Avec des arguments frisant l’étrange et le ridicule – comme par exemple dire les droits de l’homme étaient plus bafoués au Nord (Maroc) qu’au Sahara Occidental -, le Palais a sonné le tocsin de la mobilisation «anti-américaine» contre la volonté de Washington d’inclure les droits de l’homme dans la mission de la Minurso. Il y a cependant des esprits libres au Maroc qui ne cèdent pas à la soudaine hystérie dont on ne sait si elle est orchestrée à des fins de politique intérieure ou si elle traduit une réelle panique.
La question se pose d’autant plus que les Etats-Unis ne se sont pas transformés, du jour au lendemain, en «ennemi» du Maroc, pas plus que Mme Susan Rice, la représentante américaine à l’Onu, n’est animée d’une haine quelconque pour le gouvernement marocain. Les Américains ne «ciblent» pas en particulier le Maroc puisque le travail de la Minurso sur les droits de l’homme concerne aussi les camps de réfugiés sahraouis. C’est une évidence que l’on cherche à faire oublier avec des arguments spécieux. La Minurso, à défaut d’avoir pu organiser un référendum d’autodétermination comme prévu dans sa mission originelle, veille depuis des années au maintien du cessez-le-feu. Pourquoi ne s’occuperait-elle pas des droits humains ? Il n’y a aucun sens à cette campagne «nationaliste» de bien mauvais aloi.
Un représentant du Makhzen dans une logorrhée qui suscite des remarques amusées sur Facebook s’est même laissé aller à dire que la situation aurait été pire si Mme Rice était devenue secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères. En tout cas, le climat est bien à la déraison et à la surenchère «patriotique» au Maroc où, signe que tout n’est pas noir, tous ne se laissent pas entraîner par la meute. L’Association marocaine des droits de l’homme (AMDH) et on devine bien les pressions et les procès en crime de «trahison de la cause sacrée» qui lui sont faits, a défendu avec courage l’extension du rôle de la Minurso à la surveillance des droits de l’homme au Sahara Occidental et dans les camps de réfugiés de Tindouf. L’Association s’en tient à la position de principe et considère qu’il s’agit d’un progrès. Khadija Ryadi, présidente de l’AMDH, a souligné que «tout mécanisme de surveillance onusien des droits de l’homme ne peut être que bénéfique, aussi bien au Sahara que dans les camps de Tindouf».
Sur Facebook, des Marocains tout en se disant pour que le «Sahara reste marocain» soulignent qu’ils respectent «le droit de ceux qui défendent toute autre position» et ne pas les considérer comme des «traitres» ou des «non Marocains». Ce texte qui circule affiche la conviction que «seule la démocratie et le respect des droits humains pourront convaincre nos frères sahraouis de ne pas chercher à créer un autre Etat»
mais qu’en définitive ils respecteraient les choix de «nos frères sahraouis s’ils souhaitent, majoritairement et démocratiquement, créer un Etat autonome même si cela ne me plaît pas». Ces prises de position courageuses ne sont pas antipatriotiques comme les médias du Makhzen ont tendance à les présenter. Elles expriment un autre type de patriotisme.
L’économiste Fouad Abdelmoumni pose la question de fond du «contenu» de ce patriotisme et ce qu’il dit vaut aussi bien pour les Marocains, les Sahraouis ou les Algériens. Ce patriotisme «à moins de l’envisager au niveau du Maghreb, de l’Afrique du Nord ou d’un espace plus conséquent, est complètement dépassé et non performant
». Elémentaire. Et les droits de l’homme et la démocratie ne peuvent être qu’un ferment de ce patriotisme maghrébin qui ne demande qu’à éclore.
par K. Selim
Le Quotidien d’Oran, 21 avril 2013
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