L’annonce du palmarès du Fespaco 2013 a sonné comme un aveu d’échec pour le Maroc qui a beaucoup misé sur cette édition pour imposer son programme et surtout sa suprématie sur le cinéma africain. Pour cette 23e édition de la biennale du cinéma africain, le Maroc avait imposé aux organisateurs de changer la carte du Maroc en incluant le Sahara occidental. Une modification de la carte africaine qui met le Burkina Fasodans une position diplomatique indélicate puisque celui-ci est membre de l’Union africaine et par la même occasion reconnaît l’existence du Sahara Occidental.
Après cette étape, le Maroc avait imposé la tenue d’une conférence de presse inexpliquée à Tanger pour annoncer le programme du Fespaco 2013 et surtout imposer la sélection de trois de ses meilleurs films: De sang et de charbon de Azlarabe Alaoui Lamharzi, Les chevaux de Dieu de Nabil Ayouch et Love in the Medina de Abdelhaï Laraki. Lors de l’édition 2011 du Fespaco, le Maroc avait remporté de fort belle manière l’Etalon d’or de Yennenga avec le film Pégase de Mohamed Mouftakir, faisant de lui, l’un des rares pays africains à avoir reçu trois fois le trophée.
Cette victoire a fait dire aux responsables marocains que c’était l’occasion de prendre les rênes du cinéma africain et dans ce domaine les Marocains sont les champions du lobbying en Afrique. C’est pourquoi, lors de cette édition du Fespaco, le patron du Centre marocain du cinéma, Noureddine Saïl, était au four et au moulin. Organisant une conférence où il vantait l’expérience du Maroc dans le financement de la production cinématographique lors des débats sur «Cinéma africain et politiques publiques» organisé à Ouagadou-gou. Profitant de la situation de la pauvreté du cinéma africain et de l’absence d’aide des Européens occupés par la crise financière, le patron du cinéma marocain, Noureddine Saïl, a vanté la création au Maroc, dans les années 2000, d’un «fonds de l’avance sur recettes» doté de 6 millions d’euros par an et qui permit de réaliser «autour de 25 films par an», oubliant de dire, au passage que 6 millions d’euros c’est le budget alloué par l’Algérie pour un seul film, Hors-la-loi, en 2010.
Une absence de communication et de lobbying de nos responsables chargés du cinéma a fait dire des bêtises au responsable marocain qui a tenu à faire les yeux doux aux responsables burkinabés pour essayer de gagner leur sympathie et il est allé jusqu’à séduire certains de nos envoyés spéciaux naïfs, qui n’ont pas hésité à écrire: «Le Maroc des sensations revient en force. Son industrie, cent fois plus performante que la nôtre, plutôt inexistante, démontre si besoin est, la vitalité du cinéma du Royaume chérifien qui bénéficie d’une aide conséquente de la part de son Etat, qui connaît, lui, une réelle politique de soutien au 7e art.». Mais voila, les armes du cinéma algérien sont placées dans ses films, ses thématiques et surtout dans le caractère trempé de ses cinéastes.
Malgré l’absence des responsables du cinéma algériens à Ouaga, malgré l’absence de nos réalisateurs et producteurs et malgré la naïveté politique de nos pseudos critiques de cinéma, l’Algérie a été le grand vainqueur du Fespaco 2013, avec quatre prix: l’Etalon d’argent et le Prix de la meilleure image pour Yema de Djamila Sahraoui et le Prix de la meilleur musique et le meilleur décor pour le film Zabana! de Saïd Ould Khelifa. Le Maroc est reparti bredouille avec seulement le prix du scénario pour son meilleur représentant Nabil Ayouch. C’est tout l’échec d’une stratégie cinématographique.
Amira SOLTANE
L’Expression , 04 – 03 – 2013