Depuis 38 ans déjà et dans l’indifférence générale, la problématique du Sahara occidental n’est toujours pas réglée. En 1976, l’Espagne remettait ce territoire colonial au Maroc et à la Mauritanie. Depuis, et malgré de multiples résolutions onusiennes sur l’autodétermination de ses habitants, rien n’a bougé substantiellement. Fin avril, le Conseil de sécurité va discuter et voter pour la 38e fois le mandat de la Mission des Nations Unies pour le référendum au Sahara occidental (Minurso).
Le Sahara occidental, territoire historique du peuple sahraoui, est actuellement administré et de facto occupé par le Maroc depuis le départ des Espagnols. Le royaume chérifien, qui veut garder ce territoire, car il est très riche en phosphate et que ses eaux territoriales sont exceptionnellement poissonneuses, a une position assez intransigeante, tout comme l’Algérie qui, elle, défend le Polisario, le mouvement de défense du peuple sahraoui, tenant d’une indépendance totale de son territoire. Les représentants spéciaux du secrétaire général des Nations Unies ont tous tenté d’organiser un vote sur l’autodétermination. Aucun n’y a réussi. Il faut dire qu’il n’est guère aisé d’établir la liste de ceux qui auraient le droit de voter. Définir qui est sahraoui est difficile, car il s’agit d’un peuple nomade dont la culture est essentiellement orale. En outre, que faire des Marocains encouragés par Rabat à venir s’installer dans cette région? Il s’ensuit qu’à ce jour aucune liste n’a pu être établie qui aurait eu l’assentiment de toutes les parties. Un vote n’a donc jamais pu être organisé.
En 2003, James Baker, l’un des représentants spéciaux de l’ONU qui se sont succédé dans ce dossier, a préparé un plan de paix – accepté par le Conseil de sécurité – qui prévoyait une première phase transitoire de cinq ans durant laquelle le territoire jouirait d’une grande autonomie au sein du royaume marocain, après quoi un référendum serait organisé. Sur le terrain, aucune des parties n’accepta ce plan. En 2007, le Maroc proposa une solution qui garantissait une autonomie, mais au sein du royaume. Le Polisario l’a rejetée sans appel.
Les conséquences de cet immobilisme sont dramatiques pour la population sahraouie qui, en partie, se retrouve dans des camps de réfugiés au sud-ouest du territoire algérien, dans la région de Tindouf, avec des conditions de vie très difficiles. On estime qu’environ 200000 Sahraouis vivent dans les camps, tandis que 175000 sont dans les villes occupées aux côtés de 300000 Marocains. De plus, il y a des soldats marocains aux mains du Polisario, de même que des Sahraouis sont détenus par les Marocains. Dans une mission en 2013 à Alger, le président du CICR a en outre rappelé aux autorités algériennes et à celles du Polisario la nécessité de «clarifier le sort des personnes toujours portées disparues».
Etant donné les graves problèmes humanitaires dont souffrent les réfugiés, les prisonniers et les détenus, plusieurs Etats membres du Conseil de sécurité souhaitent compléter le mandat de la Minurso en y ajoutant une fonction de surveillance du respect des droits de l’homme. On ne sait si cet ajout va être accepté par le Conseil, mais surtout, après 38 ans, aucune solution politique quant au statut du Sahara occidental n’est en vue. Ce statu quo porte un grave préjudice au peuple sahraoui. La faute en est à l’indifférence internationale (par exemple, l’UE vient de signer avec le Maroc un accord de pêche portant sur les eaux territoriales du Sahara occidental), à la rivalité algéro-marocaine, à la priorité des intérêts économiques sur ceux des personnes et au manque d’unité des Sahraouis eux-mêmes. Comment ne pas s’indigner de cette inertie de bientôt quatre décennies? I
PAUL GROSSRIEDER, ancien directeur du CICR
http://www.laliberte.ch/forum/sahara-occidental-anomalie-internationale
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