Par Ammar KHELIFA
Une tentative de diversion qui ne trompe personne, car la position de l’Algérie à l’endroit de la question sahraouie est mondialement connue depuis le retrait de l’Espagne et le partage de ce territoire non autonome, selon le classement de l’ONU, entre le Maroc et la Mauritanie en novembre 1975. Le jeune Marocain qui a arraché le drapeau du consulat algérien à Casablanca a été arrêté. Tout juste après, le ministre marocain des Affaires étrangères s’est empressé de présenter ses excuses officielles. Selon la machine propagandiste du Makhzen, il s’agit d’un acte isolé et dont la coïncidence avec la célébration du 59e anniversaire du déclenchement de la lutte de libération nationale algérienne serait fortuite et hasardeuse. Les Algériens sont donc invités à considérer l’incident clos ; et au cas où certains d’entre eux insisteraient à connaître les dessous de cette provocation haineuse, on leur démontrera, preuves scientifiques à l’appui, les effets indésirables du cannabis marocain et son impact sur les capacités visuelles, surtout lorsqu’il est consommé sans modération. En conséquence, les Algériens sont tenus de faire preuve de compréhension vis-à-vis d’un égaré qui ne savait pas ce qu’il faisait ! Au-delà de l’indignation légitime que ce geste imbécile soulève, les Algériens sauront démontrer leur force de caractère, en considérant que l’arrachage de l’emblème national du toit d’un de ses consulats constitue un acte individuel commis par un pauvre type excité qui n’a rien à voir avec un symptôme d’une grave pathologie affectant le sérail marocain et ses courtisans.
Ils feront l’économie d’une réaction à chaud devant ce comportement hystérique traduisant le grand désarroi d’une partie de la classe politique marocaine qui ne sait plus à quel saint se vouer. Qu’il ait été planifié par des sbires du roi ou commandité par des flagorneurs appointés par le Makhzen, ils ont décidé de ne pas commenter cet acte ignoble, ni à lui réserver un prolongement médiatique qu’il ne mérite pas.
La seule réponse appropriée à ce genre de conduite de désaxé est le mépris absolu. N’en déplaise aux sectes maraboutiques et aux « sorciers » attitrés du monarque, les Algériens vont, une fois encore, faire preuve de retenue, en adoptant une attitude responsable qui cadre mieux avec leur degré élevé de maturité politique et leur conception avancée du bon voisinage.
Ils ne vont pas se fatiguer à chercher pourquoi un groupe d’énergumènes s’en est pris à leur consulat, ni à s’interroger sur l’étonnante passivité des policiers marocains censés protéger le bâtiment et ses occupants. Dans la vie, chacun réagit selon ses propres repères culturels et spirituels ; et les Algériens sont suffisamment imprégnés de valeurs morales pour ne pas tomber dans une aussi abjecte machination fomentée par des esprits dégradés.
Dans ce cas précis, ils se font un honneur de démontrer aux instigateurs de ce «coup» misérable leur profond attachement aux principes supérieurs qui les ont toujours distingués, en s’inspirant du prophète Mohamed (que le salut de Dieu soit sur lui) et du cheikh Abdelhamid Ibn Badis dont l’humanisme et le savoir avaient illuminé son époque, malgré la répression féroce menée par une administration coloniale s’acharnant à maintenir tout un peuple dans les ténèbres de l’asservissement.
Le premier s’était interposé entre un nomade qui a uriné à l’intérieur de la mosquée et certains de ses compagnons décidés à «corriger» le malheureux ignorant, en prodiguant à ce dernier une leçon mémorable de tolérance ; quant au second, l’Histoire nous rappelle combien il a été sage et clairvoyant en appelant au calme et à la retenue une population Constantinoise outrée par le comportement obscène d’un individu de confession juive qui avait uriné sur le mur de la mosquée Sidi Lakhdar, et en mettant en garde ses concitoyens contre les risques d’un conflit communautaire attisé par la France coloniale.
En refusant de se laisser entraîner dans une escalade voulue par le palais royal pour des raisons qui lui sont propres, l’État algérien n’a fait que perpétuer sa traditionnelle politique privilégiant la raison et l’apaisement. Forte de sa position juste et inaliénable à l’égard du droit des peuples à l’émancipation, une position qu’elle a toujours défendue avec beaucoup d’intransigeance, l’Algérie rappelle au Maroc que le message de Bouteflika, lu par Tayeb Louh, le ministre de la Justice, devant les participants à la Conférence africaine de solidarité avec le peuple sahraoui, qui s’est tenue à Abuja au Nigéria, ne traduit aucune malveillance à l’encontre d’un voisin qui ne cesse de manifester une fébrilité excessive lorsqu’on lui parle de la question du Sahara-Occidental.
En appelant à l’élargissement du mandat de la Minurso à la surveillance des droits de l’Homme dans la dernière colonie du continent africain et à la nécessité de la mise en place de mécanismes pour leur protection, l’Algérie n’a commis aucun acte d’ingérence dans la politique intérieure marocaine comme le prétendent certains sujets de sa majesté.
Elle n’a fait que soulever un grave problème d’atteinte à la dignité humaine dont souffre un peuple qui refuse de faire allégeance au roi, en acceptant la «raison» du fait accompli. Ceux qui estiment que le message de Bouteflika est un « acte de provocation directe à l’égard de l’intégrité territoriale du Maroc », ont choisi délibérément de travestir la réalité et de faire acte de mauvaise foi vis-à-vis de l’Algérie, parce qu’ils sont en panne d’arguments politiques et juridiques valables pouvant servir de base à une occupation militaire dénoncée par environ 80 pays à travers le monde.
Une tentative de diversion qui ne trompe personne, car la position de l’Algérie à l’endroit de la question sahraouie est mondialement connue depuis le retrait de l’Espagne et le partage de ce territoire non autonome, selon le classement de l’ONU, entre le Maroc et la Mauritanie en novembre 1975. Durant cette même année, la Cour internationale de justice avait affirmé que « les éléments et les renseignements portés à sa connaissance n’établissent l’existence d’aucun lien de souveraineté territoriale entre le territoire du Sahara-Occidental, d’une part, le royaume du Maroc ou l’ensemble mauritanien d’autre part ».
Cette instance internationale souveraine avait-elle été manipulée par l’Algérie ? Ces dizaines de milliers de sahraouis réfugiés qui vivent depuis 38 ans dans des conditions précaires, chassés de chez eux par le Maroc, spoliés de leur terre sont-ils une invention algérienne ? Pourquoi le monarque marocain n’avait-il pas rappelé son ambassadeur lorsqu’en janvier 2006, Washington lui avait signifié que l’accord de libre-échange signé entre les USA et le Maroc excluait expressément le Sahara-Occidental ? Pourquoi Rabat a-t-il adopté le profil bas, lorsqu’en septembre dernier le Département d’État américain a affirmé, dans un nouveau rapport, que la violation des droits humains des Sahraouis par le Maroc se poursuivait au point de susciter des inquiétudes ?
Si l’on doit tenir compte de la thèse marocaine quant à une prétendue souveraineté sur le territoire du Sahara-Occidental – une souveraineté qui n’est reconnue officiellement par aucun pays au monde –, les avocats du trône ne vont pas tarder à intenter un procès en diffamation contre Kathleen Thomas qui, en sa qualité d’ancien membre de la Minurso au Sahara-Occidental, avait récemment déclaré à titre officiel que « la seule raison pour laquelle le référendum n’a pas eu lieu, c’est la décision du Maroc de se retirer du processus, parce qu’il a craint que les électeurs sahraouis se prononcent pour l’autodétermination » !
L’Américaine avait déclaré apporter son témoignage « dans le souci de dissiper le mythe selon lequel le référendum ne pouvait pas avoir lieu en 2 000 pour des raisons pratiques ». Mythe, le mot est lâché sans que les Marocains s’offusquent pour autant comme ils l’ont fait à la suite de la lecture du message de Bouteflika. La nécessité de mettre en place un mécanisme de protection des droits de l’Homme au Sahara-Occidental – et les Marocains le savent mieux que quiconque – n’est pas une création algérienne.
Il s’agit d’une exigence humanitaire imposée par des circonstances dramatiques vécues par une population soumise à toutes sortes de violences et d’intimidations à laquelle ont appelé des organisations internationales que l’on ne pourrait pas accuser d’inféodation à l’Algérie. Une exigence qui avait failli se transformer en résolution onusienne, en avril dernier, si elle n’avait pas été retirée à la suite du soutien apporté au Maroc par Israël, la France et l’Espagne. Mais au lieu de faire face à ses problèmes domestiques qui ont pris une dimension critique, le « commandeur des croyants » dont les convictions ont été ébranlées par maître Jean Chevais, avocat de l’association «Touche pas à mon enfant» et co-auteur avec Catherine Graciet d’un livre intitulé « Le roi prédateur, main basse sur le Maroc », s’en prend à l’Algérie qui n’a fait qu’accomplir son devoir de solidarité envers un peuple qui revendique légitimement un référendum libre, régulier et impartial, comme elle l’aurait fait à l’intention de ses voisins du royaume, si le peuple marocain était soumis aux mêmes affres.
Mais peine perdue pour le monarque et ses louangeurs obsédés par une haine sans limite envers tout ce qui est algérien, l’Algérie ne cessera jamais d’être la voix de ceux qui n’ont pas de voix. Son emblème flottera toujours haut, en portant à travers les océans et les continents, l’amour que lui portent ses enfants et l’estime que lui vouent les peuples épris de liberté.
Soucieux de consolider une vraie démocratie sociale basée sur une répartition équitable des richesses du pays, l’Algérie préfère perfectionner sa démarche interne pour répondre aux revendications de son peuple que de polémiquer avec un régime qu’elle n’a jamais considéré ni comme un adversaire ni comme un rival, mais comme un voisin qui refuse de se rendre à l’évidence et de reconnaître qu’il est le dernier pays colonisateur au monde, avec Israël bien entendu.
A. K.
El Djazaircom.dz, Janvier 2014