Le Maroc ouvre la guerre des mots contre l’Algérie

Jamais un conflit n’aura divisé aussi longtemps les pays du Maghreb que celui du Sahara occidental. L’état présent des relations entre l’Algérie et le Maroc est marqué par l’invective et l’insulte, et, si l’on ne prenait pas garde, cette situation risque de les envenimer au moment où toute la région est soumise à une grave déstabilisation et à la guerre. 
Cette question du Sahara occidental dont l’application du principe de l’autodétermination par l’organisation d’un référendum populaire est préconisée par les instances internationales (Onu) et régionales (OUA, UA), aurait pu trouver son dénouement par la négociation, il y a déjà quelques années, si le Maroc n’avait pas envahi le territoire et ne s’y était pas maintenu par la force au mépris des règles du droit international et du bon voisinage, ainsi que des traités conclus, notamment celui d’Ifrane, signé en 1969. 
Ce traité qui constatait qu’une paix permanente régnait entre les deux pays voisins précisait que « dans le cas d’un différend ou d’un litige quel qu’il soit, [ils] s’interdiront d’avoir recours à la force [entre eux] et s’emploieront à régler ce différend par des moyens pacifiques, dans un esprit d’amitié, de fraternité et de bon voisinage […] ». 
La consolidation du rapprochement algéro-marocain avait facilité, voire favorisé la réconciliation ou la conciliation entre le Maroc et la Mauritanie dont l’ensemble du territoire était revendiqué par le royaume marocain qui supprime, après avoir reconnu l’existence de la République islamique de Mauritanie comme un Etat indépendant et souverain, « le ministère marocain de Mauritanie et du Sahara » qui perpétuait la revendication marocaine sur les régions sahariennes. 
Selon toute logique, le traité d’Ifrane réglait l’ensemble de la revendication marocaine sur des territoires algériens, toute la Mauritanie et le Sahara occidental que Rabat avait accepté, d’après un accord secret signé en 1970, de partager avec Nouakchott, un an, à peine, après qu’il eut établi des relations diplomatiques avec cette dernière. C’est dire le sérieux des arguments juridiques et religieux qu’il fait encore valoir pour exiger la rétrocession du Sahara occidental à la « mère patrie ». 
Par sa position intransigeante à vouloir annexer, en dépit de tous les principes, le Sahara occidental, le Maroc a non seulement brisé la belle idée née en 1958 à Tanger de former, après les indépendances, une confédération maghrébine, mais favorisé une course effrénée au surarmement. Depuis une quarantaine d’années, les budgets militaires de l’Algérie et du Maroc n’ont cessé d’augmenter au détriment, dans un pays comme dans l’autre, de nombreux autres secteurs, notamment l’éducation, la formation et le social, alors que les populations des deux pays vivent dans des conditions de plus en plus difficiles.
 
D’escalade en escalade, les tensions entre les deux pays liées au Sahara occidental, à la sécurité (criminalité, drogue) et aux échanges économiques ont conduit l’Algérie à fermer sa frontière avec son voisin de l’ouest en 1994 pour ne vouloir l’ouvrir qu’à certaines conditions auxquelles le Maroc doit se soumettre. Jeudi dernier, un diplomate algérien en a soulevé plusieurs pour répondre aux dernières déclarations marocaines, notamment « l’arrêt de la campagne marocaine de dénigrement contre l’Algérie, la fin de l’attitude agressive du Maroc à son égard, l’établissement d’une réelle coopération pour stopper l’infiltration des drogues sur le territoire algérien et la reconnaissance de la constance de la position algérienne sur la question du Sahara occidental pour en finir avec la bilatéralisation de celle-ci. »
Depuis l’adoption, jeudi dernier, de la dernière résolution (2099) de l’Onu qui recommande, une nouvelle fois, l’application du principe de l’autodétermination par l’organisation d’un référendum, désavouant, de façon implicite, le plan marocain d’autonomie, Rabat, dont l’échec diplomatique est patent, a haussé le ton. 
Quoi qu’il en soit, même si le Maroc et l’Algérie se mettaient d’accord sur une « solution » qui ne soit pas celle de la justice envers un peuple, la question du Sahara occidental ne serait pas pour autant réglée. Le Front Polisario et le peuple sahraoui doivent impérativement exercer leur droit à l’autodétermination. 

Brahim Younessi

Mon Journal, 28 avril 2013

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