Afrique : 50 ans et la route est encore longue, par Ahmed Halfaoui

L’OUA/UA a 50 ans. Beaucoup de choses se sont passées depuis ce 25 mai 1963. Des bonnes et des moins bonnes. Les colons, d’abord, sont partis et l’apartheid a été vaincu. Mais les guerres ethniques, les conflits de frontières, les génocides, sur fond de convoitises sur les richesses africaines, ont endeuillé le continent. L’occupation alaouite du Sahara occidental, sous protection de la France et des Etats-Unis, la partition du Soudan, la décomposition de la Somalie, la destruction atlantiste de la Libye, initiatrice de l’idée d’Union africaine, le retour des militaires français en Côte d’Ivoire et au Mali, autant de désastres que n’auront pas prévu les rédacteurs de la Charte fondatrice de l’Organisation de l’unité africaine, l’OUA qui devait «éliminer, sous toutes ses formes, le colonialisme de l’Afrique» et, pour les peuples d’Afrique, «défendre leur souveraineté, leur intégrité territoriale et leur indépendance». 
Aujourd’hui, nous sommes loin de ces principes qui se voulaient intangibles, eu égard à l’atrocité du passé colonial avec ses massacres, la déportation, la réduction en esclavage de millions d’hommes et de femmes, le pillage des ressources naturelles et le démantèlement du tissu économique et socioculturel des sociétés africaines. Aujourd’hui, le colonialisme sous le visage avenant de la «démocratie» et de la «lutte contre le terrorisme» est le bienvenu. Il est même invité aux festivités pour commémorer ce qui devait présider à son extirpation. Renforcé par les allégeances multiformes et par des satrapes qu’il a lui-même installés à la tête de certains pays, tels la Côte d’Ivoire et la Libye, dont il assure la protection, il se permet de donner des directives. «Ce sont les Africains qui demain devront assurer la sécurité de leur continent», a déclaré le président français à Addis-Abeba. Nous pourrions même lui dire merci de nous rappeler à l’ordre. Il va même convoquer nos dirigeants chez lui, à Paris, où il organisera en décembre un sommet consacré «à la paix et à la sécurité». Il nous fait aussi l’honneur d’un «appui que la France va donner aux armées africaines pour qu’elles se défendent elles-mêmes, y compris contre le fléau du terrorisme». Tant de sollicitude pourrait faire fondre la défiance du plus revêche des anti-impérialistes, s’il n’y avait pas ce cynisme qui enrobe la démarche. C’est qu’il n’est pas seul, M. Hollande qui doit sérieusement s’inquiéter de la présence de John Kerry, le chef de la diplomatie des Etats-Unis, qui préfère donner des ordres, comme il l’a fait pour le Nigeria et pour le Soudan, auxquels il a signifié de calmer leurs ardeurs guerrières. Mais il n’est pas là que pour jouer de la menace et il ne se cache pas de déclarer ce qui l’anime au plus profond : «L’Afrique change profondément, incitant de nombreux pays, Russie, Chine, Brésil, Japon et autres, à y investir pour profiter des possibilités économiques. Les Etats-Unis ont été en retard dans ce domaine et nous devons changer cela.» Sachant que la présidente brésilienne a annulé 900 millions de dollars de dettes de pays africains et que la Chine a été le seul pays remercié pour avoir massivement investi dans les infrastructures au profit de l’Afrique, connaissant les méthodes étatsuniennes pour «changer» les choses, nous sommes en droit, à notre tour, d’appréhender le pire. Devant ces présages, le cinquantenaire africain a un goût amer, mais peut-être nous éveillerons nous et rien ne fera plus qu’on vienne piétiner notre jardin.

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