains et aux pieds. Il était couvert de sang. Il déféqua dans sa culotte. Ils n’accédèrent pas à le changer ni à lui donner de l’eau.
Il hurlait. “tu peux y aller, personne ne t’entend”. Une personne avec une moustache lui dit: “Sais-tu que de nombreuses personnes qui ont été ici, dans ce cachot, n’ont plus donné signe de vie? Certains ont réussi à sortir, mais, malheureusement, pas tous”.
Quand il fut arrêté, il y avait une personne avec lui qui put fuir et prévenir la famille. Sa tante se rendit au commissariat. Ils lui dirent que ce n’était rien, que c’était une bagarre. Sa tante savait très bien de quoi il en était. Quand elle partit, le gendarme de dire: “Ces natifs, ce sont des ignares. Ils croient tout”.
On le battit pendant toute la nuit. On le laissait un peu et ils recommençaient. Ils s’amusaient avec lui. À 5h. ils le laissèrent par terre et s’en furent prendre une collation.
Ils l’appelaient séparatiste, ils l’insultaient, ils lui crachaient dessus.
Jaafar saignait des yeux. Il ne pouvait se protéger la figure. On lui cassa le nez et un sourcil. Il a mal partout, les coudes, les genoux, la tête, le dos, surtout le dos. Il ne peut pas bouger.
Jaafar raconte ce qu’il éprouvait. Il fut surpris de l’énorme cruauté des gendarmes qui donnaient ces coups pleins de haine, de méchanceté. Ils n’ont pas peur. Ils savent qu’ils sont couverts.
On l’interrogeait. Mais avant qu’il ne pût répondre, on le battait de nouveau. Question – coup. On lui demandait à propos de personnes qu’il ne connaissait pas, ce qu’il faisait à El Aaiún (Jaafar y est depuis trois mois seulement), quelle était sa relation avec son oncle Hmad.
Jaafar leur dit: “attendez, il ne reste pas longtemps pour l’élargissement de la MINURSO”. “Tiens Minurso” et ils le battaient davantage.
Jaafar leur dit qu’il n’était pas séparatiste, que pour se séparer de quelque chose il faut avoir été uni auparavant. Et que le Sahara n’avait jamais appartenu au Maroc.
Ces réponses de Jaafar aux gendarmes peuvent surprendre dans une situation si dure, mais Jaafar me dit que c’était une injustice si absurde que tout lui était égal. Il voulait mourir. Il ne supportait plus la douleur dans la poitrine, l’estomac, le dos, la figure. Il voulait combattre la violence avec la vérité, avec la raison.
“Moi, je suis contre la spoliation”. Davantage de coups. Le mot spoliation -qui se dit “nahb” en arabe- est un mot tabou au Maroc. Il est défendu.
On lui fit signer des papiers dont il ne connaissait pas le contenu. On lui mit l’empreinte sur le papier. Lui essayait de tacher la déclaration, mais on le battait toujours.
On l’emmena à l’hôpital pour lui coudre les blessures de la tête. Et ils le retournèrent au cachot. Là ils demandèrent que la famille lui amène des vêtements pour qu’il se présente devant le juge dans un autre état.
Le rapport médical : dans une page d’un bloc, un gendarme note “un coup sur la tête, un coup sur le sourcil” et il le garde dans sa poche.
Le matin, le groupe fut relayé. Ces nouveaux gendarmes avait l’air sympathique et jovial.”Qui t’a fait ça?” “Vos camarades”. “Non, tu ne dois pas dire ça. Ça ne va servir à rien”. On lui disait : “Il faut abandonner la politique. La politique est menée par quelques uns et ensuite c’est les pauvres gens qui payez les pots cassés”.
On insista une et mille fois pour qu’il ne dise pas au juge ce qu’on lui avait fait ou il y trouverait son compte. Un policier avec beaucoup de galons lui dit :“Si tu te mets du côté des activistes, il y aura des conséquences. Ton oncle sait bien de quoi je parle”. Il le lui répéta en marquant bien ses mots, comme pour lui laisser réfléchir sur toutes les possibilités de représailles. “Je te l’ai dit trois fois et je ne le redirai pas”.
Devant le juge, Jaafar raconta tout. Le juge ne voulait pas l’écouter. “Je ne te crois pas, ça ne va pas figurer”. Jaafar, malgré son état, insistait devant le juge “on ne m’a pas informé de mes droits, et maintenant que je suis devant le juge, il ne veut pas m’écouter”.
Le juge fut net. “Si tu veux que tout se passe bien, ne dis pas que c’est la Gendarmerie qui t’a tabassé”. Il le menaça de la Prison Noire. Plus tard, il changea un peu et lui dit: “Écoute, tu vas être acquitté, mais tu ne dois pas dire qu’on t’a frappé au commissariat”.
On venait de lui faire cadeau d’un bon portable. À la gendarmerie on lui rendit ses deux portables cassés, écrasés avec des bottes. Il confisquèrent ses deux cartes mémoire. Quelques jours auparavant son e-mail avait été bloqué.
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Ce genre d’épisodes se produit régulièrement au Sahara Occidental occupé.
À cinq jours du renouvellement du mandat de la MINURSO, le gouvernement marocain continue de torturer. Ils se savent à l’abri. Les Nations Unies renouvelleront une autre fois le mandat sans l’élargir à la surveillance des droits humains, avec un petit mot demandant au Maroc de mieux se tenir. On voit bien que le Maroc a tout ficelé et bien ficelé.
Tous les pays des Nations Unies savent ce qui se passe au Maroc où l’on torture les Sahraouis pour s’exprimer. Mais c’est honteux qu’un organisme supranational qui dit défendre les méthodes pacifiques appuie sans gêne un Maroc qui torture et qui occupe une nation, pour servir les intérêts économiques ou stratégiques de certains pays.
Quelle honte.
recueilli par Crisrina Martinez Benitez de Lugo
Le 10 avril 2014.
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