Depuis près d’une vingtaine d’années, le palais royal, le pouvoir marocain et le makhzen ne cessent de nous étonner avec leurs sautes d’humeur.
Si les algériens ont pensé qu’après la mort de Hassan 2 (qui vouait une haine viscérale à ses voisins de l’est), ils trouveraient en son fils un héritier digne de son grand-père Mohamed V qui fut un grand ami de l’Algérie et de sa lutte de libération, contrairement à ceux qui trahirent l’Emir Abdelkader, ils se sont trompés lourdement.
Hé bien, en vérité, les Algériens ont été quelque part floués par quelqu’un qui sortait de l’adolescence et son puissant makhzen qui détient les principaux pouvoirs pour ne voir comme ennemi que l’Algérie, mettant cette animosité sur le compte de l’affaire du Sahara occidental ? Et si ce n’était que ça !
Le père de M6, le H2 (sans O), grand ami de la France colonialiste et post-colonialiste, de De Gaulle à Chirac (il n’a raté que Sarkozy avec lequel il aurait pu s’entendre, et de quelle façon), n’avait d’yeux que pour les Algériens et les Algériens savaient le lui rendre, eux qui connaissent bien le royaume pour y avoir vécu, fait des enfants, acquis des biens et j’en passe.
Les Algériens ont aussi fait, en partie, leur Révolution armée à partir du Maroc avec tous les aléas du makhzen et des mekhaznias. Les Algériens disposaient dans le temps de bases que même les marocains ne connaissaient pas et ils y activaient à la barbe des gendarmes et du makhzen. Et s’ils se faisaient avoir, c’étaient les «espions» français qui y parvenaient à les dénicher. Des moudjahidine m’ont raconté un jour que quand l’aviation française bombardait les positions de l’AL N, c’était l’œuvre de délateurs du pouvoir marocain.
Heureusement que le peuple marocain ne ressemble pas au makhzen, lui qui a toujours ouvert ses bras aux voisins et frères algériens, alors que le Makhzen faisait tout pour diaboliser les voisins de l’est.
Et là je pourrais dire que plus les Marocains aiment les Algériens, plus le makhzen les détestent et veut leur destruction.
Vous me direz : des preuves. Il n’y a que ça et je ne remonterais pas très loin, et pour ceux des générations d’après l’indépendance, je commencerais par la guerre des sables de 1963 lorsque l’armée marocaine a voulu prendre Tindouf. L’Algérie venait d’être indépendante, sortait d’une guerre de plus de sept années, et le makhzen a choisi le moment pour nous achever. Il n’a pas pu grâce à Dieu et il reçu lui et son armée une raclée qui fit dire à H2 (sans O) «je sens l’odeur de la poudre égyptienne» (allusion à l’aide de Nasser à l’Algérie combattante). La liste des coups fourrés fut par la suite des plus longues, Hassan 2 trouvait un malin plaisir à essayer de faire du mal à l’Algérie.
Le couronnement a été flagrant avec sa marche verte contre le peuple sahraoui qui voulait se libérer du joug du colonialisme espagnol, et là le makhzen n’a pas trouvé mieux que de se partager ce territoire avec la Mauritanie de Mokhtar Ould Dada, et non content de cette opération que les Mauritaniens n’en voulaient pas, il mit en branle son armée en payant des citoyens marocains pour une marche verte sur le Sahara occidental.
Il y eut par la suite Amgala, ou l’armée de «sa majesté» s’est attaquée à des appelés du contingent de l’Armée Nationale Populaire, en opération de soutien logistique au profit des populations sahraouies démunies de tout.
Comme je l’ai déjà dit dans une précédente chronique, la question du Sahara empoisonne les relations entre l’Algérie et le Maroc, et le palais royal et son makhzen font tout pour rendre la vie difficile à la politique.
Des Algériens vivant au Maroc depuis des décennies furent même dépossédés de leurs biens acquis à la sueur de leurs fronts et à la force de leurs bras, à cause de l’animosité envahissante que voue le makhzen aux Algériens, fussent-ils ceux permettant à des milliers de marocains de travailler et de se nourrir.
Pendant la décennie noire, le palais royal et le makhzen firent tout pour que l’Algérie s’enfonce dans une guerre civile et soit «le laboratoire» du monde arabe et du Maghreb. Le «chef» terroriste Abdelhak Layada en est témoin sur les intentions marocaines. No comment !
Et lorsqu’en 1994, un hôtel de Marrakech est attaqué par des terroristes «français», le Maroc et son makhzen se sont empressés de faire la chasse aux Algériens, de les expulser manu militari sans même leur permettre de regarder derrière eux. Et le comble, le Maroc décide unilatéralement de fermer sa frontière avec l’Algérie, sans réfléchir aux conséquences désastreuses qu’il subit jusqu’à ce jour et à ses centaines ou milliers de demandes de réouverture de la frontière par l’Algérie qui n’avait fait que pratiquer une mesure de réciprocité. Et là, il ne sert à rien de revenir sur sa décision des années après et après quoi, et tant de tort causé aux algériens.
Le palais royal et le makhzen décident comme ça de supprimer le visa aux Algériens après l’avoir instauré de manière unilatérale, comme si prendre pareille décision venait par un coup de tête. Est-ce normal ? Et bien non.
Les autorités marocaines ont par la suite remué ciel et terre pour voir l’Algérie rouvrir les frontières terrestres, ils se sont plaints aux amis communs, arabes, occidentaux et aux grandes puissances, en vain. Ils se sont plaints, ils ont tenté d’amadouer, de trouver des explications, des arguments, et tutti quanti, mais n’ont pas pu demander des excuses à l’Algérie pour avoir accusé les services de sécurité algériens d’être derrière le coup de Marrakech, et des excuses aux Algériens malmenés pendant cette période. Les Marocains ne veulent pas mettre à plat tout les différents qui existent entre les deux Etats, mais malgré ça et faisant semblant de bien faire pour le bien des deux peuples, veulent développer la coopération bilatérale tous secteurs confondus, veulent que l’Union du Maghreb Arabe soit un espace d’intégration, etc., etc.
Des échanges de délégations ont lieu entre les deux pays, mais quand le palais royal et le makhzen se rebiffent, ils nous sortent l’affaire du Sahara occidental. Leurs ambassadeurs à l’ONU sont très vifs quand il faut tirer contre l’Algérie. Tout le monde sait que leurs arguments ne tiennent pas la route, mais ils s’entêtent, se payant leur tête et celles de leurs amis.
Les plus récentes sorties sont celles de la représentante marocaine lors de la session du fonds du Comité spécial des opérations de maintien de la paix (OMP C-34) de l’organisation des nations unies (ONU) du 20 février dernier, qui s’est attaquée au représentant algérien à la même session quand il a évoqué les prérogatives de la Minurso en matière de Droits de l’homme au Sahara occidental. Le premier ministre marocain, Benkirane, s’est lui aussi distingué lors d’une interview accordée à des médias français (RFI, TV5 et Le Monde) en accusant l’Algérie de bloquer le règlement de l’affaire du Sahara occidental, et de dire tout de go que «si l’Algérie décide de régler ce problème, en une journée c’est réglé». Et puis quoi encore, comme dirait l’autre. Est-ce que le Maroc ne peut pas régler ce problème en une journée. Tout le monde sait que l’Algérie et la Mauritanie ne sont pas partie prenante dans ce problème, ils n’assistent aux rencontres de pourparlers de paix qui ont eu lieu sous l’égide de l’ONU qu’en tant que pays voisins. Le Maroc se voi
le la face avec son projet d’autonomie au Sahara occidental qu’il occupe illégalement, alors que l’ONU parle et de manière claire de droit à l’autodétermination.
Lui emboitant le pas, l’ambassadeur du Maroc auprès de l’Office des Nations unies à Genève, Omar Hilale, qui, à l’adresse de l’Algérie, lui demande de «s’impliquer sincèrement dans une solution politique consensuelle». Culotté le mec et en plus il n’a pas froid aux yeux, lui le petit diplomate qui peut être dégommé comme rien du tout, ou servir de fusible, ose s’adresser à l’Algérie pour lui demander (balivernes !). En tout les cas, lui, le makhzen et le pouvoir en ont eu pour leur argent à travers la réponse d’Alger, encore une !
Mais tout ce que je sais, c’est que celui qui n’a pas de quoi avoir honte peut faire ce qu’il veut et les Marocains n’en sont pas à une près. Ils présentent un discours et son contraire à chaque tournant, nous-en sommes habitués. Ils envoient des ministres et des personnalités en visite en Algérie, reçoivent les nôtres, parlent de fraternité et de je ne sais pas quoi, et manipule un des leurs pour nous planter une épée dans le dos. C’est une affaire connue.
Cependant, ce qu’il faut qu’ils sachent c’est que nous sommes vaccinés et nous n’en sommes pas à la première avec eux, nous en avons vu de toutes les couleurs, mais nous prenons toutes nos précautions, car comme dit l’adage, Dieu préservez-moi de mes amis, car mes ennemis je m’en charge.
Seulement, il faut leur dire que ni le Maghreb, ni l’UMA ne se concrétiserons par l’hypocrisie et tous nos voisins le savent, et nous avons une chance inouïe d’avoir le plus grand nombre de voisins, du nord au sud, de l’est à l’ouest et nous savons et avons su faire la différence entre le bon grain et l’ivraie.
par Bachir Ben Nadji
Le Quotidien d’Oran, 7/03/2013