Les oubliés du Sahara

Force est de constater que continuer à plaider pour
une solution pacifique n’est donc pas chose aisée après 
près de 22 ans de statu quo.
Le Sahara occidental est l’exemple-type d’une « crise oubliée ». Depuis maintenant presque 38 ans, le peuple sahraoui aspire à pouvoir prendre lui-même son destin en main. Malheureusement, la résolution de ce conflit semble encore loin.
Le Sahara occidental est officiellement un « Territoire non autonome en cours de décolonisation » qui couvre quelque 266.000 km². Il est coupé en deux par un mur construit par les autorités marocaines, appelé la Berme, qui court sur près de 2700 km (voir page suivante). Une importante diaspora sahraouie est également présente en Mauritanie, en France et en Espagne.
Les communautés marocaines et sahraouies dans le territoire sont confrontées quotidiennement aux conséquences de l’absence d’une solution politique juste, durable, mutuellement acceptable et qui permette l’autodétermination du peuple du Sahara occidental, conformément au droit international. Ceci sans oublier les réfugiés sahraouis dans les camps au sud-ouest de l’Algérie, qui demeurent entièrement dépendants de l’aide humanitaire internationale depuis plusieurs décennies.
Dernière relique de l’époque coloniale
En 1975, l’Espagne, l’ancienne puissance coloniale, a décidé de se retirer en transférant l’autorité sur le territoire au Maroc et à la Mauritanie via la signature d’une déclaration de principe entre ces trois pays. S’ensuit une guerre ouverte entre ces deux pays et le Frente POLISARIO, qui représente le peuple sahraoui et lutte pour son droit à l’autodétermination. Fin des années septante, les derniers Mauritaniens sont défaits par la rébellion locale et quittent la région.
La guerre entre les combattants sahraouis et le Maroc s’est poursuivie jusqu’en 1991 et l’acceptation par les deux parties d’un plan de paix, sous l’égide de l’Organisation des Nations unies (ONU). Cet accord prévoyait d’une part un cessez-le-feu et, d’autre part, l’organisation rapide d’un référendum sur la question de l’autodétermination du peuple sahraoui. Bien que le cessez-le-feu soit en grande partie respecté, plus de vingt ans plus tard, le référendum n’a toujours pas eu lieu, en raison de discussions interminables sur les différentes options qui seront proposées.
C’est dans le contexte tendu de cette confrontation armée et en réponse à la situation des droits de l’Homme que l’Afapredesa– l’Association des Familles des Prisonniers et Disparus sahraouis – a vu le jour le 20 août 1989. L’association s’est formée dans les camps de réfugiés de Tindouf dans le sud-ouest algérien, là où des dizaines de milliers de Sahraouis ont trouvé refuge après avoir fui les combats.
Des droits de l’Homme à la reconnaissance internationale
Abdeslam Omar Lahsen, président de l’Afapredesa, nous fait découvrir le travail de cette organisation partenaire d’Oxfam-Solidarité. « La première tâche de l’association fut d’établir une liste des prisonniers et disparus. Cette action avait pour but d’attirer l’attention sur la situation du peuple sahraoui. Mais notre association joue également un rôle d’observateur dans toutes les phases de mise en œuvre du plan de paix. » « Nous continuons à remplir ces fonctions, même si, aujourd’hui, nous concentrons une partie grandissante de notre action sur la reconnaissance internationale du conflit, tout en continuant à nous appuyer sur l’aspect lié aux violations des droits de l’Homme. » L’association a acquis une certaine légitimité en tant que témoin privilégié de ce conflit, comme en atteste sa participation à la Commission et à la Sous-Commission des droits de l’Homme de l’ONU à Genève et à la Commission africaine des droits de l’Homme et des Peuples.
« Et il est important de poursuivre ce travail de dénonciation des violations des droits de l’Homme », poursuit Abdeslam Omar Lahsen. « Savez-vous par exemple que la MINURSO, la Mission de l’ONU pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental, est la seule au monde dont le mandat n’inclut pas la protection des droits de l’Homme ? Si des associations comme la notre ne dénoncent pas cette situation, qui le fera ? Heureusement, nous sentons une nette évolution au sein de la communauté internationale. Par exemple, l’Union européenne reconnaît depuis peu la nécessité d’avoir un mécanisme approprié pour rapporter systématiquement les violations des droits de l’Homme. C’est une évolution particulièrement positive. »
Interlocuteurs multiples
« Les activités de plaidoyer de l’Afapredesa ciblent donc la communauté internationale, mais nous travaillons également avec les diasporas en France et en Espagne, et avec la société civile marocaine. L’objectif est de tisser des liens entre les différentes communautés et de les pousser à s’engager pour une résolution pacifique du conflit. Le travail avec la société civile marocaine n’est pas facile. La méfiance entre nos deux peuples est parfois profonde et les autorités ne tolèrent aucune opinion divergente sur la question. »
« Une certaine radicalisation au sein de la communauté sahraouie est perceptible, surtout au sein des jeunes, qui sont majoritaires dans les camps », constate Abdeslam. « Cette évolution est assez inquiétante, car la société sahraouie est traditionnellement non violente. Face au danger potentiel que représente la tentation d’avoir recours à la force pour atteindre ces objectifs légitimes la seule option est de continuer à travailler étroitement avec les jeunes. »
Référendum symbolique
« Nous avons ainsi mis sur pied en juin dernier un groupe de non-violence, baptisé NOVA Sahara. 25 jeunes se sont engagés dans l’organisation d’un référendum symbolique à grande échelle qui aura lieu du 1er mars au 9 septembre, date anniversaire du cessez-le-feu de 1991. L’objectif est de faire participer un maximum de personnes dans les camps de réfugiés, dans le territoire occupé et libé
ré, mais aussi plus largement toutes les personnes qui s’intéressent à cette situation. Les résultats de cette consultation seront remis à l’ONU afin d’exiger l’application des termes du plan de paix et le respect du droit international. »
« Un autre de leurs objectifs est de mettre fin à l’exploitation des ressources (sel, phosphate, denrées alimentaires, etc.) via des actions de sensibilisation envers des organisations internationales (UE en ce qui concerne la pêche), des pays individuels (Japon, France) et les entreprises privées (Siemens). Enfin, le groupe vise également à renforcer le dialogue au sein de la société au Maghreb, via par exemple la participation prochaine au Forum social mondial à Tunis, fin mars 2013. »
Solution pacifique, à tout prix
« Notre rôle le plus important est de maintenir la confiance en une solution pacifique du conflit, et de maintenir ce conflit à l’agenda de la communauté internationale. Ce que nous demandons, ce n’est rien de plus que l’application du droit international et le respect des engagements pris lors de la conclusion du plan de paix. Sans cela, nul ne peut dire combien de temps encore la situation restera calme, » conclut Abdeslam.
Texte : Laurent Bourgeois
OXFAM SOLIDARITE, 24 avril 2013
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