Dakhla, Sahara Occidental occupé.- La crainte d’une réédition d’un Gdeim Izik bis a fait faire un faux pas aux autorités d’occupation qui ont procédé à l’interpellation d’un citoyen sahraoui, dont le « grand tort » a été de lancer un appel à s’installer dans des camps de fortune pour protester contre la spoliation des terres dont ils ont été les victimes. La police judiciaire des forces d’occupation marocaines au niveau de la ville de Dakhla a déféré, ce lundi, Ahmed Ould Ahmed Fal devant le Parquet. Le prévenu, qui a été mis en garde à vue pour une durée de 48 heures, est accusé d’avoir incité la population à installer un campement dans la banlieue de Dakhla, d’avoir appelé à manifester sans autorisation et d’avoir encouragé un exode collectif hors de la ville. L’accusé avait émis un communiqué dans ce sens en sa qualité de président d’une association de propriétaires qui auraient été dépossédés de leurs terrains au profit d’investisseurs du Golfe.
Il ne s’agit pas du premier cas de détenus d’opinion au niveau des territoires occupés sahraouis. Cette arrestation, et le traitement expéditif accordé à cette affaire, qui trahit la panique du makhzen, risque de mettre le feu aux poudres au lieu d’atténuer les tensions. En effet, tout porte à croire que des évènements tragiques, particulièrement préoccupants, sont en gestation au niveau de la ville de Dakhla, sise dans les territoires occupés sahraouis. En effet, le dénommé Bouchaib Rmail, patron de la DGSN marocaine (Direction générale de la Sûreté nationale), est arrivé le 8 juin courant dans cette ville, principale destination touristique des territoires occupés sahraouis. Officiellement, le chef de la police y est arrivé pour installer un nouveau responsable de la sécurité. Mais des sources sur place n’écartent pas l’existence d’une autre raison, beaucoup plus pressante celle-là. Car, depuis quelques jours, près de deux cents familles sahraouies menacent de mettre en place un campement dans les environs de Dakhla. Ces familles veulent protester contre la spoliation de leurs terres en faveur d’investisseurs du Golfe, lesquels ne s’encombrent même du statut onusien de pays à décoloniser dont jouit le Sahara occidental, ce qui rend caducs et illégaux tous les contrats internationaux passés avec les forces d’occupation marocaines. Les autorités craignent un remake des graves événements de Gdeim Izik, autre campement installé il y a plus de deux ans dans les parages de Laâyoune et dont le démantèlement musclé s’était terminé par plusieurs décès.
Non contentes d’avoir réprimé dans le sang cette forme de manifestation pacifique, les autorités marocaines sont allées encore plus loin, en interpellant de présumés cerveaux de ce mouvements, les condamnant à des peines extrêmement lourdes en leur faisant endosser les crimes dont celles-ci s’étaient rendues coupables. Selon des organisations et juristes indépendants présents au tribunal dans la capitale marocaine ‘ »un renvoi sans audience et sans qu’aucune date de procès ne soit fixée équivaut à un déni de justice ». « Si l’on peut considérer que le report du procès est un signe de faiblesse des autorités marocaines et confirme la vacuité d’un dossier, le maintien en détention sans aucune décision judiciaire est contraire à la fois aux normes marocaines, et aux normes internationales dont le Pacte International relatif aux droits civils et politiques et son article 9″, indique le rapport des observateurs européens. Neuf (9) parmi ces détenus ont été condamnés à la réclusion à perpétuité, au mois de février passé, sans qu’aucune charge solide ne soit retenue contre eux, ni aucune preuve ne soit produite face à un tribunal militaire qui n’est pas non plus habilité à juger des détenus d’opinion. Cela place Rabat dans une position très délicate par rapport à la communauté internationale, et même par rapport à ses alliés traditionnels que sont la France et l’Espagne. Voilà pourquoi, donc, le Maroc s’inquiète et donne l’air de vouloir tout faire pour éviter un second Gdeim Izik à Dakhla.
Rafik Bakhtini
Le Courrier d’Algérie, 13 juin 2013