Dans un câble envoyé le 23 février 1976, sous le titre de « Sahara Espagnol, l’erreur calcul multilatéral en règle de politique », l’ambassade américaine à Alger faisait un bilan des erreurs de calcul de toutes les parties impliquées ou concernées par le conflit du Sahara Occidental.
Ce câble intervient trois jours avant la date officielle du retrait espagnol, le 26 février 1976 et 4 jours avant la proclamation de la RASD par le Front Polisario dans les territoires libérés du Sahara Occidental.
Certains éléments de cette analyse sont parfaitement applicables à la situation actuelle. Le diplomate américain souligne l’engagement de l’Algérie à défendre le droit à l’autodétermination au Sahara Occidental et met en avant les erreurs de calcul du défunt roi Hassan II. Parmi celles-ci, le fait d’avoir sous-estimé la volonté du peuple sahraoui de défendre son territoire et ses droits.
Face à l’entêtement de Hassan, le diplomate propose de lui montrer moins de soutien pour le faire infléchir. Cette situation perdure jusqu’à présent à cause du soutien inconditionnel de la France au Maroc.
TEXTE INTEGRAL DU CABLE
SAHARA ESPAGNOL : L’ERREUR DE CALCUL MULTILATERAL EN REGLE DE POLITIQUE
23 Février 1975
De : Ambassade d’Alger
Destinataires : Department of State | Libya Tripoli | Mauritania Nouakchott | Morocco Rabat | Spain Madrid | Tunisia Tunis | United Nations (New York)
HASSAN, le Premier décideur, a fait plusieurs erreurs de calcul concernant les attitudes des Sahraouis et des Algériens.
Tout d’abord, il a mal calculé les désirs des sahraouis et a participé activement dans la promotion de l’autodétermination jusqu’en 1973, date à laquelle il est devenu prisonnier de sa propre rhétorique et a dû prendre des engagements et déclarations ultérieures qui étaient contradictoires avec la politique qu’il a éventuellement suivi quand le moment est venu de prendre une décision, ce qui a donné aux algériens un bâton util pour le sermonner. Plus important encore, il a sous-estimé la force d’opposition sahraouie à l’administration marocaine et apparemment et il a mal calculé le degré de disponibilité de l’Etat algérien à soutenir le Polisario. Ce dernier semble être devenu une force beaucoup plus efficace que prévu par les marocains.
La perspective actuelle est une guerrilla durable et amère, et le Polisario pourrait bien réussir à rendre le Sahara ou une partie d’elle intenable pour les civils marocains. S’il en est ainsi, les marocains vont probablement être poussés à attaquer les sanctuaires principales du Polisario en Algérie et l’escalade rendra le conflit en guerre entre le Maroc et l’Algérie.
Malgré l’habilité de Hassan II en calcul, il semble évident qu’il a été trompé par les Algériens dans, au moins, une occasion : la visite de Bouteflika à Rabat en juiller 1975, les marocains ont pensé qu’ils avaient conclu un accord sur le partage du territoire en échange de la ratification de l’accord sur les frontières avec l’Algérie: D’autre part, l’absence d’un ambassadeur ici voulait dire qu’il a été mal informé sur la position algérienne et il ne pouvait que s’auto-blâmer de cela.
Boumédienne a aussi mal calculé la fidélité de l’Espagne face aux pressions marocaines lors de la crise interne comme il a mal calculé la détermination du Maroc et le soutien officiel à Hassan II.
L’Espagne semble avoir mal calculé: (a) l’engagement algérien en faveur de l’autodétermination, (b) les désirs de la population sahraouie et (c) les extrêmes jusqu’où Hassan II était prêt à aller pour arriver à ses fins.
Les Tunisiens et les mauritaniens ont mal calculé l’intensité des sentiments et l’engagement de Boumediene. Ainsi, aucune des parties au Maghreb ne semble avoir prévu sa réaction.
La situation actuelle n’intérêsse personne, sauf probablement les soviétiques qui pourraient profiter de leur relation de fourniture d’armes avec les algériens pour s’établir davantge ici. La question que se posent les Etats-Unis est s’il y a une sortie de l’impasse. Théoriquement, l’Algérie pour jetter l’éponge et tout résoudre. Cela voudrait dire abandonner ses principes et positions officielles, ce qui serait extrêmément embarassant.
Cela signifierait l’abandon des principes et positions officielles, ce qui serait extrêmement embarrassant. Plus important encore, cela signifierait un aveu de défaite par Hassan II, un pas humiliant et potentiellement fatal pour Boumédienne. S’il doit y avoir une solution pacifique, il devra, cependant, accepter quelque chose de moins que la demande officielle de son gouvernement d’autodétermination complète. Nous pensons qu’il est conscient de cela et qu’il accepterait un compromis qui sauvera la face s’il contient l’élement d’autodétermination.
Le revers de cette proposition, cependant, est que Rabat doit accepter de modifier sa position selon laquelle le dossier du Sahara est clos, que le peuple sahraoui n’existe pas, et qu’il n’y a rien à discuter. S’il doit y avoir un accord de paix global, les marocains devront accepter au moins l’autodétermination partielle, y compris éventuellement (A) consultation d’une Jemaa reconstituée, (B) un accord avec le Polisario, et (C) une sorte de régime spécial qui ne diminuera pas sérieusement la souveraineté marocaine. (Il ya un précédent dans le statut douanier spécial dont a bénéficié Tan-Tan). Si l’on croit les ministres du roi, cette approche est une anathème, mais quelque chose de semblable serait une condition sine qua non de la solution.
En disant cela, je suis bien conscient de la fermeté de la position actuelle du Maroc.Cependant, l’alternative est une longue et coûteuse guerre qui minera la stabilité de cette région et affectera les intérêts de la communauté internationale et des pays directement concernés. Une des victimes sera, bien sûr, les relations entre les USA et l’Algérie, telles qu’elles sont maintenant. Je suis bien conscient des limites de notre influence sur Hassan II. Cependant, il faut lui dire clairement que nous avons d’imp
ortants intérêts en jeu en Algérie et qu’il ne peut pas compter sur notre soutien indéfiniment si la situation se détériore.
ortants intérêts en jeu en Algérie et qu’il ne peut pas compter sur notre soutien indéfiniment si la situation se détériore.
Vu d’ici, l’approche intransigeante de Hassan II est fondée sur l’hypothèse que nous (et d’autres, surtout les français) lui soutiendront éternellement. S’il devait commencer à en douter, il pourraient décider de faire preuve d’un un peu plus de souplesse. Il pourrait aussi devenir moins coopératif sur les arrangements basiques et les visites de la flote, mais le passé a démontré qu’il a besoin de notre présence là-bas et nous manquons pas de cartes à jouer.
https://www.wikileaks.org/plusd/cables/1976ALGIER00460_b.html
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