Sérieux coup de froid diplomatique entre la France et le Maroc. Après les plaintes contre le responsable du contre-espionnage marocain, les deux pays doivent « gérer » les dégâts collatéraux provoqués par les propos sur le Maroc qu’aurait tenus Delattre, l’ambassadeur de France aux Etats-Unis.
Rabat a protesté, dimanche dernier, contre des propos qu’aurait tenus en 2011, François Delattre, l’ambassadeur de France aux Etats-Unis, sur le Maroc. Selon ce dernier, rapporte Javier Bardem, l’auteur espagnol d’un documentaire sur le Sahara occidental, « le Maroc est dans une situation de constante violation des droits de l’Homme. Or, la France est un pays pionnier en matière de libertés. On est devant quelque chose qui est ni logique ni acceptable ».
Ce constat fait bien avant par toutes les ONG qui ont visité le Royaume et le Sahara occidental occupé a donné un coup de massue à la monarchie alaouite. D’autant qu’il a été prononcé par un officiel français du pays avocat du Maroc au Conseil de sécurité. Notamment pour les questions portant sur la dernière colonie en Afrique. Mustapha Khalfi, le ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement marocain, est monté au créneau pour dénoncer les « mots blessants » et les « expressions humiliantes ».
Ces propos sont d’autant plus « scandaleux et inadmissibles » que le Maroc « ne cesse d’œuvrer pour le renforcement des relations bilatérales », dit-il, cité par l’agence MAP. « Ces propos émanant soi-disant de l’ambassadeur de France à Washington ont suscité une réprobation totale à l’Elysée et au Quai d’Orsay », a déclaré Romain Nadal, le porte-parole du Quai d’Orsay. En vain. Rabat demande à Paris de « réparer le mal qui a été causé par les propos » de son diplomate. Qu’ils « aient été fallacieusement attribués » au diplomate « ou effectivement prononcés », souligne le responsable chérifien.
Curieusement, cette polémique intervient au moment où les deux pays connaissent une autre crise. Jeudi, l’Action des chrétiens pour l’abolition de la torture, une ONG française, a déposé une plainte à Paris contre Abdellatif Hammouchi, le patron du contre-espionnage marocain, pour « torture » au centre de détention de Temara, au Maroc. « Nous demandons aux autorités françaises de profiter de sa présence pour l’entendre dans le cadre des plaintes que nous avons déposées à Paris », a déclaré Hélène Legeay, responsable des programmes Maghreb-Moyen-Orient de l’ACAT-France.
Dans la foulée, et sans passer par les canaux diplomatiques, sept policiers français se sont rendus à la résidence de l’ambassadeur du Maroc à Paris pour notifier à M. Hammouchi une convocation émanant d’un juge d’instruction. Le Maroc rejette « catégoriquement » les accusations qu’elle qualifie de « sans fondement » et convoque Charles Fries, l’ambassadeur de France à Rabat, « pour lui signifier la protestation vigoureuse du royaume ». Paris, qui s’est abstenu de commenter ou de critiquer la décision judiciaire, promet de faire toute la lumière sur cet incident « dans l’esprit de l’amitié confiante qui lie la France et le Maroc », a indiqué Romain Nadal.
Parmi les victimes de M. Hammouchi, selon l’ONG française, Ennaâma Asfari, un militant sahraoui condamné à 30 ans de prison. La justice marocaine l’a impliqué dans les événements de Gdem Izik en novembre 2010.
Dimanche dernier, une nouvelle plainte a été déposée contre le patron du contre-espionnage marocain pour « torture ». Ces deux crises ne sont pas les premières. En effet, il y a eu au début des années quatre-vingt-dix, la publication en France de « Notre ami le roi », consacré au défunt Hassan II.
Entre les deux dates, il y a le cas du général Hosni Benslimane. Poursuivi dans le dossier de l’assassinat de Mehdi Ben Barka, en 1965 à Paris, il est dans le collimateur de la justice française qui a émis contre lui un mandat d’arrêt international.
Ici et là, on se demande si la France a décidé enfin de mettre fin à la complaisance de ses instances judiciaires à l’égard du Maroc ?
Djamel Boukrine
Horizons, 24/02/2014
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