Carburants : Les contrebandiers repointent le bout de leur nez

par El Houari Dilmi
Effet d’entraînement direct de la libération partielle des prix des carburants au Maroc, le trafic de carburant semble refaire surface pour menacer l’économie du pays après une accalmie observée au lendemain des mesures prises par l’Etat pour lutter contre ce phénomène. 
Les prémices d’une reprise du trafic de carburants se font déjà sentir aux frontières méridionales du pays, dans la wilaya d’El-Tarf plus précisément. Même si elles ne sont pas aussi spectaculaires que par le passé, des files d’attente recommencent à se former devant certaines stations-service, ce qui ne manque pas de faire craindre aux automobilistes un retour de la pénurie et de son corollaire, la «pagaille». Les trafiquants semblent avoir trouvé un autre stratagème pour s’approvisionner en carburant sans risque d’être piégés : ils ont carrément changé de cap en délaissant les stations-service habituelles, à El-Kala et à El-Tarf où le contrôle s’est durci, pour préférer les localités «cachées» à l’exemple de Berrihane ou de Reghia, notamment. Des automobilistes, approchés par l’APS, soutiennent que la situation qui avait semblé s’améliorer avec la mise en œuvre des mesures de lutte contre ce phénomène avec, notamment, l’obligation de tenir un registre mentionnant le passage des véhicules, «commence à se détériorer de jour en jour». Boubaker, chauffeur de taxi, souhaite le «raffermissement des actions de contrôle pour dissuader les récalcitrants avant que la situation ne dégénère à nouveau et que les contrebandiers renouent avec cette activité préjudiciable autant pour les honnêtes automobilistes que pour l’économie nationale». Interrogés à ce sujet, les services de la wilaya affirment que la commission de wilaya chargée de contrôler l’exécution de l’arrêté de wilaya dans les différentes stations-service «effectue son travail comme il se doit» et «les résultats concrets sont là pour attester de l’efficacité de ce dispositif «. Les membres de cette commission, composée de responsables de divers secteurs (services de sécurité, directions du Commerce et de l’Energie et des Mines) sont à pied d’œuvre et sillonnent sans arrêt les divers points de vente pour contrôler la situation et éradiquer ce genre de trafic, soutient-on en affirmant que «toutes les stations seront ciblées, même celles des communes éloignées». Aux frontières occidentales du pays, dans la wilaya de Tlemcen plus précisément, les contrebandiers, malgré le resserrement de l’étau par les autorités locales pour rationner la distribution de carburant, reprennent du poil de la bête en changeant constamment de subterfuges. Cette fois-ci, la combine consiste à changer de «montures» en abandonnant les vieilles R25, R21 et autres Mercedes à double réservoir pour des véhicules plus «ordinaires» pour échapper à la vigilance des services de sécurité. 
Quand le Maroc met la «pression» 
Le risque de voir le trafic de carburant repartir de plus belle est d’autant plus avéré que le gouvernement islamiste au Maroc vient de mettre en œuvre une libéralisation partielle des prix des carburants, premier acte d’une réforme sensible qui doit lui permettre de maîtriser son déficit public, la subvention des produits pétroliers représentant un gouffre financier. Aussitôt entrée en vigueur, cette mesure a entraîné une hausse des prix à la pompe de près de 5% et 8,5% pour l’essence et le gazole, selon des chiffres officiels marocains. Désormais, ces prix, ainsi que celui du fioul industriel, seront réévalués mensuellement : si la fluctuation du baril de brut est comprise entre -2,5% et +2,5% sur les deux derniers mois, ils demeureront inchangés. Dans le cas contraire, l’évolution des cours sera directement répercutée à la pompe. Par cette mesure, le gouvernement entend limiter l’impact des variations des cours mondiaux sur les finances publiques. La subvention des produits pétroliers représente en effet près de 90% du coût total de la «caisse de compensation», qui a atteint 55 milliards de dirhams (6,6 milliards de dollars) en 2012. Dans le budget 2013, le montant alloué à la «compensation» qui subventionne aussi des produits tels que la farine et le sucre a été fixé à 40 mds de dirhams (4,8 mds USD), sur la base d’un baril à 105 dollars. Cette enveloppe risquait à nouveau d’être insuffisante. Validée le mois dernier par le chef du gouvernement, Abdelilah Benkirane, l’indexation des carburants s’avère sensible socialement. Des appels à manifester ont été lancés ces dernières semaines à l’évocation de la mesure. Les autorités marocaines ont pris soin de souligner que cette indexation était «partielle». Des «mesures d’accompagnement» sont en outre prévues pour les professionnels, afin d’éviter une inflation généralisée.

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