Rabat et Paris ne réussiront pas à nous affamer

C’est une femme de poigne que nous avons eue l’occasion de rencontrer. Elle assume de grandes responsabilités à l’égard de ses concitoyens éparpillés à travers sa circonscription. Elle nous raconte les conditions de vie difficiles des réfugiés sahraouis mais surtout, leur détermination à ne pas céder aux pressions. Pour elle, chaque jour qui passe est une victoire de plus pour la cause sahraouie.
Algérie News : Présentez-nous la nouvelle wilaya dont vous avez la charge administrative et quels sont les objectifs de la conférence internationale sur « le rôle de la femme dans les mouvements de libération » que vous acceuillez pour la première fois ?
Mme Alaaza Boudjedour : La wilaya de Boudjdour, est une nouvelle circonscription administrative sahraouie. Une grande partie de notre territoire reste toujours sous occupation marocaine, mais celà ne nous empêche pas de nous prendre en charge et d’avoir des administrations pour gérer notre vie quotidienne. C’est même une nécessité vu les conditions difficiles des réfugiés et surtout de l’autre côté du mur de la honte. Pour moi, en tant que femme, c’est un honneur d’assumer de telles fonctions. La femme sahraouie a subi les pires affres, que ce soit sous l’occupation espagnole ou marocaine. Ma génération et celle d’avant n’a pas eu accès à l’éducation, ni à la santé. Une politique voulue par le colonisateur. Actuellement, nous déployons nos efforts justement pour rattrapper ce retard en assurant des cours de soutien scolaire, des cours de gestion familiale, une couverture sanitaire et même un entraînement paramilitaire. La femme sahraouie est partie prenante de la lutte pour notre indépendance. A travers l’Union nationale des femmes sahraouies et avec l’aide de pays amis, nous voulons former la femme sahraouie de demain, instruite et mature pour que, le moment venu, elle puisse participer à l’édification de notre Etat indépendant. Pour ce qui est de la conférence, c’est pour nous une occasion de nous frotter à d’autres femmes, venues de pays amis et d’échanger nos expériences et de les sensibiliser à notre combat. Les objectifs essentiels de cette rencontre internationale qui a pour thème « le rôle de la femme sahraouie dans les mouvements de libération », consiste à faire connaître à la femme sahraouie les expériences vécues par les femmes du continent africain. Et surtout étendre la chaîne de solidarité avec la femme sahraouie, à travers de nouveaux mécanismes visant à faire connaître sa juste cause. La participation de femmes qui symbolisent les luttes pour la libération en Afrique à cette conférence, et leur sit-in devant le mur de séparation, est un message africain et international clair à la communauté internationale et aux autorités coloniales marocaines. Rien ne se fera sans le respect de notre légitimité et notre droit à disposer de notre avenir, conformément aux résolutions de la légitimité internationale.
Quels sont les difficultés rencontrées quotidiennement par les réfugiés sahraouis dans la wilaya de Boudjdour ?

Les difficultés rencontrées ici ne différent pas de celles existant ailleurs. Notre wilaya souffre d’un manque flagrant d’écoles, de centres de prise en charge sociale et surtout un manque de centres de santé. Nous faisons face quotidiennement à un manque d’aides alimentaires. Les conditions sociales dans les camps, générées à la fois par la colonisation marocaine ont été accentuées par la baisse sensible des aides humanitaires internationales, que les donateurs expliquent par la crise financière et économique mondiale. D’un autre côté, le Maroc, avec le soutien de la France, mènent campagne auprès de la communauté européenne et des ONG pour limiter les aides destinées aux Sahraouis. A travers cette politique, ils veulent affamer les réfugiés et les pousser à quitter les camps. Ce qu’ils ne savent pas, c’est que les réfugiés préfèrent vivre dans ces conditions pénibles que de retourner dans les territoires occupés. Notre détermination est sans faille et rien ne pourra nous détourner de notre objectif qui est l’indépendance.
Est-ce qu’aujourd’hui, la femme sahraouie a les capacités de faire face à tous les défis ?
Evidement, ce n’est pas la première fois que la femme sahraouie est dans l’obligation de s’adapter à de pareilles situations. Chaque jour passé dans les camps est une victoire pour nous. Chacune d’entre nous se débrouille comme elle peut et comme elle a appris à le faire depuis des années. Nous gérons notre quotidien selon les moyens du bord. En plus de la diminution des aides extérieurs, nous devons aussi faire face au manque d’eau potable, à une valeur alimentaire des dons distribuées par le Programme des Nations unies qui n’est pas varié, ce qui peut provoquer des carences en vitamines. Acheminer des produits alimentaires vers les camps est un défi logistique, vu les moyens dont nous disposons. Il est déjà arrivé qu’un chargement entier de carottes nous parvienne complètement avarié. On aurait dit de la soupe. Et l’odeur était insupportable. Pour les ménagères au niveau des camps, leurs soucis c’est l’eau et la conservation des aliments le plus longtemps possible. Nous sommes en plein désert et le climat ne pardonne pas. A tout celà, il faut ajouter le problème de l’énergie électrique.
Nous avons remarqué qu’il y avait beaucoups d’enfants et peu d’écoles. Comment gérez-vous cette situation?
Grâce à un système de rotation.
Même s’il y a des médecins, parfois, ils sont incapables de prodiguer des soins faute de disponibilité de médicaments ou de matériels, et de coupures d’électricité fréquentes.
L’hôpital ici c’est uniquement de grandes salles vides où sont installés des lits et des matelas vétustes.
Ne craignez-vous pas que les réfugiés se révoltent ?
Celà fait plus de quarante ans que ça dure et croyez-moi, plus c’est difficile plus ils sont unis et déterminés.
Un mot sur la mort d’un grand homme de paix en la personne de Nelson Mandela à la veille de la conférence internationale sur le rôle de la femme dans les mouvements de libération ?
La disparition de Nelson Mandela le même jour de la préparation de la conférence internationale sur le rôle de la femme sahraouie dans les mouvements de libération, est un signe du destin, un signe que la lutte du peuple sahraoui est juste. Tout le peuple sahraoui, pleure aujourd’hui ce libérateur. Cet homme, faut-il le rappeler, à de tout temps soutenu notre cause.
De notre envoyé spécial aux camps des réfugiés sahraouis : Mohammed Zerrouki

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