La position diplomatique de la France sur le Sahara occidental est-elle à géométrie variable, selon que l’on s’adresse à l’interlocuteur algérien ou à l’ami marocain ? On peut se poser légitimement la question si l’on se réfère aux déclarations que François Hollande, chef de l’État français a tenu, lors de sa visite d’État en Algérie à propos du conflit du Sahara occidental, qui oppose, faut-il le rappeler, deux parties en conflit. Parties, au demeurant clairement identifiées par les Nations unies, qui tentent depuis plus de trente ans de garantir l’exercice par le peuple sahraoui de son droit à l’autodétermination.
Dans ses propos, à ce sujet, François Hollande a exprimé une position nouvelle qui donne l’impression en apparence d’une évolution de la France dans le règlement, juste, de la question du Sahara occidental. Cette position nouvelle, si elle est confirmée lors de la visite qu’il effectuera au Maroc début 2013, est en mesure de répondre aux attentes des Sahraouis qui n’ont cessé d’exhorter Paris à cesser d’avoir une position partiale en faveur du Maroc, notamment aux Nations unies, où elle a empêché jusque-là une avancée sérieuse sur ce dossier, qui est, et demeure, une question de décolonisation.
Or, en déclarant à Tlemcen, en réponse à une question sur le Sahara occidental que la résolution de ce conflit est du ressort de «L’Onu, rien que l’Onu et toutes les résolutions de l’Onu», a fait bouger les lignes et n’a pas évoqué au grand dam du Palais royal marocain la prétendue solution «d’autonomie», que la diplomatie marocaine a sortie du chapeau pour torpiller le plan de paix ou plan Baker, avalisé en son temps par le souverain marocain Hassan II. Intervenant par deux fois sur le dossier sahraoui, le chef de l’État français a repris mot pour mot les termes des résolutions onusiennes à ce sujet, approuvées d’ailleurs par le Maroc, et soulignant que le règlement de ce conflit doit s’exercer «dans le cadre des Nations unies, a travers une solution politique, négociée et mutuellement acceptable.
C’est sur cette base d’ailleurs que travaille Christopher Ross, impliquant non seulement les deux protagonistes du conflit, mais aussi les membres du Conseil de sécurité et les pays directement concernés pour mettre en place le cadre idoine à l’exercice du referendum d’autodétermination du peuple sahraoui. Un cadre qu’il s’agira de négocier. Il faut rappeler à cet égard que L’Onu n’a jamais renoncé à faire aboutir le processus de paix, bloqué par la politique d’obstruction du Maroc, encouragé et conseillé par Paris en contrepartie d’intérêts mercantiles au plus haut niveau de l’État français.
Il faut lire à ce sujet le livre édifiant -«Majesté, je dois beaucoup à votre père»- du journaliste spécialiste du Maghreb, Pierre Tuquoi, pour comprendre jusqu’où Rabat va pour suborner des diplomates et de hautes personnalités françaises et les gagner à sa thèse. Les personnalités françaises ne sont d’ailleurs pas les seules à succomber à ces tentations, quant on sait que deux anciens Présidents du gouvernement espagnol coulent des jours heureux au Maroc, à l’abri des soubressauts de la crise économique qui frappe leur pays.
Pour revenir aux déclarations de François Hollande, homme de vérité à l’intégrité jamais prise en défaut, elles auraient été pleinement satisfaisantes pour les Sahraouis, s’il elles n’avaient été précédées par celles de son Premier ministre, Ayrault, dépêché à Rabat, moins d’une semaine avant la visite d’État de François Hollande à Alger. Dans ces déclarations, que l’on ne trouve d’ailleurs dans aucun site officiel gouvernemental français, le Premier ministre français, parlant du Sahara occidental, aurait apporté le soutien de la France à la solution «d’autonomie », avancée par le Maroc, au mépris des résolutions du Conseil de sécurité qu’il a toujours approuvées, tout en bloquant leur application. Sans parler du Plan de paix signé en grande pompe à Houston par le défunt Driss Basri, qui avait la haute main sur le dossier sahraoui. Le plan prévoyait notamment un référendum au cours duquel le corps électoral sahraoui, laborieusement établi, devait se prononcer sur l’indépendance ou le rattachement au Maroc.
Mais le Maroc prenant conscience que le choix de l’indépendance était inéluctable jusque-y compris au sein des colons marocains qu’il avait réussi à inclure dans le corps électoral, fait volte-face et s’arqueboute, depuis, sur la solution de «l’autonomie», comme s’il était maître du territoire. Or, l’Onu a définitivement mis les choses au point avec une décision de son autorité juridique, qualifiant le Maroc d’autorité d’occupation et ne lui a jamais reconnu le statut de puissance administrante. À ce jour, le Sahara occidental figure, comme l’a rappelé, il y a encore peu de temps, l’Assemblée générale de l’ONU, sur la liste des territoires non-autonomes, dont la décolonisation est inachevée. Qui plus est, toutes les résolutions du Conseil de sécurité n’ont cessé de rappeler le droit inaliénable du peuple sahraoui à l’autodétermination, se référant à la Résolution 1514 et au principe sacro-saint du droit des peuples à disposer de leur destin.
François Hollande s’inscrit- il dans cette démarche et va-t-il impulser la diplomatie française en ce sens. Laurent Fabius, dont la grande ambition politique est de marquer de son sceau personnel la politique du Quai d’Orsay, sera-t-il en mesure de mettre fin au parti pris de la France sur cette question ? On peut l’espérer, eu égard aux principes énoncés par la Déclaration d’Alger, sur le dialogue politique et la portée du partenariat stratégique lancés par Hollande et Bouteflika.
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Mokhtar Bendib
Le Courrier d’Algérie, 24/12/2012
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