Le cinéaste marocain Nadir Bouhmouch : «Pourquoi je soutiens le peuple sahraoui» (I)

Nadir Bouhmouch, un jeune cinéaste et militant des droits de l’Homme marocain exorcise la peur suscitée par le Makhzen et apporte son soutien aux droits du peuple sahraoui sur ses terres. La reconnaissance du Sahara Occidental en tant que territoire occupé par le Maroc est assumée avec courage par le cinéaste, qui malgré des années d’endoctrinement découvre les mensonges distillés par l’école et les médias, et rejette avec force et sérénité l’idée de la marocanité du Sahara. 
Dans un article publié récemment sur le site panafricain «Pambazuka News» intitulé «Pourquoi je suis un Marocain qui soutient le peuple sahraoui», le cinéaste explique le long cheminement qui le conduit, aujourd’hui, à prendre position pour le peuple sahraoui opprimé. «J’ai commencé à étudier la question et j’ai réalisé petit à petit que je me suis trompé toute ma vie, que j’étais du mauvais côté de l’Histoire. J’ai réalisé que les Sahraouis étaient un peuple réprimé et occupé, presque comme les Palestiniens. Que l’armée marocaine est la Force de défense israélienne du Sahara Occidental, et que la Marche verte est l’aliyah des Marocains. Le drapeau palestinien estampillé avec l’étoile et le croissant sahraouis est devenu un autre drapeau de la résistance dans mon esprit. Sahraouis, Tibétains et Palestiniens sont devenus des cas similaires», écrit Nadir Bouhmouch. 
Le cinéaste reste lucide sur la difficile position qu’est la sienne par rapport à l’hostilité des Marocains endoctrinés qui refusent toute remise en question de la prétendue souveraineté du Maroc sur le Sahara Occidental. Le jeune Marocain refuse malgré tout de se laisser intimider ou de trahir des convictions qu’il a mis du temps à bâtir grâce à une longue quête de la vérité. «Etre debout du bon côté de l’histoire est toujours douloureux pour ceux qui sont les premiers à le faire, mais finalement les idées justes se répandent, et la raison et l’empathie finissent par prendre le dessus.» 
Bouhmouch passe en revue les événements qui ont conduit à l’occupation du Sahara Occidental dans les années soixante-dix et en déduit que «le roi Hassan II confronté à une énorme résistance politique de la gauche a lancé la fameuse Marche verte pour regagner la confiance et le soutien de la population marocaine». Le cinéaste relève que les Marocains ont davantage souffert de cette occupation que ce qu’ils en ont gagné, car les problèmes économiques se sont aggravés du fait de la guerre avec le Polisario et les dépenses militaires nécessaires pour maintenir cette occupation illégale. «J’ai toujours aimé mon pays, mais c’est la qualité ou la nature de mon amour qui a été transformée : j’ai cessé d’aimer l’idée du Maroc qui m’a été donnée par l’Etat. Cette idée, créée par le Makhzen dans le but de maintenir un Etat-nation postcolonial composé d’un « paquet de marocanité ». Si vous refusez une chose dans ce package, vous êtes immédiatement ostracisé, qualifié de traître et d’anti- marocain. Les éléments les plus fondamentaux du paquet sont la croyance en la monarchie, la foi en Dieu, la foi dans le patrimoine arabe comme le plus prédominant et supérieur, et enfin la foi en un Sahara marocain. Je rejette chacun de ces éléments. Je peux être marocain tout en rejetant la monarchie, je peux être marocain tout en rejetant l’héritage arabe et embrassant mon patrimoine amazigh, et je peux être marocain tout en rejetant que le Sahara Occidental appartienne Maroc.» 
Dans un autre article publié par un journal espagnol El DIario, le jeune cinéaste écrit : «Pendant des années, j’ai subi un lavage de cerveau. On voulait me faire croire que le Sahara Occidental était une terre marocaine ; mais qui détermine la marocanité du Sahara ? Le roi Hassan II ! Nos chaînes de télévision appartenant à l’État ! Nos livres et manuels contrôlés par le gouvernement ! Je ne serai plus jamais complice, par mon silence, du régime d’occupation marocaine au Sahara Occidental. A partir d’aujourd’hui, je serai fidèle et conséquent dans mon soutien à la démocratie et les droits de l’Homme et à l’égalité entre les hommes. Je condamnerai l’occupation et serai une voix à l’intérieur de la société marocaine pour dire non au silence et non à la peur. Liberté pour le Sahara occidental.» 
Nadir Bouhmouch est allé plus loin dans sa quête de la vérité en participant avec son film Mye Makhzen & Me à la 10e édition du festival international du film «Fi Sahara» organisé dans les camps de réfugiés sahraouis. Il écrit à ce propos : «Je me suis senti en sécurité pour exprimer mon opinion publiquement. Participer à ce festival représente beaucoup pour moi. J’ai assez souffert de l’autocensure dans l’affaire du Sahara Occidental. Les Sahraouis avec qui j’ai travaillé sont des réfugiés parce que mon pays, le Maroc, occupe leur terre.»
Meriem Sassi
Demain : Ces millions de Marocains qui vivent sous le seuil de pauvreté et frôlent la famine
Algérie Patriotique, 03/02/2014

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