Mali : Jeu à risques entre le Maroc et le MNLA

par Yanis Koceyla
Le Maroc sintéresse de très près au dossier malien, au moment où lAlgérie poursuit un travail de médiation destiné à soutenir Bamako dans la recherche dune normalisation au nord du pays, fief de la rébellion touarègue. 
Vendredi 31 janvier, le roi du Maroc, Mohammed VI, a, en effet, reçu une délégation du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA), mouvement rebelle du Nord-Mali. Au cours de cette entrevue, Mohammed VI a demandé à la délégation du MNLA de continuer « à rester ouvert au dialogue politique » dans le pays. 
De son côté, la délégation du MNLA a réaffirmé sa disponibilité et son attachement à une solution politique durable au conflit qui oppose l’Azawad au gouvernement du Mali, ajoute la même source. Le MNLA, affirme-t-il, dans un communiqué publié au lendemain de laudience qui lui a été accordée par le souverain marocain, est décidé à engager «une diplomatie active auprès de tous les Etats soucieux de la paix et de la stabilité» dans la région. 
Linitiative du Maroc de prendre attache avec les rebelles du MNLA est à sy méprendre une action diplomatique somme toute ordinaire de la part dun pays qui ne cache pas son ambition de contribuer au règlement de la crise dans le Nord-Mali. Il nen demeure pas moins quelle suscite des questions et des interrogations, au moins deux, sur le sens de cette initiative et de ce quelle pourrait avoir comme sens politique et diplomatique, au moment où les relations avec lAlgérie connaissent depuis plusieurs mois une crispation récurrente et dont lexpression nouvelle serait une concurrence de type géopolitique sur le redoutable et très sensible terrain sahélien. 
La première question est : pourquoi Rabat discute-t-il avec le MNLA, un groupe indépendantiste hostile à lEtat central malien, quil a accusé dans son communiqué dêtre une source de «blocages» et de «l’impasse» dans laquelle «il est en train de mettre dangereusement le processus politique en cours». Une déclaration contenue dans son communiqué et qui ne laisse pas transparaître une volonté dapaisement. 
La deuxième se rapporte au timing de laudience royale au groupe rebelle touarègue et au «pourquoi maintenant», alors que lAlgérie, soutenue officiellement par le président malien Ibrahim Boubacar Keita depuis sa visite à Alger le 18 janvier dernier, mène une médiation pour trouver un terrain de convergence entre Bamako et les groupes rebelles du Nord. Cette question se pose dautant plus que le MNLA, qui na pas fait le déplacement effectué récemment à Alger par les autres groupes rebelles, demeure jusquà preuve du contraire sur une position de distance vis-à-vis des efforts algériens de médiation. 
Des observateurs voient dans les déclarations et réactions de ce groupe lexpression dune attitude tiède, voire inamicale à légard de lAlgérie, sans doute nourrie par le fait quAlger, depuis quil intervient dans les efforts de rapprochement entre les groupes touaregs du Nord-Mali et Bamako, na jamais admis ni voulu entendre parler de ses thèses ouvertement indépendantistes et menaçant lintangibilité du territoire malien et de ses frontières depuis son indépendance de la tutelle coloniale française en 1960. Va-t-on alors vers une convergence stratégique entre Rabat et le MNLA pour saper les efforts diplomatiques algériens, sinon leur trouver une alternative ? La réponse nest pas aisée, dans la mesure où le Maroc ne peut pas se permettre de donner de la visibilité à un groupe en perte de vitesse au Nord-Mali, indépendantiste qui plus est, sans risque de se faire rappeler quil rejette tout dialogue avec le Polisario, qui milite pour la souveraineté du Sahara occidental. 
Lhypothèse la moins risquée dans ce cas est davancer lidée que le Maroc, sans doute avec lassentiment de la France, dont les relations avec le MNLA se sont dégradées, selon certains observateurs maliens, entend faire de ce groupe rebelle une carte pour se placer dans un jeu dans lequel lAlgérie revient en force. La supposition vaut aussi pour le MNLA qui, visiblement isolé, cherche un soutien auprès du Maroc et dacteurs diplomatiques régionaux ou internationaux susceptibles de laider à rebondir dans un contexte où il affiche une hostilité à légard de lAlgérie, qui semble avoir bien des atouts en main, dont celui du soutien du chef de lEtat malien élu et de son gouvernement.
Reporters.dz, 03/02/2014

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