François Hollande a séjourné durant deux jours en Algérie. Son discours a plu. Mais pour le Pr Salah Saoud, enseignant à l’Université Alger III, il ne faut pas voir en le discours et acte du président français de la philanthropie politique. «Au Maghreb, la France opère un colonialisme soft», a-t-il affirmé, hier, au forum géostratégique d’El Moudjahid.
Sofiane Aït Iflis – Alger (Le Soir) – L’auteur de cette assertion, qui n’est pas forcément fausse, n’aura cependant pas l’audace intellectuelle de commenter la position du gouvernement algérien face à ce colonialisme français d’un genre nouveau. Le Pr Saoud, plus enclin à la dissertation historique, point engageante, zappe, ostensiblement gêné, la question de savoir si le gouvernement algérien reste passif devant ce «colonialisme soft» ou, au contraire, travaille à ne pas le subir. Le professeur ne livre que ce qu’il peut, même si de son attitude à l’égard de la France débordait un tropplein de ressentiment. Pour Salah Saoud, la France n’a jamais perçu le Maghreb en tant qu’entité régionale.
«Dans la perception de la France, le Maghreb, ce sont uniquement trois Etats : l’Algérie, le Maroc et la Tunisie.» Et ces Etats sont différemment perçus, selon lui. Le professeur n’hésite pas à présenter le Maroc comme le plus soumis aux volontés politique et économique de la France. «Le Maroc complète le rôle de la France au Maghreb», dit-il, soulignant qu’en contrepartie, la France se positionne aux côtés du Maroc dans le dossier du Sahara occidental. «La France est avec le Maroc dans la question du Polisario, même si elle nous vend un autre discours. Un secret de Polichinelle.
L’information est dans ce qu’affirme Salah Saoud en matière de coopération militaire entre la France et le Maroc. «Les avions militaires de reconnaissance français sillonnent en permanence le territoire marocain non loin de la frontière avec l’Algérie.» Salah Saoud a épinglé aussi la France qui se réclame chantre des droits de l’Homme et qui se dresse contre l’émancipation du peuple sahraoui. Il a affirmé que «la France prône le discours des droits de l’Homme, de l’émancipation des peuples, alors que sur le terrain, sa politique est l’exact contraire de son discours, en témoigne son soutien actif et constant au Maroc s’agissant de la question du Sahara occidental.» Mieux encore, le conférencier a estimé que «la France n’a aucun intérêt à voir le Maghreb unifié» et que «la politique française n’a jamais changé dans ses fondements au Maghreb mais ce sont les mécanismes qui changent de façon à toujours sauvegarder ses intérêts».
Le Maghreb, chasse gardée de la France ? Salah Saoud le pense le plus sérieusement du monde. Un marché ? Rien que cela. Mais pas seulement dans le regard de la France. «Tous les chefs d’Etat qui visitent l’Algérie la regardent en tant que marché.» S’agissant de la question des crimes coloniaux, Salah Saoud s’est dit convaincu que la France ne les reconnaîtra jamais, car ce serait en contradiction avec ses fondements mais aussi parce que personne ne la pousse à le faire. La visite de Hollande en Algérie ? Une tentative de récupérer un marché pour sauver une économie française fragilisée. Salah Saoud pense que le partenariat est profitable à la France.
S. A. I.
Le Soir d’Algérie, 25/12/2012