Bryant Harris
WASHINGTON, 12 mars (IPS) – Même si les dirigeants américains et marocains se réunissent pour discuter du renforcement des relations dans le secteur privé entre les deux pays, des groupes de défense expriment des préoccupations au sujet des plans élaborés par une société américaine de l’énergie pour explorer le pétrole dans le territoire contesté appelé Sahara occidental.
Des responsables gouvernementaux et chefs d’entreprises venus des Etats-Unis et du Maroc se réunissent cette semaine à Rabat, la capitale du Maroc, pour la deuxième Conférence annuelle sur le développement des affaires entre les Etats-Unis et le Maroc. Le gouvernement marocain espère capitaliser sur son accord de libre-échange de 2006 avec les Etats-Unis et encourager les investissements américains dans le pays en le présentant comme une porte d’entrée pour les marchés européen, africain et du Moyen-Orient.
« Il y a beaucoup de choses qui se passent au Maroc, et la question est de savoir comment le pays peut tirer parti de ce qu’il a pour attirer les investissements américains au Maroc qui peuvent être ensuite orientés vers un marché européen ou vers les marchés africains », a déclaré à IPS, Jean AbiNader, le directeur exécutif du Centre maroco-américain pour le commerce et l’investissement, une organisation à un but non lucratif créée par le roi Mohammed VI du Maroc.
Le Maroc a mis un grand accent sur l’exploration de pétrole et de gaz dans sa politique énergétique. Lors de la conférence de cette semaine, des compagnies d’énergie participantes, telles que Dow Chemical, ont eu la possibilité d’assister aux séances sur le secteur énergétique du Maroc, soulignant le potentiel de l’investissement à la fois renouvelable et basé sur le carbone dans le royaume.
Bien que des investisseurs internationaux dans les énergies renouvelables aient longtemps favorisé le Maroc, permettant la construction de centrales solaires et éoliennes, des entreprises américaines et européennes se précipitent également pour profiter des concessions pour d’éventuels gisements de pétrole, dont certains sont potentiellement situés au Sahara occidental, que beaucoup de gens considèrent comme sous occupation marocaine.
L’une de ces entreprises est ‘Kosmos Energy’, basée au Texas, aux Etats-Unis, qui a déjà commencé l’exploration de l’hydrocarbure en mer dans trois blocs du bassin d’Agadir, au Maroc. Encore plus controversé, Kosmos a maintenant l’intention de commencer en octobre l’exploration pétrolière dans une zone au large des côtes du Sahara occidental, appelée Cap Boujdour.
Des groupes de défense comme ‘Western Sahara Resource Watch’ (WSRW) contestent la légalité des entreprises étrangères, comme Kosmos, à travailler avec le gouvernement marocain afin d’exploiter les ressources du Sahara occidental.
« Le Maroc n’est pas disposé à accorder à la population le droit à l’autodétermination aujourd’hui, et l’industrie pétrolière est en train de devenir un obstacle en termes de mettre la pression sur le Maroc à accepter ce droit », a indiqué à IPS, Erik Hagen, président de WSRW.
« Les Sahraouis [les gens indigènes du Sahara occidental] se tiennent debout à l’écart de ce projet, brandissant leurs armes et disant aux compagnies d’arrêter de faire cela au nom du gouvernement marocain. [Ces companies] travaillent avec un gouvernement d’occupation ».
L’Avis de Corell
Après avoir demandé l’indépendance du Sahara occidental à l’égard de l’Espagne, le Maroc a pris le contrôle du territoire, qu’il appelle les Provinces du sud, en 1976, après le retrait de l’Espagne. Après des années de conflit armé entre le Maroc et le Front Polisario soutenu par l’Algérie, la communauté internationale a créé la Mission des Nations Unies pour le référendum au Sahara occidental (MINURSO) en 1991.
La MINURSO voulait le référendum pour déterminer si le Sahara occidental deviendrait un Etat indépendant ou une partie du Maroc, mais le scrutin n’a jamais pu être organisé en raison de désaccords par rapport à qui était éligible à participer. Contrairement au Maroc, le Front Polisario ne voulait pas permettre aux colons marocains au Sahara occidental de participer au référendum.
A ce jour, aucun autre Etat ne reconnaît la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental, qui est sur la liste des territoires non autonomes des Nations Unies.
En 2002, le Maroc a accordé des contrats pour l’exploration pétrolière au Sahara occidental à la société américaine, ‘Kerr McGee’, et à la compagnie pétrolière française Total S.A. En réponse, les Nations Unies ont publié ce qu’on appelle l’Avis de Corell concernant la légalité de l’extraction des ressources au Sahara occidental.
Depuis ce temps, cependant, ces deux entreprises énergétiques multinationales et des groupes de défense du Sahara occidental ont interprété l’avis de l’ONU comme favorisant leurs positions respectives.
L’Avis de Corell reconnaît le Maroc comme la puissance administrative de facto du Sahara occidental. Mais il indique aussi que « bien que les contrats spécifiques … ne soient pas illégaux en soi, si d’autres activités d’exploration et d’exploitation devaient être entreprises au mépris des intérêts et des souhaits du peuple du Sahara occidental, elles seraient en violation des principes du droit international loi applicable aux activités des ressources minérales dans les territoires non autonomes ».
AbiNader, du Centre maroco-américain pour le commerce et l’investissement, croit que les activités d’extraction des ressources du Maroc créent des profits économiques nets pour la population sahraouie locale, tel que cela est stipulé dans l’Avis de Corell.
L’Office chérifien des phosphates (OCP), la société publique de phosphates du Maroc, « a fait un travail vraiment énorme », a-t-il affirmé. « Ils ont fait venir PricewaterhouseCoopers [un cabinet- conseil américain] et ont effectué une étude pendant deux ans sur qui amasse des profits à partir de la mine de Bou Craa, au Sahara occidental. Très clairement, cela ne contribue vraiment pas à leur résultat financier, mais il est en train de créer des emplois – il crée de la valeur ajoutée pour les gens de la communauté ». (FIN/2014)
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