Ramtane Lamamra s’est exprimé mercredi dernier, dans le cadre d’une interview accordée à Canal Algérie, pour faire le point sur plusieurs dossiers, dont ceux que la diplomatie algérienne considère comme prioritaires pour son action en 2014. Le plus important à retenir de ses déclarations concerne les questions présentant des difficultés d’approche avec d’autres pays ou groupes transnationaux.
Avec le Maroc, par exemple, le chef de la diplomatie confirme la tension qui existe avec ce pays, alors que l’ensemble des pays de l’UMA fêteront en février prochain le 25e anniversaire de la création de l’Union. Avec des bougies bien peu étincelantes. Après avoir déclaré il y a quelques jours qu’il ne répondrait à aucune question concernant les relations avec Rabat, réaction expliquée par l’intéressé comme étant normale en attendant le jugement de l’affaire du drapeau algérien arraché du toit de notre consulat à Casablanca, le 1er novembre, il a indiqué cette fois-ci qu’il « déplorait » l’absence d’excuses officielles du gouvernement marocain sachant que le profanateur a été condamné à une amende s’élevant à la modique somme équivalant à 22 euros. Une déclaration qui indique, donc, que la relation avec le Maroc n’est pas près de s’améliorer. De plus, l’Algérie et le Maroc siègent au Conseil des droits de l’Homme de l’ONU depuis le 1er janvier, ce qui pourrait amener son lot de tension au sein de l’organe onusien, notamment en ce qui concerne le Sahara occidental. De quoi ajouter du plomb dans l’aile de l’Union du Maghreb arabe (UMA), dont on fêtera le 25e anniversaire en février prochain.
Pour autant, l’Algérie s’implique dans la situation difficile que vivent ses voisins du Maghreb que sont la Tunisie et la Libye. Ramtane Lamamra ne parle pas de médiation, mais de «sollicitude fraternelle» poussant Alger à venir en aide à Tunis et à Tripoli dans les difficultés politiques que les deux Etats rencontrent après leur changement de régime. Le ministre des Affaires étrangères explique ainsi que les récentes visites de Rached Ghannouchi et Béji Caïd Essebsi à Alger ne sont que la preuve de cette sollicitude plutôt qu’une tentative quelconque de médiation. En effet, «la Tunisie était le seul pays à accepter les Algériens sans visa pendant les années 1990», affirme le ministre algérien des Affaires étrangères.
En ce qui concerne la Libye, M. Lamamra rappelle que «les transitions ne sont jamais faciles, a fortiori quand il s’agit de périodes post-combats fratricides. L’Algérie travaille avec les autorités libyennes pour contribuer à la reconstruction de certaines composantes de l’État, forces armées et police, ou dans le segment économique à travers le secteur des hydrocarbures. Nous ne ménageons aucun effort pour apporter notre soutien face aux défis les plus urgents.» L’Algérie, a-t-il dit, maintient donc sa volonté d’assurer la stabilité dans la région, et ce, dans le but d’assurer sa propre sécurité, récemment menacée par des groupes djihadistes qui ont massivement investi le Sahara et le Sahel.
Sécurité et CPI
Le diplomate algérien a ainsi concédé que l’attaque de Tinguentourine de janvier dernier était l’œuvre de groupes terroristes venus de Libye et que l’Etat libyen n’était pas en mesure de contrôler les milices sur son territoire. «Nul ne peut jeter la pierre à un gouvernement qui, de bonne foi, ne serait pas en mesure de contrôler la totalité de ses frontières terrestres. Surtout dans le contexte sahélo-saharien. La phase de reconstruction de l’État que traverse la Libye explique les défaillances ou les faiblesses», a ainsi déclaré Lamamra.
L’autre question épineuse pour la sécurité du pays est celle du Mali, qui n’arrive pas à se sortir d’une crise politique depuis plus de trois ans. L’Algérie se dit attachée à «une solution politique basée sur les valeurs républicaines et le dialogue», tout en assurant que «l’intégrité du territoire et de la nation» ne devrait pas être menacée. C’est aussi le dialogue que prône l’Algérie dans le dossier du conflit syrien et l’ensemble du monde arabe où le ministre estime que «de nombreuses sociétés arabes veulent le changement. Dans le cas de l’Algérie, le message a été bien reçu après les événements d’octobre 1988, et un processus de réformes a été engagé. Hélas, ailleurs, les régimes en place ont ignoré cette exigence de changement. Nous avons la conviction que la réponse à cette exigence ne saurait être militaire.» Il a fini par se dire «convaincu que l’Histoire donnera raison à l’Algérie.»
Autre point important abordé par le chef de la diplomatie, la Cour pénale internationale. Pour M. Lamamra, «la CPI est devenue un instrument politique où on poursuit plus pour des a priori politiques. On ne poursuit pas Sharon pour ne pas citer Netanyahu, mais on poursuit le président soudanais », a-t-il dit, expliquant que cet organe est devenu « sélectif » et que « la sélectivité par définition est périlleuse pour la justice ».
Concernant l’éventuelle position à prendre par les pays africains vis-à-vis des décisions de cette Cour, le chef de la diplomatie a expliqué qu’«il existe une solidarité par rapport à des cas spécifiques comme le Soudan et le Kenya». «Les pays africains refusent de mettre en œuvre des mandats d’arrêt lorsqu’ils sont émis par les autorités de la CPI», a-t-il ajouté en précisant que, «pour l’instant, les pays africains procèdent au cas par cas».
Ainsi, donc, l’Algérie reste constante dans sa diplomatie, mais Ramtane Lamamra donne plus de dynamisme aux principes défendus par la diplomatie nationale.
Halim Midouni et A. M. M.
Reporters, 04 Janvier 2014
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