Que voulait dire, vendredi dernier à Rabat, le président de l’Assemblée nationale malienne en remerciant le Maroc pour son soutien au Mali « à tous les niveaux », a-t-il dit ? Faut-il comprendre que le royaume chérifien qui a, également, apporté son appui à l’intervention militaire française, après s’être, longtemps, opposé à celle-ci, a, en plus d’avoir permis aux Rafale et aux Mirage français de survoler son territoire, engagé des soldats dans la guerre livrée aux groupes armés ?
Cette implication, expliquent certains analystes favorables à la thèse marocaine, serait justifiée du fait, d’une part, que Aqmi recruterait des « combattants » au Maroc, et, d’autre part, que le Sahara occidental servirait de lieu de passage aux terroristes. En vérité, le Maroc qui n’est pas un pays du champ veut absolument faire partie – au prix de l’engagement de ses hommes au Mali ? – du Haut commandement de sécurité du Sahel dont le siège est à Tamanrasset, dans le Sud algérien. Il se plaint d’avoir été écarté de cette structure qui regroupe quatre pays sahéliens, l’Algérie, le Mali, le Niger et la Mauritanie, alors qu’il serait, lui-même, concerné par la situation dans cette région pour s’y impliquer.
Le roi Mohamed VI, lors du sommet islamique qui a eu lieu au Caire le 6 février dernier, a déclaré, sur un ton martial, que son pays « n’hésitera pas à manifester [au Mali] sa solidarité pleine et entière dans la défense de sa souveraineté […] », allusion, à peine voilée, au Sahara occidental. Chaleureusement félicité pour sa position par les autorités françaises, le Maroc se met en première ligne dans le conflit malien, soulignant qu’il travaille « la main dans la main » avec la France et le Mali « pour défendre l’intégrité territoriale et la souveraineté » de ce dernier. Dans une tribune publiée, comme par hasard, dans les colonnes du « Matin du Sahara et du Maghreb », les ambassadeurs français et malien remercient Rabat pour son aide opérationnelle et financière, laissant, par ailleurs, entendre que l’armée française a, aussi, défendu la sécurité du Maroc.
Ce changement de stratégie de la monarchie marocaine qui n’avait cessé de s’opposer, par la voix de son ministre des Affaires étrangères, Saâdeddine Al-Othmani, à toute forme d’intervention militaire au Mali, privilégiant, au même titre que l’Algérie, une solution politique par le moyen du dialogue, répond à une seule préoccupation : la question du Sahara occidental, cherchant à faire admettre, au mépris de toutes les résolutions pertinentes des Nations unies recommandant l’autodétermination du territoire par l’organisation d’un référendum, son plan d’autonomie que refuse le Front Polisario, et que la France, par la bouche d’Elisabeth Guigou, présidente de la commission des Affaires étrangères à l’Assemblée nationale, née à Marrakech, a, de nouveau, agréé.
« Il faut agir ensemble, a-t-elle dit au président de la Chambre des représentants marocain, Karim Ghellab, en visite à Paris. Parce que, a-t-elle ajouté, « il y a une évolution favorable [qui] aura de bonnes répercussions sur la question du Sahara occidental ». Elle lui a rappelé que la France « soutient, depuis longtemps, la proposition marocaine d’autonomie qui [lui] paraît être vraiment crédible », dédaignant ainsi les aspirations des populations sahraouies et le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.
Ayant toujours deux fers au feu, le ministre français des Affaires étrangères faisait valoir qu’il « n’y avait aucune contradiction [dans la position française], jugeant que le plan d’autonomie est une bonne solution, mais cela relève de l’ONU », insiste Laurent Fabius, faisant preuve d’un sophisme consommé.
Brahim Younessi
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