Quarante ans après, la Tunisie accepte d’entrer en matière sur la disparition deHoucine Manouzi, sur son sol, enlevé en Tunisie pendant la présidence de Habib Bourguiba.
C’est au Président tunisien Moncef Marzoukiqu’on doit cette initiative, après qu’il ait ordonné, lundi 9 décembre, que soit diligentée une enquête, afin de déterminer les circonstances dans lesquelles se serait déroulé l’enlèvement le 29 octobre 1972, en Tunisie.
L’acharnement de la famille qui n’a jamais renoncé à la vérité sur le sort réservé au sien, a fini par payer.
On connaît à présent, une partie de l’histoire grâce notamment, au Professeur universitaire, Ahmed Benani, exilé à Lausanne, en Suisse. Celui-ci a révélé, sur sa page Facebook, il y a quelques années, que l’un de ses cousins, Abdelkebir Bennani, aujourd’hui décédé, avait appâté Manouzi, pour le faire venir de Tripoli à Tunis où il a été enlevé et transféré au Maroc dans le coffre d’une voiture diplomatique, conduite par le même Abdelkebir jusqu’à Oujda, où les services secrets marocains ont pris l’opposant en charge.
C’est un des frères Manouzi rescapés, Abdelkrim Manouzi, qui a présenté au Président tunisien le dossier du disparu, lors d’une réception donnée par celui-ci, en l’honneur d’officiers tunisiens, victimes du régime Ben Ali et que le Président Marzouki a réhabilités.
Emprisonné au PF3, après un passage dans les chambres de torture du royaume, Houcine se trouvait en compagnie des militaires ayant participé au coup d’Etat de juillet 1971. Il s’en était évadé le 12 juillet 1975 du PF3, en compagnie du Lieutenant-colonel Ababou, du Capitaine Chellat, de l’Aspirant M’zireg, de l’Adjudant-chef Akka et des trois frères Bourequat. Le groupe avait été repris quelques jours plus tard, l’escapade s’étant soldée par l’exécution extra-judiciaire, des militaires, dans la nuit du 7 juillet de la même année, selon le récit qu’en a fait Ali Bourequat, dans son livre « Dix huit ans de solitude ».
Ce dernier raconte qu’il a assisté, à travers les interstices de la porte de sa cellule au supplice des militaires et leur geôliers soupçonnés de leur avoir facilité l’évasion et qu’il aurait reconnu parmi ceux qui assistaient à ces exécutions, le Colonel Dlimi, le Colonel Benslimane, le Général Moulay Hafid, les commissaires Houcine Jamil et Ben Mansour, Ben Cherif, le Capitaine Fadoul , parmi d’autres personnes en civil.
Hormis un certificat laconique remis à la famille par la DST, le 16 août 2001 et faisant état du décès de Houcine, le 17 juillet 1975, sa famille ignore, à ce jour, les circonstances exactes de son décès et l’emplacement où se trouverait sa dépouille.
La famille qui a payé un lourd tribu à la dictature au Maroc, après s’être illustrée dans une lutte sans concession, contre le colonialisme a perdu trois de ses membres, disparus dans des conditions pour le moins obscures, le Commandant Brahim Manouzi, exécuté le 13 juillet 1971, Houcine Manouzi, porté disparu et Moujahid Kacem Manouzi, mort sous la torture à Derb Moulay Chérif, au mois de septembre 1970, et dont le cadavre n’a, non plus, jamais été rendu à la famille. Un quatrième frère, le Docteur Omar Manouzi, a sombré dans la folie
C’est le deuxième geste accompli par le Président tunisien, en faveur des Droits de l’homme au Maroc, après qu’il ait reçu samedi 8 décembre, au Palais de Carthage, Abdelhamid Amine, vice-président de l’Association marocaine des droits humains (AMDH) et célèbre opposant au Makhzen.
Salahelayoubi, 18 Déc 2012