Le kif marocain inonde l'Algérie

Plus de 127 tonnes saisies en 8 mois
par Moncef Wafi
Dernière saisie en date, mais certainement pas la dernière, plus de 53 quintaux de kif traité ont été interceptés, ce lundi, par une unité de l’Armée nationale populaire (ANP), relevant de la 6ème Région militaire, lors d’une opération d’inspection et de contrôle menée dans la région d’« Agbat-El-Hadjadj » entre In-Salah et El-Ménéa. Cette quantité vient s’ajouter aux 127 tonnes de résine de cannabis, déjà saisies, durant les 8 premiers mois de 2013, à l’échelle nationale. 
Un « phénomène assez inquiétant », selon Mohamed Zouggar, le directeur général de l’Office national de lutte contre la drogue et la toxicomanie (ONLDT), qui indique que « la plus grande quantité des drogues saisies nous vient du pays voisin, le Maroc ». Ces statistiques viennent confirmer une tendance à la hausse puisqu’il ne se passe, pratiquement, pas un jour sans que les services de sécurité ne signalent une saisie de drogue, plus particulièrement à l’ouest et au sud-ouest du pays, du fait de leur proximité géographique avec le territoire marocain, mais aussi, un peu plus loin, dans le ventre de l’Algérie en direction de la Libye et de là, l’Egypte. 
Par ailleurs, et durant la même période, 293,968 g de cocaïne et 172,7 g d’héroïne ont été, également, saisis par les différents services de lutte contre la drogue (Douanes, Gendarmerie nationale et DGSN). Et comme d’habitude, les chiffres parlent d’eux-mêmes et renseignent sur la nature de la drogue consommée, en Algérie (kif et comprimés psychotropes) alors que le trafic de la cocaïne et l’héroïne demeure moins important, à cause des tarifs pratiqués, ces drogues restent l’apanage de certains cercles restreints d’initiés. Mais au-delà des chiffres, les saisies de drogue sont devenues, tellement, « quotidiennes » que le caractère anodin de l’information risque de pousser à la banalisation, même, du phénomène. 
Un risque permanent, au même titre, que les enjeux qui sont en train d’être bousculés par le renforcement sécuritaire aux frontières terrestres du pays. Si la topographie des cartels, en Algérie est connue, avec pour points de passage les frontières terrestres ouest avec le Maroc, les saisies les plus fréquentes sont opérées sur les axes routiers de la wilaya de Tlemcen. Selon des statistiques sécuritaires, 75 % des quantités de drogues saisies proviennent des régions sud-ouest et ouest du pays, expliquant que la culture du kif au Maroc arrive à sa production les mois de mai et juin. 
Le vieux continent reste, quant à lui, alimenté, directement, à partir du royaume chérifien ou à travers des ports algériens. Cette recrudescence des saisies s’explique par l’intensification des contrôles de sécurité, de la demande en augmentation et de l’ouverture de l’autoroute Est-Ouest qui a servi de rampe de lancement à un véritable bombardement de l’Algérie. 
L’ancien ministre des Affaires étrangères, Mourad Medelci, avait évoqué cette « nouvelle guerre » à demi-mots, en juin 2013, en affirmant, à propos de l’ampleur prise par le trafic de drogue, que l’Algérie « est presque visée », en espérant avait-il ajouté « une collaboration de la part du Maroc frère pour lutter contre le trafic de drogue ». Tayeb Belaiz, le tout nouveau ministre de l’Intérieur, a affirmé, quant à lui, que l’Algérie est en guerre contre le trafic de drogue, le comparant à une nouvelle forme de terrorisme. Cette réalité des statistiques confirme, si besoin est, que depuis plus d’une décennie, l’Algérie a changé de statut, passant de pays de transit à celui de consommateur. Et c’est dans cette optique que M. Zouggar a mis en exergue l’importance de la vigilance, dans le but de réduire l’offre et la demande de la drogue, en s’appuyant sur le rôle du mouvement associatif, en tant que « partenaire incontournable » pour lutter contre la toxicomanie, à travers des actions de sensibilisation et de prévention, particulièrement, au profit des jeunes. 
Durant le premier semestre 2013, 3.393 toxicomanes ont bénéficié d’une prise en charge médicale, dont 410 hospitalisations (centres de désintoxication- centres intermédiaires de soins), alors que depuis janvier à juin, 8.865 hommes et 55 femmes ont été poursuivis par la justice pour détention et consommation de drogue, dans 7.467 affaires traitées. 
Par ailleurs, et durant la même période, 1.948 affaires ont été traitées et 3.395 hommes et 46 femmes poursuivis pour trafic et commercialisation de drogue. Durant les 8 premiers mois de cette année, et dans le cadre de la lutte contre la drogue, 12.759 individus ont été interpellés pour des affaires liées à la drogue (détention – trafic – commercialisation), dont 48 étrangers. Le rapport annuel de l’Organe international de contrôle des stupéfiants (OICS), pour 2012, est, on ne peut plus clair, puisqu’il énonce que la production illicite de résine de cannabis est concentrée dans certains pays d’Afrique du Nord. Il cite le Maroc comme principal pays fournisseur de la résine de cannabis dont il est fait abus en Europe, région qui constitue le premier marché illicite mondial de cette substance. Le rapport de l’OICS, citant l’Organisation mondiale des Douanes, affirme que quelque 72% de la quantité totale saisie par les autorités douanières, dans le monde, en 2011, provenaient du Maroc. Outre l’Europe, principale destination du kif marocain, d’autres pays d’Afrique du Nord ont déclaré avoir saisi de grandes quantités de résine de cannabis.

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