Communiqué de presse du CABINET D’AVOCATS JUS COGENS : Me Dounia ALAMAT (GSM: 32.470.57.59.25 ; da@juscogens.be) – Me Nicolas COHEN (GSM : 32.470.02.65.41 ; nc@juscogens.be) – Me Christophe MARCHAND (GSM: 32.486.32.22.88 ; cm@juscogens.be)
6 février 2014
Affaire Ali AARRASS : Le Tribunal de première instance de Bruxelles enjoint au Ministre des Affaires Etrangères d’assurer la protection consulaire à son ressortissant, torturé et détenu au Maroc
Depuis son extradition illégale vers le Maroc[1], le 14 décembre 2010, Ali AARRASS, citoyen belge, clame qu’il a fait l’objet d’abominables tortures.
Ces actes barbares ont été confirmés dans un courrier de décembre 2012, adressé par le Rapporteur spécial des Nations-Unies contre la tortureau Ministre de la Justice marocain, et rendu public en mai 2013[2].
Tout récemment encore, le Groupe de travail sur la détention arbitraire des Nations Unies avait constaté que « c’est (…) sur la base d’aveux obtenus sous la torture que M. Ali Aarrass (…) a été condamné en novembre 2011 à 15 ans de prison ferme »[3].
Depuis son incarcération au Maroc, Ali AARRASS sollicite que la Belgique lui prête secours et assistance, au travers de l’aide consulaire.
Toutefois, le Ministre des Affaires Etrangères n’a jamais donné de suite favorable à sa demande. Ce 29 janvier 2014, interpellé par la Député Zoé GENOT, le Ministre des Affaires Etrangères a réaffirmé qu’il n’accorderait pas la protection consulaire à son ressortissant[4]. Concernant l’ « assistance humanitaire », il a expliqué qu’elle avait été exercée, sans expliquer les raisons pour lesquelles il estimait pouvoir clôturer son intervention vis-à-vis d’Ali AARRASS, toujours victime d’une peine et de traitements inhumains et dégradants.
Suite aux refus répétés et injustifiés de lui venir en aide, Ali AARRASS a cité le Ministre des Affaires Etrangères en justice afin de le contraindre à lui apporter l’assistance consulaire.
« La protection consulaire vise principalement à la protection des droits individuels à l’étranger. Elle doit être entendue comme un mécanisme visant à ce que les droits reconnus à un individu puissent être effectivement garantis (…)
La protection consulaire est donc de nature à contribuer au respect des droits fondamentaux, comme celui garanti à l’article 3 de la Convention européenne des Droits de l’homme (…)
Un agent consulaire a le droit de communiquer avec son ressortissant mais ce droit peut se transformer en obligation, en vertu de l’article 1er de la Convention européenne des Droits de l’homme, si une violation à ladite Convention est alléguée et portée à la connaissance de cet Etat (…)
Il n’est pas contestable que ces traitements [torture] ont des répercussions sur l’état de santé mental et physique de M. AARRASS qui nécessiterait un suivi médical, actuellement. Cette seule circonstance justifie l’intervention du tribunal des référés. L’urgence ne peut être déniée lorsqu’une situation, qui est le fait de la violation de règles fondamentales qui ont trait aux Droits de l’homme empire par l’effet du temps (…)
L’article 4 de la Convention de la Haye du 12 avril 1930 (..) ne règle pas les droits des parties au litige puisque le Maroc n’a pas ratifié ladite Convention (…)
Prima facie, il n’existe aucune règle de droit international qui contraint l’Etat belge à ne pas intervenir dans le cas d’un binational (…)
Il n’est pas contesté que l’Etat belge a apporté une intervention consulaire/humanitaire à l’égard de doubles ressortissants dans l’autre Etat de leur nationalité, même si les circonstances de l’intervention de l’Etat sont différentes d’une affaire à une autre (…)
PAR CES MOTIFS (…)
Enjoignons à l’Etat belge d’apporter sa protection consulaire à M. Ali AARRASS »
Le jugement de ce 3 février 2014 est exécutoire.
La famille, les proches et la défense d’Ali AARRASS espèrent dès lors qu’une visite du Consul belge au Maroc sera rapidement effectuée et que la Belgique prendra enfin ses responsabilités dans cette triste affaire.
[1] Extradition réalisée par l’Espagne en contrariété avec une injonction du Comité des droits de l’homme de l’ONU du 26 novembre 2010, compte tenu du risque de torture encouru.
[2] Voir pièce jointe
[3] « Déclaration lors de la conférence de presse du Groupe de travail sur la détention arbitraire à l’issue de sa visite au Maroc », 18 décembre 2013, http://www.ohchr.org/FR/NewsEvents/Pages/DisplayNews.aspx?NewsID=14121&LangID=F (en annexe)
[4] Chambre des représentants, Commission des Relations extérieures, Réunion du 29 janvier 2014, CRIV 53 – COM 0913
http://www.freeali.eu/?p=5146