Moulay Hicham : « Journal d’un prince banni » Un livre-témoignage inédit qui ne passera pas inaperçu

La maison d’édition française Grasset va publier un livre autobiographique du prince Hicham intitulé « Journal d’un prince banni ». L’auteur y raconte ses mémoires depuis son enfance jusqu’à l’heure actuelle, couvrant trois périodes principales : son vécu avec son père le prince Moulay Abdellah jusqu’au décès de ce dernier en 1983, puis avec son oncle le défunt roi Hassan II, et enfin celle qui commence en 1999 avec le règne actuel de son cousin le roi Mohammed V.
L’ouvrage, qui s’étale sur 380 pages, et qui sera publié à la fin du mois de Mars 2014 peut être qualifié d’inédit et audacieux, pour diverses raisons, dont en particulier la qualité de l’auteur et la spécificité politique du contenu.
Concernant la première raison, il n’est pas habituel qu’un membre de la famille royale, qui règne au Maroc depuis des siècles, consigne par écrit ses mémoires ou expose ses opinions politiques en les publiant sous forme d’articles, et encore moins de livre, à travers lequel il s’adresse à l’opinion publique. Les monarques et les princes se sont toujours conformés à un prétendu et vague devoir de réserve. Malgré sa grande culture et son habileté politique, le roi Hassan II n’a pas légué un grand patrimoine politique écrit, hormis le livre « Le Défi » consacré principalement aux circonstances de la marche verte de 1975 et ses entretiens et discours politiques. C’est ainsi que cette initiative du prince Hicham, qui ne manquera pas de susciter beaucoup d’intérêt, constituera un jalon dans son parcours intellectuel, et s’ajoutera à ses autres contributions, à savoir les tribunes qu’il publie depuis 1995 dans la presse marocaine et internationale.
La deuxième raison est le contenu de l’ouvrage qui peut être vu et analysé à partir de deux axes principaux.
Le premier axe concerne les clarifications que le prince va fournir à propos de beaucoup d’évènements survenus depuis l’année 1999 à nos jours, dont les violentes campagnes de dénigrement médiatique et les complots politiques dont il a fait l’objet de la part d’individus influents au sein du Palais royal et les organes qui leurs sont rattachés dans le champ des médias. Ces campagnes ont toujours visé à salir sa réputation et le rabaisser aux yeux de l’opinion publique. Il est difficile de concevoir que ces attaques, dont des accusations graves, n’aient pas reçu un feu vert d’en haut ou d´un Big Brother. Parce qu’en haut, on est dans l’incapacité de répliquer aux idées défendues par le prince, argument contre argument.
Est-il innocent qu’un journaliste qui a poussé le bouchon jusqu’à accuser le prince de mafia politique, suite à une de ses déclarations relatives au printemps arabe, se retrouve par la suite nommé à la tête d’une grand institution médiatique nationale ? Il est probable que le témoignage du prince montre à quel point le régime n’hésite pas à user des moyens les moins éthiques pour s’acharner sur un adversaire politique qui ose lui apporter un peu de contradiction ou le mettre devant ses responsabilités.
Le deuxième axe concerne sa lecture et sa vision politique des évènements majeurs que le Maroc a connus au cours des trois dernières décennies, d’autant plus qu’il en a été témoin, de par sa position au sein du centre du Pouvoir, à savoir le Palais royal. Cette vision va intéresser les chercheurs et les historiens, en particulier en l’absence d’archives disponibles et vue la rareté de notes, correspondances ou livres signés par les acteurs politiques ayant vécu et façonné l’évolution du Maroc, avec ses succès et ses échecs.
D’une part, cette vision est de nature à fournir une grille de lecture politique originale qui jettera un peu de lumière sur des événements importants de l’histoire contemporaine du Maroc, dont les enjeux et la portée demeurent à ce jour ambiguës. D’autre part, la même vision permettra de mieux cerner la nature intrinsèque de la monarchie marocaine, sa conception de son rôle, de ses pouvoirs et ses privilèges, et la panoplie d’instruments qu’elle manipule pour les conserver.
Il est évident que cette compréhension est indispensable pour tout effort de réflexion à propos de l’avenir du Maroc.
AlifPost, 15/01/2014 
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