La décision de la justice Française d´interroger le directeur de la DST du Maroc provoque une crise entre Paris et Rabat
Jeudi dernier, la police française a failli procéder à l’arrestation de Abdellatif Hammouchi, directeur des services de renseignements civils marocains (la DGST : direction générale de la surveillance du territoire) sur fond d’accusations de torture. L’État marocain a réagi vivement, à la fois en publiant un communiqué très ferme et aussi en convoquant l’ambassadeur français accrédité à Rabat. La diplomatie de Paris a considéré que l’incident est regrettable mais s’est abstenu de commenter la décision judiciaire.
Au cours des derniers jours, les avocats de certaines victimes présumées de torture au siège de la DGST à Témara ont porté plainte devant les juridictions françaises contre Hammouchi. Ils évoquent sa responsabilité en tant que directeur d’un organe qui aurait pratiqué la torture de citoyens français d’origine marocaine. Il d’agit de Adil Mtalsi, impliqué dans une affaire de stupéfiants et Niima Asfari, condamné à 30 ans de prison dans l’affaire des événements de Gdim Izik pendant lesquels onze éléments de la sécurité marocaine ont trouvé la mort en novembre 2010.
Les médias français affirment que sept policiers français ont frappé jeudi à la porte du domicile de l’ambassadeur marocain à Paris, Chakib Benmoussa, pour emmener Hammouchi devant le juge d’instruction pour interrogatoire, et ce à l’occasion de sa participation à une conférence internationale sur la sécurité, tenue à Paris. Habituellement, la justice envoie les convocations judiciaires par la poste ou par un huissier de justice, et fait appel à la police quand il s’agit d’une décision de conduire la personne par la force devant le juge d’instruction.
Il est fort probable que les services de renseignement français aient alerté Hammouchi afin qu’il quitte la France avant qu’un mandat d’arrêt soit émis, lui interdisant de quitter le territoire français. Son arrestation aurait créé une véritable crise entre les deux pays, d’autant plus que l’exécutif français ne peut rien face de l’appareil judiciaire.
Cette évolution a poussé l’Etat Marocain à adopter une forte réaction. La ministre déléguée aux Affaires étrangères a convoqué vendredi l’ambassadeur français à Rabat, Charles Fries, pour lui demander « avec insistance que des explications urgentes et précises soient données à cette démarche inadmissible et que les responsabilités soient identifiées ». Cette protestation est inhabituelle dans les relations franco – marocaines. En effet, la dernière période de tension entre les deux pays remonte au début des années quatre-vingt-dix du siècle dernier, suite à la publication en France du livre « Notre ami le roi », consacré au défunt roi Hassan II. À l’époque, Rabat avait demandé des éclaircissements à la diplomatie Française.
La réaction de la France n’a pas tardé. Le porte- parole du Quai d’Orsay, Romain Nadal, a consacré samedi à cet incident ce bref paragraphe : « En réponse à la demande des autorités marocaines, nous avons immédiatement demandé que toute la lumière soit faite, le plus rapidement possible, sur cet incident regrettable, dans l’esprit de l’amitié confiante qui lie la France et le Maroc ». Le ministère des affaires étrangères n’a pas critiqué ni condamné la décision de la justice, se limitant à qualifier l’incident de regrettable.
Il s’agit de la deuxième personnalité officielle du Maroc qui se trouve dans le collimateur de la justice française, après le général Hosni Benslimane, poursuivi dans le dossier de l’assassinat de Mehdi Ben Barka, en 1965 à Paris.
Dans le cas de la délivrance d’un mandat d’arrêt international contre Hammouchi , il lui sera difficile de quitter le Maroc, à l’instar du général Hosni Benslimane, qui a fait l’objet d’un mandat d’arrêt international.
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