La difficile question sahraouie au Sahara Occidental

Mauvaise semaine pour la diplomatie franco-marocaine. Rabat a suspendu les accords de coopération judiciaire conclus avec la France. En déposant une plainte pour actes de torture contreAbdellatif Hamouchi (patron du renseignement marocain), l’ACAT (Action des chrétiens pour l’abolition de la torture) a provoqué la colère du Maroc. Des policiers se sont présentés en effet devant les grilles devant l’ambassade du Maroc à Paris avec une convocation d’un juge d’instruction.

De surcroit, en parralèlle, Javier Bardem met, lui,  la diplomatie française dans l’embarras. Dans un film documentaire sur le Sahara Occidental qu’il a produit, l’acteur espagnol prête à Gérard Araud des propos métaphoriques sur les relations entre la France et le Maroc. « En amour, on ne cautionne pas toujours ce que fait l’autre mais on reste ensemble quand même.« 
Le Quai d’Orsay a vigoureusement démenti et promis que « la lumière serait faite »François Hollande a téléphoné au roi Mohamed VI pour adresser « un message de confiance et d’amitié ».
 Mais ces péripéties diplomatiques nous éloignent du sujet en toile de fond qui nous intéresse : la difficile question du Sahara OccidentalTerritoire non autonome selon les Nations Unies, cette ancienne colonie espagnole n’a toujours pas de statut juridique, 37 ans après le départ de l’Espagne.
 Bref rappel des faits :
Entre 1884 et 1975, c’est une colonie espagnole appellée Rio de Oro, l’ancienne caravane de la route de l’or traversait ses dunes.
Une colonisation contestée par les Marocains qui plaide la légitimité historique datant du XIème siècle, l’époque des Almoravides, fondateurs du premier empire marocain.
Quand les Espagnols se retirent en 1975, le Maroc annexe ce qu’il considère comme ses propres terres au nom du grand Maroc voulu par Hassan II. Cette idée de grand Maroc avait déjà débouché sur un conflit avec les Algériens en 1963. En jeu, les terres du  Sahara Algérien.

L’annexion se fait pacifiquement. Hassan II lance un appel à la mobilisation nationale, 300 000 marocains passent la frontière. Le succès de cette marche verte débouche sur les premières colonisations du Sahara Occidental.
La terre est aride, il y a du phosphate dans les sous sols et le Maroc en doublant ainsi son territoire devient alors le troisième producteur de phosphate au monde…

Sauf que les populations sarahouies n’ont pas été consultées pendant cette annexion. Les Espagnols se retirent et laissent la population locale entre les mains des Marocains.
Les mouvements nationalistes qui ont épousé partout en Afrique la période de décolonisation existaient aussi au Sahara Occidental. Le Front Polisario qui demandait l’indépendance aux Espagnols se lancent dans une guérilla contre les forces marocaines armées par l’Algérie.
Cette même Algérie accueille à Tindouf les Sahraouis qui fuient les violences. Ce sont les premiers camps de réfugiés.

Camp de réfugiés sahraouis © – 2014 / CTW
C’est ici à Tindouf en 1976 qu’est proclamé la République démocratique arabe et indépendante du Sahara Occidental. Reconnu par 73 Etats et les Nations Unies.
L’ONU va plus loin en 1978 :  l’Organisation reconnait  le principe d’autodétermination et condamne l’agression marocaine.
Les camps de réfugiés manquent de tout. Il faut l’aide des ONG pour apporter le minimum vital du quotidien.

Dans un camp de réfugiés sahraouis © – 2014 / Michele Beneceretti
Car dès 1976, une véritable guerre éclate entre le Front Polisario et l’armée marocaine.Comme toujours, la population civile est prise dans l’étau. D’un coté, les affrontements armés et sur la scène diplomatique, le jeu d’une géopolitique complexe. C’est la période de la guerre froide. Etats-Unis et Français derrière les Marocains. Algériens et Russes derrière le Polisario.

Carte du Sahara occidental © – 2014 / CTC
Le conflit s’enlise. Pour empêcher la progression du Polisario,  les Marocains érigent un mur de 2000 kilomètres entre 1980 et 1987. Il coupe le Sahara occidental du désert qui s’étend à l’Est et protège les colons marocains de plus en plus nombreux.
Même si les statistiques sont alléatoires, on estime à 175 000 les Sahraouis qui vivent dans les villes occupées aux cotés de 300 000 Marocains et 200 000 ceux qui sont installés dans les camps de réfugiés.
La carte souligne en pointillé la présence du mur qui sépare d’un coté (partie rayée) les territoires occupés, de l’autre le désert (partie gris clair) où se sont massées les populations sahraouies fuyant les violences. Tindouf se trouve sur le sol algérien.
Ci dessous deux vues aériennes et sattelitaires du mur

Le mur du Sahara Occidental © – 2014 / CTC
A la fin des années 80, l’ONU hausse le ton et exige un cessez le feu. La tension entre Américains et Soviétiques retombe. C’est la fin de la guerre froide. Hassan II pressé par Washington accepte le principe d’un réferendum. Les Saharaouis vont être consultés sur leur droit à l’autodétermination.

Les mines dans les sables du Sahara © – 2014 / CTC
Une mission de l’Onu est dépechée sur place..
La Minurso doit faire respecter le cessez-le-feu  entre l’armée marocaine et le front Polisario et tout mettre en oeuvre pour assurer un climat de sécurité inhérent à une consultation réferendaire. 
Les personnels des Nations Unies trouveront aux abords du mur, coté Sarahoui, des dizaines de milliers de mines enfouies sous les sables.
L’idée du référendum a vécu.
23 ans déjà et des échéances sans cesse reportées. Maroc et Polisario ne font rien pour que le dossier avance, les deux parties redoutant la sanction de l’urne.
Les organisations internationales des droits de l’Homme s’inquiètent de recrudescence de violence.Human Right Watch ne comprend pas la passivité de la communauté internationale au Sahara Occidental. Dans les territoires occupés, la police marocaine a sévèrement réprimé une manifestation des Saharouis qui réclamait leur droit à l’autodétermination. Les fonctionnaires de l’ONU sur place témoignent d’épisodes à répetitions où  les droits de l’homme sont sans cesse bafoués.  Mais comble du paradoxe, le mandat de la Minurso se limite au respect du cessez le feu. Les débordements de la police marocaine sur les civils ne les regardent en rien.

Aminatou Haidar © – 2014 / CTC
Cette femme surnommée la Ghandi des Sahraouies parcourt le monde pour sensibiliser l’opinion internationale à la question du Sahara Occidental.
Elle s’inquiète notamment d’une situation larvée qui pourrait entrainer les nouvelles générations qui ont grandi dans les camps de réfugiés à explorer les voies du terrorisme.
Son nom : Aminatou Haidar. Elle affirme avoir été incarcérée et torturée.
Elle est considérée par les Marocains comme une activiste propagandiste à la solde des séparatistes.
Mais sa peur du terrorisme, les autorités américaines la partagent avec elle. 
L’ambassadeur américain Christopher pour le Sahara occidental presse Mohamed VI de revenir aux résolutions de l’Onu.  Pour les États-Unis,  le Sahara occidental est une pièce du puzzle géostratégique du Sahel saharien, cette vaste contrée où les djihadistes sont implantés et qu’ils tentent de transformer en base avancée pour des conquêtes au Maghreb et dans l’Afrique noire. Et plus la situation sera larvée dans cette zone, plus les djihadistes parviendront à s’implanter dans les camps de réfugiés.
La France qui garde le silence sur la question sahraouie pour ne pas froisser son allié marocain se trouve pris un difficile numéro d’équilibriste. D’autant qu’elle place François Hollande face à une contradiction après les efforts déployés au Mali et en Centrafrique…

Kerry Kennedy © – 2014 / CTC
La France sollicitée par Mary Kerry Kennedy, une des filles de Robert, qui dirige le Centre Robert F Kennedy engagée dans la lutte en faveur des droits de l’Homme.
Ce centre et Human Right Watch demandent à la France de donner sa voix au Conseil de Sécurité des Nations Unies pour que la Minurso puisse intervenir sur les violences liées aux violations des droits de l’homme
Le documentaire « Enfants des nuages » produit par Javier Bardem et réalisé par Alvaro Longoriasortira sur les grands écrans français le 30 avril.
Il aura fallu deux ans pour que la production trouve un distributeur français acceptant de faire tourner le film. Sorti en 2012, il a  été sélectionné au Festival de Berlin et a reçu un accueil favorable dans les festivals internationaux.
Il est jugé honteux et partisan par le Maroc. 
Javier Bardem, interrogé ici par Eric Valmir estime que le documentaire n’a pas été aussi neutre qu’il l’aurait voulu car il manque la position marocaine. Aucun représentant du Maroc n’a souhaité s’exprimer dans ce film. Un silence parlant aux yeux de Javier Bardem.
L’acteur espagnol a été sensibilisé dès son plus jeune âge à la question sahraouie. Sa mère actrice s’était engagée dans les manifestations pour défendre la cause des populations civiles.

Javier Bardem © Radio France – 2014 / Eric Valmir
Populations civiles principales victimes d’un complexe et délicat dossier géopolitique aux ramifications diplomatiques sans cesse mouvantes. 
Javier Bardem dit ne vouloir se préoccuper que de cela.
Quitte à utiliser parfois la provocation pour susciter une réaction.
http://www.franceinter.fr/emission-partout-ailleurs-dans-le-desert-personne-ne-vous-entend




A cause du veto de la France au Conseil de Sécurité, la MINURSO (mission de l’ONU au Sahara Occidental) ne peut rapporter sur la situation des droits de l’homme dans cette dernière colonie africaine.
En vue de mettre fin à cette anomalie, nous vous prions de bien vouloir signer cette pétition adressée à Ban Ki-moon pour demander l’élargissement du mandat de la MINURSO pour la surveillance des droits de l’homme : 


https://secure.avaaz.org/fr/petition/Ban_Kimoon_Elargir_les_competences_de_la_MINURSO_pour_la_supervision_du_respect_des_dr/?copy

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