En l’absence d’un juste dénouement du Sahara occidental, le conflit entre le Maroc et le Front Polisario s’oriente de plus en plus vers des richesses naturelles des territoires occupés. Un nouveau défi pour les acteurs régionaux et la communauté internationale, mais aussi une diversion qui cherche à éloigner les débats du fond du problème.
Par Nabil Benali
Le représentant du Front Polisario à Washington, Mohamed Yeslem Beissat a affirmé, ce lundi, que l’an 2013 a constitué un combat acharné entre le Front Polisario et le Maroc au niveau des institutions européennes concernant la pêche et les graves violations des droits de l’homme commises par le Maroc. Le diplomate sahraoui qui s’exprimait en marge de la conférence annuelle du ministère des Affaires étrangères, a souligné que « l’année dernière a connu une grande présence de la cause sahraouie sur la scène internationale », rappelant « les positions de soutien de certains pays dont les États-Unis d’Amérique, le Japon, l’union européenne, le monde arabe et en Afrique ». Le dossier le plus en vue au plan de l’exploitation par Rabat des ressources naturelles du Sahara occidental concerne l’accord de pêche conclu récemment par l’Union européenne (UE) et le Maroc pour l’exploitation illégale des richesses halieutiques. Cet accord a été jugé « scandaleux et honteux », lundi à Aousserd (camps des réfugiés sahraouis) par des représentants d’organisations de la jeunesse européenne.
Pour le président du Conseil de la jeunesse espagnole, Ricardo Ibarra, l’accord de pêche conclu début décembre entre l’UE et le Maroc est « empreint d’illégalité », car il « viole” les textes du droit international. Pour lui, le Maroc « s’est érigé en indu-occupant et en indu-gestionnaire des territoires du Sahara occidental en concluant un accord avec l’appui de certains pays de l’UE, notamment l’Espagne et la France, privant ainsi le peuple sahraoui du droit de jouir et de disposer de ses richesses ». Il a aussi condamné « toutes les exactions et les violations commises par les forces marocaines d’occupation, au nez et à la barbe de la communauté internationale qui ne bouge pas le petit doigt pour mettre fin à une situation éculée et anachronique du 21e siècle ».
« Il est anormal et inadmissible que des jeunes Sahraouis croupissent encore dans des prisons marocaines, au seul motif qu’ils revendiquent leur droit à la liberté et réclament le recouvrement de leur indépendance », a-t-il souligné.
Ibarra a, par ailleurs, relevé que son Organisation « apporte son soutien au combat du peuple sahraoui qui lutte, avec courage et dignité, pour son indépendance », appelant la communauté internationale et l’ONU à prendre leur responsabilité pour « permettre l’autodétermination du peuple sahraoui ». Pour sa part, Evin Incir, responsable des affaires étrangères du parti de la jeunesse sociale-démocrate suédois, l’accord de pêche entre l’UE et le Maroc est un « scandale », appelant à une « mobilisation accrue » de la communauté internationale pour « restituer au peuple sahraoui ses richesses spoliées par le Maroc ».
Il s’agit, en fait, de la reconduction du partenariat dans le secteur de la pêche conclu entre l’Union européenne et le Maroc conclu en février 2007 pour une période de quatre ans. Il a été tacitement reconduit en février 2011 et s’étale désormais jusqu’à 2015. L’UE a apporté une contribution financière de 36,1 millions d’euros, dont 13,5 millions destinés à soutenir la politique de la pêche du Maroc qui s’étend aux eaux territoriales du Sahara occidental.
En contrepartie de cet accord, le Maroc continue de délivrer des autorisations de pêche à des navires provenant de onze États de l’UE. C’est ce qu’on appelle la politique du fait accompli, visant à impliquer les Européens dans le projet marocain de spoliation des terres et des richesses sahraouies. La question ne devrait pas être absente de la tournée annoncée du diplomate américain Christopher Ross qui rencontrera les parties sahraouie et marocaine en janvier 2014. L’envoyé spécial du secrétaire général de l’ONU pour le Sahara occidental, Christopher Ross, effectuera en janvier une tournée dans la région « comme prévu » pour rencontrer notamment les parties sahraouie et marocaine, a affirmé mardi le président du Parlement sahraoui et chef de la délégation aux négociations, Khatri Eddouh. Ross nous a informés qu’il organisera durant le mois de janvier une tournée dans les pays de la région pour relancer les négociations entre les Sahraouis et les Marocains. Il aura à rencontrer également les pays observateurs, à savoir l’Algérie et la Mauritanie », a déclaré Eddouh. Le président du Parlement sahraoui a précisé que la visite de Ross s’inscrivait dans le cadre de la relance des négociations « bloquées » entre les deux parties en conflit pour permettre l’indépendance du Sahara occidental. Il a espéré que « la visite de Ross dans la région permettra d’intensifier les efforts pour provoquer une prise de conscience auprès du Conseil de sécurité de l’ONU et de la communauté internationale sur cette question afin de mettre fin aux souffrances et au calvaire du peuple sahraoui, broyé par l’armée d’occupation marocaine ».
Pour sa part, le chef de la diplomatie algérienne, Ramtane Lamamra, a affirmé le soutien de l’Algérie à Christopher Ross et a appelé à l’intensification de ses efforts. « Nous soutenons Christopher Ross qui a besoin d’imagination et de créativité dans la manière de conduire ses efforts. Le plus important c’est que ses efforts et ceux du secrétaire général de l’ONU, s’intensifient et que le dossier du Sahara Occidental ne doit pas représenter une activité saisonnière », a déclaré Lamamra lors de son passage à l’émission « Sur le fil » de Canal Algérie. Il a appelé, dans le même contexte, à ce que le dossier sahraoui « soit pris à bras le corps avec un agenda de visites sur le terrain et de rencontres plus ambitieux et une combinaison de méthodes de travail ». En réponse à une question sur les prochains pourparlers indirects entre le Maroc et le Front Polisario qui, selon des médias, seraient prévus en Suède à huis clos sans la participation de l’Algérie et la Mauritanie, en tant qu’observateurs, Lamamra, a indiqué que « si Ross estime que les deux pays ne devraient pas être présents dans telle ou telle phase de négociations, nous n’avons absolument aucune difficulté à ce qu’il en soit ainsi ».
Les Débats, 09/01/2014